Comment orienter le microbiote intestinal des volailles
La génétique moléculaire permet aux chercheurs de mieux connaître le microbiote intestinal des volailles pour améliorer leur santé et les protéger contre des pathogènes indésirables, comme les salmonelles.
La génétique moléculaire permet aux chercheurs de mieux connaître le microbiote intestinal des volailles pour améliorer leur santé et les protéger contre des pathogènes indésirables, comme les salmonelles.
Un microbiote est un écosystème constitué de très nombreuses espèces de bactéries, champignons, virus, protozoaires… On peut étudier ce microbiote grâce aux progrès technologiques réalisés dans l’extraction du matériel génétique (ADN), dans son séquençage génétique et par des analyses bio-informatiques. « L’ensemble des gènes des microorganismes d’un microbiote constitue le 'métagénome' qui est utilisé pour décrire le microbiote, précise Fanny Calenge, de l’Inrae.
La volaille abrite plusieurs microbiotes qui vivent en symbiose avec elle, dont le microbiote intestinal qui a été le plus étudié. Il assure le développement des intestins et la maturation du système immunitaire, il joue un effet barrière contre les pathogènes entériques, il contribue à la régulation de l’immunité, il a un impact sur l’épithélium de l’intestin et il intervient même dans le comportement de l’animal. « L’altération de ces fonctions essentielles peut donc impacter la santé et la productivité des volailles », souligne Fanny Calenge.
Moduler le microbiote par la nutrition
La composition du microbiote des volailles est orientée à l’éclosion par l’ingestion des microorganismes présents dans l’environnement immédiat, par l’âge, par la génétique et surtout par l’alimentation, les pratiques et les conditions d’élevage. S’ajoutent les influences d’additifs alimentaires divers et variés destinés à conférer un bénéfice santé à l’animal : les antibiotiques, les anticoccidiens, les « prébiotiques » alimentant les bactéries, les « probiotiques » (microorganismes vivants), les « postbiotiques » (bactéries probiotiques non viables et de leurs métabolites). « On peut envisager de moduler le microbiote intestinal avec ces leviers, dans le but de restaurer ou préserver la santé intestinale. Donc de renforcer la santé, la robustesse et la productivité de l’animal. »
Les travaux de l’équipe GeMS de l’Inrae de Jouy-en-Josas dans les Yvelines, qu’anime la chercheuse, visent à prévenir les problèmes de santé en sélectionnant le couple hôte microbiote. « La santé peut être améliorée par la sélection génétique mais il est aussi possible de moduler le microbiote par la nutrition, en prenant en compte les interactions entre génétique et microbiote. »
Sélectionner un microbiote sain
Anaïs Cazals a mené une thèse sur l’impact de la génétique et du microbiote envers le portage de salmonelles. Deux cent vingt poussins de deux lignées White Leghorn, l’une résistante au portage de salmonelles et l’autre très sensible, ont été infectés, puis leur contenu caecal étudié. « Les deux lignées génétiques diffèrent pour la composition de leur microbiote, rapporte Fanny Calenge. Des bactéries « signatures » ont été identifiées. « Vingt-quatre genres de bactéries sont différentiellement abondants dans les deux lignées, dont quatre genres chez les forts et faibles porteurs de la lignée sensible. » Parmi eux, le genre Christensenellaceae semble indiquer un microbiote en bonne santé.
Sa présence et son abondance pourraient être sous influence génétique de l’hôte. « Des gènes contrôlent en partie la résistance au portage via la composition du microbiote. Un de nos objectifs est de les identifier pour les sélectionner. Un autre est de favoriser la présence de bactéries signatures comme Christensenellaceae, par l’alimentation notamment. » C’est une piste prometteuse, car « chez l’homme, Christensenellaceae est un des genres bactériens les plus transmissibles ».
Pas un, mais des microbiotes
« La composition du microbiote doit être prise en compte pour optimiser l’emploi d’additifs, l’alimentation, la génétique et les pratiques d’élevage », avance Fanny Calenge de l’Inrae. Pour étayer ces propos, elle s’appuie sur le projet MetaChick de l’Inrae de Jouy-en-Josas qui s’intéressait à l’espèce Poule (Gallus domesticus).
Ce programme a notamment analysé la diversité des microbiotes des Gallus avec l’objectif de développer des outils de modulation du microbiote. Six cents animaux ont été prélevés dans des élevages français de pondeuses et poulets (bio, plein air, label rouge, conventionnel) ainsi qu’en sélection-accouvage (pedigrees, grand parentaux, parentaux) et élevages expérimentaux.
Les analyses de 340 échantillons montrent que les microbiotes des pondeuses et des poulets sont différents, en lien notamment avec l’âge. Les variations entre les fermes sont plus élevées que celles en leur sein, ce qui montre que l’environnement local est très impactant. Les microbiotes, notamment en poulet, varient aussi avec le mode d’élevage. Enfin, ceux des élevages alternatifs ne possèdent pas les mêmes gènes de résistance aux antibiotiques, ou pas avec les mêmes abondances qu’en élevages conventionnels.