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La sélection traditionnelle en berne

La création de cépages traditionnels est quasiment au point mort. Mais les hybrides de demain sont pleins de promesses, pour les cultivars comme pour les porte-greffes.

Ces dernières années, la création de nouveaux cépages de Vitis vinifera a pris du plomb dans l’aile. « C’est un épiphénomène, affirme Loïc Le Cunff, de l’IFV. Il faut dire que l’innovation est difficile en raisin de cuve : il y a déjà une palette d’anciens cépages très large, à laquelle s’ajoutent ceux de l’étranger. » Quelques nouveaux cépages pourraient toutefois faire parler d’eux dans les années à venir, fruits d’anciens programmes de croisement. C’est le cas notamment dans le Beaujolais, où des travaux commencés dans les années 70 ont abouti, en 2014, à l’inscription au catalogue de quatre nouveaux cépages. « Nous ne communiquons pas encore dessus, car les premiers plants ne seront disponibles qu’en 2020, indique Bertrand Chatelet, directeur de la Sicarex. Mais le gaminot, croisement entre le gamay et le pinot, présente un fort intérêt pour nos AOC. Il n’est pas exclu qu’il puisse intégrer le cahier des charges. »

L’innovation variétale se concentre sur les hybrides

En vallée du Rhône également, un programme de croisement entre le grenache et la syrah suit toujours son cours. « L’idée serait d’obtenir un candidat qui a les qualités des parents mais sans leur défaut, tout en gardant notre typicité, explique Viviane Bécard d’Inter Rhône. Nous observons d’ailleurs des choses très intéressantes sur la sélection. » Malheureusement, il n’est pas dit que le projet aboutisse à un classement, le programme de recherche sur les variétés résistantes étant désormais prioritaire. Il faut dire que la plupart des croisements sont maintenant basés sur ce critère. « Puisqu’on sait le gérer, autant l’intégrer directement lors de la création », avance Loïc Le Cunff. Mais ce ne sera plus demain qu’un critère comme les autres. Car l’utilisation des marqueurs moléculaires en routine, pour la sélection précoce, ouvre toute une gamme de possibilités. À l’Inra de Colmar, par exemple, les scientifiques cherchent à sélectionner de nouveaux caractères génétiques, tels que les arômes, l’acidité, le rendement, l’équilibre sucre/acide… Et les perspectives n’ont presque plus de limites. « Nous ne nous sommes encore jamais posé la question, mais nous pourrions tout à fait imaginer sélectionner des caractères pour créer des variétés avec un feuillage touffu pour limiter l’effet de la grêle, ou d’autres qui auraient une moindre sensibilité à la casse au vent », admet Christophe Schneider, de l’Inra. De même pour les dates de débourrement, afin de limiter le risque de gelée, ou bien l’époque de véraison pour retarder le moment de maturation face au réchauffement climatique. Les hybrides de demain seront donc bien loin de ce que nous avons connu dans les années d’après-guerre.

Trouver des marqueurs pour les porte-greffes

L’innovation du matériel végétal passera aussi par de nouveaux porte-greffes. « C’est surprenant que cette dynamique ne soit pas partie plus tôt, car elle est indispensable, notamment dans le cadre du changement climatique, commente Loïc Le Cunff. C’est un levier intéressant, surtout pour les AOC, car il est plus facile de jouer là-dessus au niveau réglementaire. » D’autant plus que les dernières recherches sur le sujet sont très encourageantes. Selon les travaux d’Élisa Marguerit, enseignant-chercheur à Bordeaux Science Agro, certaines régions du génome sont impliquées dans le contrôle de la capacité d’extraction de l’eau par les porte-greffes. Les scientifiques envisagent dont de trouver, là aussi, des marqueurs moléculaires, permettant de sélectionner ces caractères lors de la création d’un porte-greffe. Et cerise sur le gâteau, les gènes impliqués dans la transpiration semblent indépendants de ceux contrôlant la vigueur. « L’autre défi sera de répondre à la problématique du court noué, qui est un enjeu majeur pour la viticulture », ajoute Olivier Yobrégat de l’IFV Sud-Ouest. Les travaux ont déjà commencé, afin de développer de nouveaux porte-greffes ayant l’efficacité du Nemadex sur le retard de la contamination, mais de meilleures qualités agronomiques.

voir plus loin

Si la création de nouveaux cépages n’a pas la cote, la recherche de clones est toujours assez active. « Et heureusement, car c’est une belle piste d’avenir », estime Loïc Le Cunff de l’IFV. En particulier pour permettre aux AOC de trouver des solutions plus rapides d’adaptation au changement climatique. « La grande diversité qui existe au sein d’une variété peut avoir un impact important sur la durée du cycle végétatif, l’acidité ou encore sur l’architecture des grappes », confirme son collègue Olivier Yobrégat. Vis-à-vis des pathogènes, en revanche, la sensibilité ne change guère.

témoignage

Une diversité de porte-greffes

« Nous avons initié depuis plusieurs années déjà un travail sur la diversité génétique de la vigne. Nous réalisons nos propres sélections massales et avons mis en place deux conservatoires. Nous avons ainsi plus de cent individus différents de cabernet franc et près de cent cinquante de merlot. Nous souhaitons aller plus loin dans cette démarche, en travaillant également sur les porte-greffes. Le travail n’en est qu’à ses débuts. J’ai commencé par marquer les vieilles souches ayant des rejets. Pour chacune, j’ai vérifié qu’elle était bien issue d’une sélection massale. J’ai alors fait réaliser des tests ADN d’identification. Nous avons du Rupestris du Lot, du Riparia Gloire, du 120-14, du Grézot et du Clinton. Je vais à présent faire des recherches pour essayer de connaître leurs caractéristiques, notamment celles du Clinton. La prochaine étape est de prélever des bois et de les faire pousser pour créer des plants, et observer leurs comportements et caractéristiques. Et pourquoi pas, créer un jour une vigne-mère de porte-greffes, à partir de notre vieux matériel. Le but de ce travail est d’avoir de meilleurs résultats qualitatifs qu’avec les clones. »

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