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Prévenir le tassement du sol pour éviter des pertes économiques en grandes cultures

Dans les secteurs à sols limoneux et en conditions humides, les récoltes à l’automne provoquent le tassement du sol. Les effets s’en ressentent sur la culture suivante avec des pertes de rendement. Divers moyens de prévention existent.

Une zone compactée empêche les racines de passer en profondeur, avec des conséquences négatives sur l'alimentation des cultures, en années sèches notamment. © Agro-Transfert RT
Une zone compactée empêche les racines de passer en profondeur, avec des conséquences négatives sur l'alimentation des cultures, en années sèches notamment.
© Agro-Transfert RT

« Un cas sur deux présente un tassement profond en dessous de l’horizon travaillé en système de culture avec betteraves. » En charge du projet Sol D’Phy à Agro-Transfert ressources et territoires, Vincent Tomis a constaté ce problème après un état des lieux réalisé il y a quelques années au travers d’une quarantaine de profils de sols en région Hauts-de-France. « Or, ce type de tassement est assez peu réversible et a un impact sur le rendement des cultures », alerte le spécialiste. Plus que d’autres régions, les Hauts-de-France sont particulièrement exposés à ce risque avec des chantiers lourds de récolte de betterave, pomme de terre et autres légumes, des sols limoneux, des conditions souvent pluvieuses à l’automne…

L’intervention mécanique n’est alors pas possible en profondeur. « On ne peut compter que sur l’activité biologique du sol avec une régénération naturelle qui prendra plusieurs années », précise Pascale Métais, spécialiste sols et fertilité physique à Arvalis. Quant à un tassement superficiel, il peut être gommé par un travail du sol superficiel ou par un labour si la compaction se situe en dessous de 15 cm. Le décompactage est possible également, « à effectuer sur un sol dans un état friable et avec une extrémité des dents devant se situer 10 centimètres sous la zone à décompacter », souligne la spécialiste.

Les effets de la compaction des sols ne sont pas négligeables. « Des expérimentations ont mis en évidence cet impact dans le cas de passages répétés aux mêmes endroits, explique Pascale Métais. Quels que soient la culture et le système pratiqué, les pertes de rendement sont systématiques et comprises entre 5 et 30 %. » Les effets se voient particulièrement en année sèche, lorsque les racines ont besoin d’aller en profondeur pour chercher l’eau. La zone de compaction empêche cet accès.

Un taux d’argile important pour la restructuration

Le type de sol intervient dans le niveau de tassement. « Les sols limoneux sont les plus sensibles, prévient Vincent Tomis. Les sols argileux peuvent s’avérer plus vulnérables au printemps pendant les semis car ils ressuient lentement, mais ils se régénèrent plus facilement dès que l’on a une période de sec. Les sols argileux ne sont donc pas les plus problématiques sur le tassement. Un sol limono-sableux ressuie très vite après une pluie, mais il se restructure très mal. Un tassement profond peut durer sur ce type de sol. Les vers de terre y vont difficilement… »

Certains modes de préparation de sol favorisent les risques de compaction, comme le tamisage pour la pomme de terre. L’excès de terre fine est néfaste et produit un sol se tassant plus facilement que s’il est bien agrégé sous formes de mottes. Le type de porosité joue sur la sensibilité. « Une porosité verticale avec des galeries de vers de terre va mieux résister à la compaction qu’une porosité issue d’un travail du sol, observe Vincent Tomis. Le non-travail du sol pendant plusieurs années favorise cela. Mais dans ce cas, il faut être très exigeant sur la préservation du sol vis-à-vis des tassements par des engins lourds car la réintervention mécanique n’est plus envisageable pour résoudre un tel problème. »

Les racines sont de bons révélateurs de la compaction du sol

Comment corriger le tir en cas de compaction ? « On se doit d’observer avant de sortir le décompacteur. On peut facilement faire un mini-profil 3D du sol avec un télescopique. Cela permet de voir ce qu’il se passe en surface et en profondeur. Le mieux est de le faire sur une culture en place pour avoir un enracinement, conseille le spécialiste d’Agro-Transfert. Les racines sont de bons révélateurs en observant si elles sont coudées voire bloquées en certains endroits. » Des cultures racines comme la pomme de terre et la betterave sont exigeantes en qualité de structure en surface.

Il faut aussi que les racines puissent passer en profondeur, dans des fissures ou des galeries par exemple. Si c’est le cas, il n’est pas nécessaire d’intervenir avec un outil. « Un enrichissement en matière organique avec des amendements, la restitution de résidus de culture ou par la mise en place de couverts végétaux augmentera la résistance du sol, remarque Pascale Métais. Les couverts contribuent en plus à accélérer le ressuyage. » En pompant de l’eau, les racines des couverts participent à la fissuration du sol et améliorent l’infiltration.

