Une conversion brebis-chèvres réussie
À Larribar, dans les Pyrénées-Atlantiques, Michel Irumé a fait le choix il y a quatre ans de changer de production après 19 années en brebis laitières. Défi relevé pour le « jeune » éleveur de chèvres.
À Larribar, dans les Pyrénées-Atlantiques, Michel Irumé a fait le choix il y a quatre ans de changer de production après 19 années en brebis laitières. Défi relevé pour le « jeune » éleveur de chèvres.
Au pays des brebis, Michel Irumé élève 240 chèvres alpines. Installé en 2002 sur la ferme familiale à Larribar (64), Michel poursuit tout naturellement l’élevage des 200 Manech tête rousse et d’une vingtaine de Blondes d’Aquitaine. En 2006, il investit dans une nouvelle bergerie et élève alors 400 brebis.
Mais la coopérative à laquelle l’éleveur livre son lait rencontre des difficultés économiques, qui ont des répercussions sur son élevage. Il envisage alors de changer de production et étudie la possibilité d’élever des taurillons avant de découvrir les chèvres grâce à des amis éleveurs en Dordogne. À ce moment-là, la coopérative Beria ouvre une collecte de lait de chèvre. « J’ai saisi l’opportunité. Le choix a été difficile à l’époque parce que je suis attaché à la coopérative à laquelle je livrais mon lait de brebis. Mais économiquement, il fallait que je prenne une décision. Et je ne regrette pas, raconte Michel. Je suis très heureux de ce changement, cela a été un défi de rebondir ainsi. J’aurai même dû le faire plus tôt ! »
Organiser le travail pour ne pas être débordé
En 2017, les brebis sont vendues et les 110 premières chevrettes arrivent. « Nous les avons achetées à 8-15 jours, pour limiter l’investissement. J’ai pu passer beaucoup de temps avec elles avant la première traite début 2018. Cela m’a permis de bien les connaître, de me familiariser avec ce nouvel animal. »
Les premières années, Michel livrait son lait sous contrat. Depuis l’année dernière, il est adhérent de la coopérative. Le prix du lait 2021 est estimé à 695 €/1000 L. Économiquement, l’exploitation a retrouvé le vert.
L’objectif est d’élever 300 chèvres au total : « je veux pouvoir tout faire tout seul sans être débordé. Aujourd’hui, j’ai 50 minutes de traite et j’arrive à m’organiser sur l’ensemble du travail, avec un pic au moment des mises bas. »
Parage une fois par an avant la lutte
« Côté pratique, j’ai réalisé très peu d’aménagements dans la bergerie pour la transformer en chèvrerie. Nous avons ouvert le faîtage, changé les manchons trayeurs, et aménagé l’espace pour les chevrettes », avance Michel.
La salle de traite 2x24 postes, ligne haute est donc restée identique. Des ventilateurs pour le confort des chèvres et du trayeur ont été installés l’année dernière. Michel avait conçu des guides pour la salle de traite et la salle de tonte. Il les utilise toujours mais a dû aménager des « freins » pour ralentir les chèvres avant d’entrer en salle de traite. Et une fois par an, avant la lutte, il pare toutes les chèvres.
« J’ai aussi investi environ 40 000 euros dans trois roulimètres, trois cellules et les vis. Je ne porte plus les seaux trois fois par jour et je peux fractionner en quatre distributions la ration de concentrés. »
Expérimenter pour s’améliorer
Michel teste aussi de nouvelles pratiques pour améliorer la conduite de son troupeau, 100 % saisonné. Cette année, il a conservé une trentaine de chèvres en lactation longue. Celles qui n’étaient pas pleines, avec l’objectif de continuer à produire du lait pendant les deux mois de tarissement habituels. « Des brebis, j’ai conservé l’habitude d’échographier les animaux pour le constat de gestation. Le coût est de 80 centimes par chèvre. Cela permet d’alloter en fonction de la période de mise bas et du nombre de chevreaux. Et puis d’anticiper sur des potentielles lactations longues. Sur le moment, mon sentiment était mitigé, mais en analysant les résultats contrôle laitier, c’est intéressant. L’une d’entre elles est à 6,5 l, et après 580 jours de lactation, on est entre 3,5 et 4 litres par jour, avec des chèvres en bon état. Je vais remettre sept-huit d’entre elles au bouc, mais je poursuis l’essai avec les autres. »
L’espace chevrettes a aussi fait l’objet d’essais. Au départ, Michel avait installé des lampes chauffantes, mais les chevrettes avaient tendance à s’agglutiner dessous. Alors il a construit des niches. « Elles y sont beaucoup mieux et se répartissent bien dessous. Et lorsqu’elles grandissent, elles s’en servent de perchoir ».
Michel a aussi construit une « boîte de contention » pour l’écornage des chevrettes et des petits boucs. Ils sont maintenus par une barre transversale sous le ventre pour éviter qu’ils se « pendent ». « Je peux ainsi les maintenir à une main et réaliser l’écornage en toute sécurité pour les animaux et pour moi. Ils ne bougent pas et je peux être très précis et le faire tout seul. »
Réagir au moindre signe
L’éleveur s’est formé sur l’alimentation, le sanitaire « avec les chèvres, il faut réagir vite, ne pas attendre un jour ou deux pour voir comment une toux évolue par exemple », prévient-il. Il apprécie aussi les échanges avec les autres éleveurs caprins de la région, même si ils sont encore peu nombreux. « Les services se sont développés, avec notamment le contrôle laitier, assuré par la chambre d’agriculture. Les échanges sont très intéressants entre éleveurs, et une façon de voir les choses différentes. »
Sur les 60 hectares de l’exploitation, sept sont en maïs, 6 six de triticale et le reste est composé de prairies permanentes pâturées par les vaches allaitantes.
Si ses brebis sortaient pâturer, Michel a fait le choix de garder ses chèvres en bâtiment. Par sécurité au départ, pour faire du lait. La question de l’affouragement en vert se pose, mais les sols ne sont pas portants. Très peu autonome pour les chèvres, Michel achète le foin de luzerne et le concentré non OGM. L’éleveur a testé l’incorporation de regain dans la ration pour diminuer les achats de luzerne. « Mais je ne suis pas satisfait, pour deux raisons liées : le coût alimentaire est le même au final, et je préfère donner de la luzerne à mes chèvres que 300 g de concentré en plus. »
Donner de la luzerne plutôt que du concentré
Éleveur engagé Capgènes, la reproduction s’effectue en lutte contrôle, avec environ la moitié en insémination artificielle. « La qualification des chevrettes me permet de suivre les carrières et de bien choisir les boucs », explique Michel. En 2020, la production moyenne était de 1 100 litres par chèvre.
Avec la création d’une collecte de lait de chèvre se pose inévitablement la question des chevreaux. « La première année, nous avons trouvé un débouché en Espagne pour des chevreaux que nous avons engraissés jusqu’à environ 12 kg vis, à un prix correct. L’année suivante, même client, mais les prix étaient beaucoup moins bons. Alors il y a deux ans, nous avons vendu les petits chevreaux à un engraisseur du Lot. L’année dernière, nous avons tenté la vente directe de chevreaux gras, mais le coût de l’abattoir reste élevé. La chambre d’agriculture essaie aussi de trouver des solutions collectives. Ce n’est pas facile et ici il y a plus une culture de l’agneau développée. »
Chiffres-clés
260 000 litres de lait livrés à la coopérative Beria