Une hydropisie des enveloppes fœtales doublement mortelle en fin de gestation
Vu par Sophie Cercelet, vétérinaire
Vu par Sophie Cercelet, vétérinaire
« J'ai une vache tarie dont l'état général s'est dégradé rapidement. Il faudrait passer voir... » Arrivée sur place, le diagnostic est déjà presque fait en prenant les commémoratifs : « depuis quelques jours, son abdomen est devenu énorme, mais ça allait. Hier, elle était moins en forme, je l'ai mise dans le parc de tri pour l'avoir à l'œil, et ce matin elle ne se lève plus ». Date du terme ? « Dans deux à trois semaines. » L'éleveuse ajoute : « je suis sûre que c'est une hydropisie, une des mes vaches en a eu une il y a plusieurs années ».
À l'examen clinique, effectivement, même si cette vache, gestante de son quatrième veau, est couchée, on voit que son abdomen est énorme. Je la fouille, le vêlage n’est pas pour maintenant. La palpation transrectale ne permet pas de sentir le veau, ni la percussion au poing au niveau de l'abdomen. Le diagnostic d'hydropisie des enveloppes fœtales est certain (on pourrait avoir en deuxième hypothèse une gestation multiple, mais dans ce cas nous aurions dû sentir au moins un des fœtus).
Jusqu'à 200 litres d'eaux fœtales
L’hydropisie des enveloppes fœtales est l’augmentation du volume des eaux fœtales. On parle d’ « eaux fœtales », mais il y a en fait deux types de liquides. Le liquide amniotique, produit par le placenta, est aqueux en début de gestation puis devient ensuite plus épais. L’autre type de liquide, le liquide allantoïdien, est l’urine du veau. Normalement, en fin de gestation, il y a cinq à six litres de liquide amniotique et dix litres de liquide allantoïdien, donc au total une quinzaine de litres.
Lors d'hydropisie des enveloppes fœtales, on a jusqu'à 200 litres ! L’augmentation de liquide concerne le plus souvent le liquide allantoïdien. Ce volume énorme diminue la taille du rumen ce qui réduit l'ingestion. Cela comprime également le diaphragme de la vache ce qui rend sa respiration difficile. Et enfin, cela modifie la fonction cardiovasculaire de la vache, suite à la pression exercée sur les gros vaisseaux sanguins abdominaux. Sans oublier que cela pèse lourd !
Le pronostic de la vache et de son fœtus sont engagés. Nous décidons de déclencher le vêlage. Le vêlage risque d'être compliqué : en effet, souvent il y a non-dilatation du col, atonie utérine (non-contractions de l'utérus), il faut intervenir systématiquement. De plus, comme je l'ai dit à l'éleveuse : « cette pathologie est très souvent associée à des malformations chez le veau. Donc, pour le moment, on essaye de sauver la vache en prenant le risque d'avoir un veau prématuré. Cela va être compliqué pour elle, car elle est déjà très affaiblie, et la perte brutale de 200 litres de volume abdominal risque d'engendrer un choc cardiovasculaire, ce qui pourrait rapidement la tuer ».
Les meilleures chances de survie en appelant rapidement
Mon histoire ne se termine pas bien : 36 heures après le déclenchement, lors du vêlage, le veau mort reste coincé au niveau du flanc, le volume de son abdomen est très important et empêche le passage dans la filière pelvienne. Telle mère, tel veau, il est hydropique aussi. Nous décidons avec les éleveurs d’euthanasier la vache.
La cause de l’hydropisie des enveloppes fœtales est mal connue, aucune n’est formellement identifiée, les principales hypothèses sont la présence de malformations rénales chez le fœtus, une torsion du cordon ombilical, des problèmes hormonaux. Souvent, la gestation est gémellaire et/ou le veau est anormal. Cette pathologie est rare mais souvent fatale pour la vache, surtout si elle est traitée en fin de gestation. Si une vache en fin de gestation a le volume de l’abdomen qui augmente brutalement, il faut la montrer rapidement au vétérinaire pour lui donner les meilleures chances de survie.