Santé des volailles : Concilier usage des plantes médicinales et réglementation
L’usage de la phytothérapie et de l’aromathérapie en élevage est quasiment « hors la loi ». Éleveurs et vétérinaires plaident pour une évolution réglementaire, tout en préservant la sécurité des consommateurs.
L’usage de la phytothérapie et de l’aromathérapie en élevage est quasiment « hors la loi ». Éleveurs et vétérinaires plaident pour une évolution réglementaire, tout en préservant la sécurité des consommateurs.
En 2019, l’Institut technique de l’agriculture biologique constatait un recours croissant aux médecines alternatives. Selon son étude, 78 % des élevages de volailles de chair bio avaient administré de tels produits suite à un problème sanitaire et 71 % en prévention.
Sans prescription vétérinaire, l’usage par les éleveurs de produits à base de plantes à des fins préventives ou curatives est illégal. Ils doivent en référer à leur vétérinaire qui applique des conditions de prescription variant selon le statut des produits. Si la substance fait l’objet d’une allégation thérapeutique, elle est considérée comme un médicament vétérinaire et doit disposer d’une autorisation de mise sur le marché (AMM). En ce qui concerne les produits à base de plantes, c’est rarement le cas car la procédure d’AMM est inadaptée.
En absence d’AMM, les vétérinaires peuvent délivrer des mélanges à base de plantes sous forme de préparations magistrales. Mais les conditions réglementaires rendent cette pratique quasiment impossible.
Classés en compléments alimentaires
Éleveurs et vétérinaires utilisateurs de plantes se trouvent donc dans une impasse et plaident pour une évolution de la réglementation. En attendant, ils ont recours à l’homéopathie ou plus souvent à des spécialités à base de plantes classées dans la catégorie des « compléments alimentaires ».
Ces additifs font l’objet d’allégations, parfois très proches de ceux du médicament vétérinaire, sans répondre aux mêmes obligations et leur étiquetage est souvent succinct ou imprécis. Ils sont facilement disponibles pour tous et la réglementation les concernant n’impose pas de temps d’attente après administration et avant la vente des produits animaux.
Une évolution réglementaire est d’autant plus nécessaire que bon nombre de labels et de marques imposent aux éleveurs des cahiers des charges « sans antibiotique » les incitant à recourir aux produits « alternatifs » . Sans oublier la mise en œuvre des plans Ecoantibio qui a eu le même effet.
« L’utilisation des antibiotiques pour les volailles a diminué de plus de 60 % en huit ans. Et nous avons eu recours aux médecines complémentaires », constate Thierry Mauvisseau vétérinaire en Vendée. Pour sa part, il fait fabriquer des aliments complémentaires par des laboratoires avec de fortes exigences sur la qualité des extraits de plantes et des huiles essentielles.
Des groupes de propositions
Pour sensibiliser le public, le Manifeste des 1052 éleveurs et éleveuses hors-la-loi a été publié en octobre 2019 dans Le Parisien.
Ceux-ci — en bio ou pas — déclaraient privilégier les plantes plutôt que les antibiotiques ou produits de synthèse pour lutter contre l’antibiorésistance et préserver l’environnement.
Il s’agit en effet de trouver des solutions pour garantir l’absence de risque pour les consommateurs de denrées alimentaires provenant d’animaux ainsi traités et permettre une utilisation de la phytothérapie et de l’aromathérapie conforme à l’attente des professionnels et du public.
Pour sortir de l’impasse réglementaire un groupe de travail, le collectif « Plantes en élevage », a été formé et coordonné par l’institut technique de l’agriculture biologique (Itab) dans le but de proposer une liste de plantes utilisables en élevage, ainsi qu’un nouveau cadre réglementaire adapté à ces usages.
Dès 2017, l’Itab a établi une liste de 223 plantes à effet biostimulant utilisées fréquemment en élevage, des plantes à usage alimentaire chez l’homme, des plantes couramment consommées par les animaux et des plantes utilisées en phytothérapie humaine. Il s’agirait de créer une nouvelle catégorie dans le Code rural, celle des « préparations naturelles traditionnelles ».
Une méthode d’évaluation inadaptée
La méthode d’autorisation des médicaments utilisée pour les produits de synthèse n’est pas adaptée aux plantes.
La grande majorité des plantes, préparations et huiles essentielles fréquemment utilisées en médecine vétérinaire n’a pas fait l’objet de l’évaluation prévue par la réglementation sur les médicaments vétérinaires.
Le problème provient de ce que ces produits ne possèdent pas de limite maximale de résidus (LMR). Définie au niveau européen, la LMR est un prérequis pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché (AMM), après une procédure lourde et coûteuse.
La LMR correspond à la quantité maximale de substances actives contenues dans le médicament que l’on peut retrouver dans les denrées alimentaires d’origine animale, sans que cela ne présente de risque pour la santé des consommateurs. Cette approche est difficilement applicable à des substances naturelles composées de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de molécules différentes.
Initiative de l’Anses
Pour pallier cette difficulté, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) s’est autosaisie en juin 2020 afin de proposer dans un premier temps une méthode d’évaluation adaptée aux médicaments vétérinaires à base de plantes pour lesquelles il n’y a pas besoin de LMR.
Elle a présenté les résultats de son travail en rendant un avis en décembre 2021 révisé en avril 2022. L’Anses l’a présenté le 29 mars 2022 à la Commission et à divers acteurs européens lors d’une conférence européenne sur l’usage des plantes en médecine vétérinaire. Toutefois, d’autres efforts de recherche conséquents restent nécessaires. La méthode de l’Anses doit être approuvée par la Commission européenne qui prépare un rapport au parlement sur le sujet pour 2027…