Veaux laitiers : à la recherche d'un marché équilibré
Début février, la cotation du veau laitier de 45-50 kg est légèrement remontée à 59 euros par tête. Mais le fond du problème demeure : mieux adapter l'offre à la demande en petits veaux issus de l'atelier lait est le défi à relever. Et l'application de la loi de santé animale à partir du 21 avril inquiète.
Début février, la cotation du veau laitier de 45-50 kg est légèrement remontée à 59 euros par tête. Mais le fond du problème demeure : mieux adapter l'offre à la demande en petits veaux issus de l'atelier lait est le défi à relever. Et l'application de la loi de santé animale à partir du 21 avril inquiète.
« Les prix des petits veaux mâles typés lait restent faibles en ce début février 2021, à 59 €/tête d'après la cotation FranceAgriMer (+3 €/février 2020). Sur l'année 2020, les prix étaient très faibles quasiment toute l'année à cause de l'encombrement des débouchés du fait de la fermeture de la restauration hors domicile. En moyenne annuelle, 61 €/tête en 2020 soit -12 %/2019 et -33 %/2018 », décrivent Ilona Blanquet et Alix Gérardin, de l'Institut de l'élevage. La hausse est un peu plus marquée pour les veaux typés viande (+7 €/2020, à 171 €/tête), dont font partie les veaux de race mixte comme la normande et la montbéliarde, ou les veaux croisés lait et viande.
Une baisse de tous les débouchés en France
Les veaux laitiers restent confrontés à un problème structurel d'inadéquation entre l'offre et la demande. « Tous les débouchés français se rétractent : veau de boucherie (-4 % d'abattages en 2020/2019), mais aussi jeune bovin (-30 % en dix ans) et bœuf avec la spécialisation des exploitations laitières », rappellent Ilona Blanquet et Alix Gérardin.
Pour rappel, les veaux laitiers mâles partent à 66% en filière veaux de boucherie, 16% en filière jeunes bovins, 10% à l'export, 8% en filière boeufs.
Un décalage entre saisonnalité de l'offre et saisonnalité de la demande
S'y ajoute un problème saisonnier, avec des excédents à l'automne et un manque de veaux au printemps.
La baisse du nombre de naissances, elle-même liée à une diminution régulière du cheptel bovin laitier, ne suffit pas à rééquilibrer le marché. Les filières estiment qu'il y aurait 6 à 8% de veaux en trop. "Mais cet excédent est largement dû au problème du décalage entre la saisonnalité de l'offre et celle de la demande ; ainsi qu'à une mauvaise adéquation entre l'offre et la demande, en matière de conformation, de type croisé lait/viande", nuance la Fédération française des commerçants en bestiaux (FFCB).
Un excès de veaux croisés
En terme de type de veau (laitier, croisé) et en termes de conformation, là aussi, les professionnels des filières viande interpellent sur une mauvaise adéquation entre l'offre et la demande. Les naissances de veaux croisés lait et viande se développent, "or leur débouché n'augmente pas (plutôt stable, en boucherie traditionnel)", indiquent Ilona Blanquet et Alix Gérardin.
La loi de santé animale inquiète le débouché export
Face au manque de débouchés en France, les exportations de veaux laitiers ont gonflé en 2020, à 319 000 têtes (+11 %/2019). « Le marché espagnol en a absorbé plus de 90 %, à des prix bradés. La cotation espagnole du veau frison de moins d’un mois s’est établie à 82 €/tête en 2020, en baisse de -1% /2019 et surtout de -23% /2018. « A 82 €/tête, c'est la cotation française, plus le coût de la PCR exigée par rapport à la FCO, et le coût de la logistique », soulignent Ilona Blanquet et Alix Gérardin.
L'exportation (10 % des destinations des veaux mâles laitiers) est un débouché qui risque d'être fortement perturbé par l'application de la loi de Santé animale le 21 avril prochain. La vaccination contre la FCO devient obligatoire pour les échanges européens. En cette mi-février, il semblait peu probable que des dérogations à l'obligation vaccinale soient mises en place. Sans dérogation, les veaux devront être issus de mères valablement vaccinées, pour pouvoir être exportés. « Les opérateurs espagnols indiquent même que les veaux doivent être issus d'un troupeau vacciné. Il n'est pas sûr du tout que l'Espagne mette en place une dérogation, souligne la FFCB (Fédération française des commerçants en bestiaux). Si nous n'arrivons pas à exporter des veaux, cela signifiera des pertes de marchés, et à l'automne un engorgement inégalé du marché français. Le risque est une situation pire qu'à l'automne 2020. »
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La FNPL et Interbev à la recherche d'une solution durable
Pour mieux adapter l'offre à la demande, une partie des vêlages d'automne pourrait être décalée sur la fin d'hiver et le début du printemps. "Mais on ne pourra pas faire vêler plus sur la fin du printemps et l'été ; c'est trop problématique du point de vue bien être animal et sanitaire", estime Marie-Andrée Luherne, élue à la FNPL. Un autre levier pour réduire un peu les naissances, est d'augmenter l'intervalle vêlage vêlage (IVV) dans certains cas ; par exemple pour des vaches qui ont une bonne persistance laitière.
Mieux coller à la demande signifie aussi répondre à des besoins de conformation. "Avec Interbev, nous défendons l'idée d'une contractualisation, à la place du système actuel de cueillette des veaux. Les éleveurs laitiers peuvent proposer des veaux différents", défend Marie-André Luherne.
Un plan de communication pour soutenir la consommation de viande veau aura lieu, avec le soutien du ministère de l'agriculture.
Enfin, la ferme expérimentale des Bouviers, à Mauron, testent différents croisements et modes d'élevage. "L'objectif est de développer d'autres débouchés aux petits veaux que le veau de boucherie. Par exemple, des animaux de 15 - 16 mois, notamment pour la RHD (restauration hors domicile), qui sont aujourd'hui importés. Tout est à construire. Il faut vérifier les conditions de réussite pour les éleveurs et valider l'intérêt des acheteurs et des clients finaux", résume Marie-Andrée Luherne.