Tour de plaine
Récolte française de blé tendre et d’orge : entre soulagement et déception
Les rendements de blé tendre et d’orges en France semblent plutôt bons dans l’ensemble malgré quelques déceptions. L’effet des pluies sur la qualité reste à surveiller.
Les rendements de blé tendre et d’orges en France semblent plutôt bons dans l’ensemble malgré quelques déceptions. L’effet des pluies sur la qualité reste à surveiller.
« Il est possible que nous revoyions notre prévision de rendement moyen de blé tendre français 2021 à la baisse », qui s’élevait au 9 juillet 2021 à 7,4 t/ha, s’exprime Stéphane Jézéquel, directeur scientifique d’Arvalis-Institut du Végétal. Ceci en raison des récentes précipitations, provoquant quelques dégâts (verse, notamment). Sur une sole de 5 Mha, cela donnerait un volume un peu inférieur à 37 Mt.
Agreste évalue la récolte de blé tendre française à 36,7 Mt
Luc Lorin, dirigeant du cabinet d’étude Visio Crop, déclare qu’il faut rester très prudent quant aux prévisions volumétriques, mais voit difficilement « comment on pourrait atteindre aujourd’hui les 38 Mt », prévision de Soufflet à la mi-juillet, avant les orages. Ce dernier parie désormais davantage sur 36,5 Mt, « à prendre avec la plus grande prudence, le passé me faisant dire qu’il ne faut pas aller trop vite à baisser ou monter les chiffres… ». Agreste est d’accord avec l’analyste, pariant au 4 août sur 36,7 Mt avec 7,42 t/ha, sur 4,942 Mha.
Retour du beau temps le 10 août ?
Mais globalement, la récolte de blé tendre dans l’Hexagone s’annonce plutôt bonne, selon les opérateurs et experts contactés, que ce soit en quantité ou en qualité, malgré une forte hétérogénéité. « Au printemps 2021, on s’attendait à quelque chose d’exceptionnel. Puis sont survenues les fortes pluies le week-end du 14 juillet, engendrant de la désillusion. Mais dans l’ensemble, les volumes sont moyens bons à bons », précise Stéphane Jézéquel. Ce constat est également valable pour les orges (variété d’hiver, surtout). Reste à savoir si les pluies prévues dans les prochains jours dégraderont encore les moissons, sachant que le retour du beau temps est attendu à partir du 10 août.
Une moisson de blé tendre avec quinze jours de retard !
La moisson de blé tendre « a quinze jours de retard, ce qui est énorme (…) Pas plus de 70% de la coupe est faite (au 3 août) », témoigne Stéphane Jézéquel. Mais les retours de rendements, s’ils sont parfois décevants compte tenu de l’hétérogénéité des situations et des fortes attentes au printemps et au début de l’été, sont plutôt bons. « Pour résumer, les situations de terres profondes, donnant d’habitude les meilleurs résultats, ont moins produit qu’espéré. En revanche, les sols superficiels ont souvent engendré de meilleurs rendements qu’attendu », soutient l’expert d’Arvalis.
Par ailleurs, la qualité s’annonce pour l’instant convenable, avec toutefois une interrogation sur les temps de chute de Hagberg, ajoute Stéphane Jézéquel. L’Est de la France semble être la région la plus pénalisée par les pluies, prévient-il.
« Environ 80% de la moisson est faite » sur la zone d’influence du groupe coopératif Vivescia au 2 août dans l’est du pays, indique Yohann Girot, son responsable de la collecte. La qualité est bonne dans l’ensemble : taux de protéine, poids spécifique « qui ont bien résisté aux pluies » etc. En revanche, « le temps de chute de Hagberg est sous étroite surveillance », alerte-t-il.
Du côté de la Scael, coopérative basée dans le Centre, 60% de la récolte était achevée au 2 août, affirme Lionel Gibier, directeur de la collecte. Malgré de fortes disparités, avec des baisses de potentiels notamment dans les fonds de vallée, liés au gel, ou dans les parcelles mal désherbées, « les rendements sont correctes, à 80-85 q/ha en moyenne, et nous n’avons pas de réel problème de temps de chute de Hagberg, dépassant en moyenne les 300 secondes ». Les taux de protéines sont également convenables, tout comme les poids spécifiques. Attention néanmoins : « les précipitations annoncées en août peuvent encore dégrader les qualités, notamment les PS », indique le responsable de la collecte de la Scael.
