Rénover ses bâtiments de volailles de chair pour attirer un repreneur
Avec la rénovation et l’agrandissement d’un de ses bâtiments, la SCEA Ménard-Maugat continue d’investir pour rendre son élevage plus facile à reprendre.
Parce qu’il souhaite vendre son exploitation d’ici cinq ans, le couple Ménard-Maugat a choisi de la rendre plus attractive à des investisseurs hors cadre familial. Installé depuis 1989 à Mauléon (Deux-Sèvres), Patrice Ménard est bien placé pour savoir combien il peut être difficile d’en trouver. En effet, dans les années 2000, l’éleveur a essayé à deux reprises de vendre son site qui comprenait trois bâtiments de volailles chair (deux de 900 m2 et un de 977 m2 construits entre 1978 et 1982). Faute de repreneur, l’éleveur a poursuivi son activité et en 2010, sa compagne Sandra l’a rejoint sur l’élevage pour développer un projet en commun. « Nous avons investi pour pouvoir travailler à deux et rendre l’exploitation plus performante », explique Patrice. En 2011, un bâtiment de 1 350 m2 est créé, un des deux 900 m2 est rénové et un bâtiment de 1 500 m2 est pris en location. « Aujourd’hui, nous continuons à investir pour rendre l’exploitation plus transmissible, car notre objectif est de vendre d’ici cinq ans », précise l’éleveur âgé de 57 ans. C’est pourquoi le bâtiment de 977 m2 a été rénové en 2018 et agrandi jusqu’à 1 340 m2. Il répond au cahier des charges Nature d’éleveurs de LDC. La transformation a porté sur une ventilation dynamique transversale, la lumière naturelle sur un côté, un sas trois zones, le parement du pignon en imitation bois. « L’ensemble a été démonté, explique Mickaël Durand, de la société Griffon, qui a rénové la coque. Nous avons gardé la charpente, sur laquelle nous avons changé quelques pannes intermédiaires abîmées. Nous avons refermé le faîtage pour passer en ventilation dynamique. Nous avons créé des murs avec un revêtement intérieur en polyester, moins sensible à la corrosion, et incluant des fenêtres et les trappes et extracteurs de la ventilation. Et nous avons monté un sas trois zones. »
Un site propre, indépendant et rénové
Le coût de la rénovation s’élève à 252 444 euros (188,40 €/m²), avec une aide financière de l’organisation de production Bellavol. Patrice Ménard comptabilise plus de quinze semaines de travail à son actif pour réaliser le terrassement (trois jours), la démolition (deux mois), la maçonnerie (quinze jours) et le montage des équipements intérieurs (trois semaines). Avec le recul des deux premiers lots de poulets, « la lumière naturelle et la ventilation dynamique rendent le bâtiment très agréable, apprécient les éleveurs. Les poulets sont plus actifs que dans un bâtiment sombre. La température et l’humidité sont plus faciles à gérer. Les résultats sont supérieurs. » Aujourd’hui, l’exploitation compte quatre bâtiments (4 500 m2) et le 1 500 m2 loué. Tout a été fait pour la rendre attractive et transmissible. Le site a été clôturé, avec un accès séparé de la maison d’habitation ; les abords sont soignés et propres (pelouse…). « Nous voulons que l’exploitation soit immédiatement rentable pour le repreneur », soulignent les éleveurs. D’autres aménagements sont prévus, comme la création de lumière naturelle dans le 900 m2 datant de 2011. Pour l’instant, aucune démarche liée à la transmission n’a été engagée (formation, inscription au répertoire départ-installation…). « Nous comptons d’abord sur le réseau au sein de la filière. Nous sommes prêts à céder l’exploitation avant cinq ans si un repreneur est intéressé. »
Le coût de la rénovation de 2018
Éric Ferré, conseiller transmission de la chambre d’agriculture des Deux-Sèvres
« Montrer les atouts de la filière »
« Depuis 2015, le nombre d’exploitations à transmettre augmente en Deux-Sèvres, alors que celui des porteurs de projets diminue », rappelle Éric Ferré, conseiller transmission à la chambre d’agriculture. Le renouvellement familial n’est plus suffisant et il faudrait désormais 50 % d’installations hors de ce cadre. Si, de 2005 à 2010, les départs ont été compensés par l’augmentation de la productivité, aujourd’hui ce n’est plus le cas. « L’initiative n’est plus au cédant mais au repreneur. Ce n’est plus le capital qui est le plus important, mais la rentabilité, souligne le conseiller. En aviculture, le foncier, l’estimation de la valeur de l’entreprise et la maison d’habitation posent peu de problèmes. En revanche, il y a la difficulté à trouver un repreneur et la question du coût de reprise. » Pour un repreneur, les freins sont l’investissement, le transfert de savoir-faire et parfois un manque d’attrait pour la filière et les formes de sociétés (Gaec…). « Il faut mettre en avant les atouts de la filière, notamment pour ceux hors cadre familial qui ne sont attirés ni par les filières longues, ni par le hors-sol. »
Anticiper au moins cinq ans avant
Il faut expliquer les spécificités (encadrement technique, contractualisation), « souligner qu’il y a une réflexion technologique, qu’on n’est pas isolé, qu’il y a moins d’astreintes et de pénibilité qu’ailleurs, l’existence d’opportunités d’emplois s’il y a un conjoint… » La transmission est l’étape finale et des outils existent pour la faciliter (formations, conseil, répertoire départ-installation, parrainage), mais la transmissibilité de l’exploitation est un point crucial. « Il faut s’en occuper au moins cinq ans avant l’arrêt envisagé, et même tout au long de la vie de l’entreprise, précise Éric Ferré. C’est une nécessité de faire un diagnostic de transmissibilité portant sur ses engagements, la maison d’habitation, la rentabilité économique, des bâtiments adaptables, le voisinage, la main-d’œuvre…. Plus on le fait tôt, plus on peut rectifier. » La transmission est aussi une histoire humaine, ce qui implique transparence, confiance et adaptabilité. Enfin, parce que l’enjeu est important, la filière doit avoir une stratégie proactive de recherche de porteurs de projets, proposer des formations, des aides financières et donner envie de s’installer en aviculture.