Début des récoltes en Normandie
« Dans notre cas (Normandie, Bassin Parisien, Nord, Centre), nous n’avons rentrer que 20% à 25% des blés. Nous suivons les temps de chute de Hagberg. Mais pour l’instant, ils sont bons », explique Pierre Ouvry, directeur agriculture du groupe coopératif Natup. Les taux de protéines sont en moyenne à 11,5%-12%, et les PS à 78-78,5 kg/hl, et les taux d’humidité à environ 14%. Et les rendements sont variables, mais convenables, évoquant une fourchette de 85-90 q/ha.
Une récolte d’orge d’hiver en deux temps
La récolte des orges d’hiver s’est déroulée en deux phases, rapportent les divers opérateurs du marché. Une première avant le 14 juillet, où environ deux tiers des assolements ont été coupées puis le dernier tier après le 14 juillet. Dans l’ensemble, « les rendements sont convenables et la qualité acceptable », intervient Yohann Girot. Selon lui, les rendements moyens oscillent dans une fourchette large, de 55 q/ha à 90 q/ha. Du côté de la qualité brassicole, « il n’y a pas vraiment de sujet. Les fortes précipitations n’ont pas eu trop d’effet », rassure-t-il.
Lionel Gibier confirme ces échos, expliquant que les rendements sont corrects dans l’ensemble, au niveau des poids spécifiques comme du calibrage.
Pour les orges de printemps, Soufflet Négoce rapportait le 23 juillet des calibrages quelque peu décevants, avec une moyenne de 75%, et une certaine hétérogénéité. « La récolte n’est pas finie, car nous en sommes à 80 % des soles coupées. Les rendements sont convenables, à 55-65 q/ha dans les terres moins prolifiques et à 70-80 q/ha pour les autres. Les calibrages s’avèrent un peu plus faibles que les années précédentes, mais sont raisonnables. Nous sommes au-dessus des 75 % de notre côté », soutient Yohann Girot. Il est en revanche encore trop tôt pour se faire une idée précise des quantités de grains germés, prévient le responsable de la collecte de Vivescia.
Du côté de Natup, « nous n’avons que peu d’orge de printemps. Mais dans l’ensemble, la qualité est bonne, avec peu de souci de calibrage. Nos orges sont coupées à hauteur de 95% environ (cumul orge d’hiver et de printemps), et les rendements sont corrects ».
Forte hausse des prix des orges brassicoles
Les cours de l’orge de brasserie de printemps ont bien progressé suite aux inquiétudes quant aux calibrages dans l’est de la France, rapporte un analyste privé. Ces derniers sont en effet passés d’environ 225 €/t en Fob Moselle, variété Planet, à 245-250 €/t au 28 juillet. « Le marché est actuellement tendu, d’autant qu’il existe une certaine demande de la part des malteurs européen. De plus, des problèmes sont également rapportés en Autriche et en Allemagne. La situation en Europe du nord (Scandinavie, Royaume-Uni) est à surveiller et pourrait apaiser les tensions, mais rien n’est sûr », explique un analyste privé.
Au 4 août, Agreste évalue la récolte d’orge hexagonale 2021 à 11,687 Mt, contre 10,413 Mt en 2020. Celle d’hiver atteint 8,292 Mt (6,513 Mt l’an dernier) et de printemps 3,395 Mt (3,9 Mt, compte tenu de surfaces plus importantes, les agriculteurs ayant compensé l’impossibilité de semer des blés en hiver par de l’orge au printemps).
Stéphane Jézéquel a tenu à conclure sur le fait que les aléas climatiques sont de plus en plus nombreux et variés. Pour y faire face, « il est important que la France ne perde pas la diversité de ses variétés, de ses espèces cultivées et de ses itinéraires techniques. Plus nous aurons de diversification, plus nos cultures seront résilientes au changement climatique ».