Une charge de 20 tonnes sur un essieu peut produire un tassement jusqu’à 50 centimètres en profondeur. Il existe des moyens de prévenir les risques de compaction sur les chantiers : attendre un bon ressuyage du sol avant d’entrer dans la parcelle, optimiser le trafic pour limiter la surface tassée, privilégier plusieurs passages légers en vidant plus souvent sa trémie plutôt qu’un seul passage lourd, augmenter le nombre d’essieux pour diminuer la charge par roue, accroître la surface de contact avec le sol avec des pneus larges et à structure radiale plutôt que diagonale, baisser la pression de gonflage dans les champs, jumeler les roues… C’est surtout la charge du matériel qui agit sur le tassement en profondeur. Mais la recherche d’efficacité et de rapidité dans un chantier de récolte avec des charges lourdes l’emporte souvent sur les précautions vis-à-vis du sol.

EN SAVOIR PLUS

Des guides à télécharger

Une panoplie de guides techniques sur le sol est fournie par l’association Agro-Transfert RT (agro-transfert-rt.org). Résultat du projet Sol-D’Phy, l’ouvrage Tassements des sols, prévenir et corriger leurs effets fait un état des lieux sur les facteurs de risques de compaction, leur mesure, leur impact et les moyens d’y remédier.

Pour estimer la compaction du sol, des guides méthodiques exposent plusieurs techniques : tige pénétrométrique, test bêche, mini-profil 3D.

Des pertes de rendement significatives dans les zones tassées

La récolte de betterave a un impact sur la culture qui suit, à cause de la dégradation du sol, même en condition peu humide comme ici sur une parcelle à l’automne 2015 (graphe de gauche). La chute de rendement du blé en 2016 (année très humide) a été de 13 % dans les passages avec la trémie vide de l’intégrale et de 14,5 % avec la trémie pleine. La perte économique avoisine les 200 euros par hectare. Dans cette parcelle, seulement 30 % sont hors passages de roue avec une intégrale betterave fonctionnant roue dans roue. Il y a donc eu un impact sur 70 % de la parcelle.

La pression de gonflage des pneus a une grande importance. Dans une parcelle de pomme de terre à la plantation en 2016 (graphe de droite), la baisse de rendement a été de 13 % dans les zones roulées avec haute pression de gonflage (1,5 bar) et de seulement 5,5 % avec une basse pression (0,8 bar). Il y a en outre davantage de tubercules crevassés non commercialisables dans les zones roulées. La perte économique se chiffre à près de 1 000 euros par hectare entre basse pression et haute pression de gonflage.

AVIS D’EXPLOITANT - Frédéric Ley, 240 hectares à Socx (Nord)

« Je fais des apports réguliers de matière organique pour maintenir une bonne structure du sol »

« Nous connaissons une succession d’années compliquées avec de la pluie en excès. Nous passons dans nos parcelles inévitablement avec des engins lourds. Cela rend les sols imperméables avec du ruissellement et des zones inondées, surtout s’il n’y a pas eu d’hiver avec des gelées pour remettre la structure en place. Cette dernière campagne, je n’ai pas pu implanter du blé à cause de cela et j’ai semé du maïs à la place au printemps. Pour la remise en état de la structure du sol, j’ai acquis récemment un outil de décompactage Horsch de 4 mètres de large à 12 dents. L’équipement me produit une structure plus ameublie que le matériel que j’utilisais précédemment.

Je pratique le labour avant culture de printemps seulement quand les conditions sont humides pour permettre au sol de ressuyer rapidement. J’ai pris soin d’équiper mes différents engins agricoles de pneus larges, mis à basse pression en passant dans les champs. Mais cela n’évite pas les tassements malgré tout. Les pratiques les plus à risque sont les récoltes de pomme de terre et de betterave. Les entreprises interviennent avec du matériel lourd : il n’y a quasiment plus que ce type d’équipement sur le marché. Pour maintenir une bonne structure du sol et pour sa remise en place plus rapide en comptant sur l’action des vers de terre, je fais des apports organiques.

Tous les ans avant pomme de terre, j’épands du compost végétal ou du champost (fumier de champignonnière). Une expérimentation a été mise en place par Agro-Transfert pour tester différentes modalités du travail du sol. En cette première année, il semble que ce soit le labour qui produise les meilleurs résultats avec des plantes plus poussantes et un système racinaire plus homogène mais il faut suivre l’évolution sur plusieurs années. Dans notre secteur, les parcelles sont drainées et c’est très important pour permettre un ressuyage des sols rapide. »

Gaec Ley (Frédéric et Sébastien Ley) : 240 ha dont 60 de pomme de terre, 50 de maïs grain, 50 de blé, 20 d’escourgeon, 25 de lin textile, 12 de betterave sucrière ; Élevage de porcs. Sols limono-argileux.

Un OAD de prévision des risques à adapter au contexte local

Un OAD, Terranimo, calcule contraintes exercées au sol par le chantier en entrant des caractéristiques telles que le poids essieu, le type de pneu et la pression de gonflage, le type de sol avec sa teneur en argile, la teneur en eau… Ce dernier paramètre est le plus important mais il est difficile à mesurer sur le terrain. « Nous travaillons à voir comment estimer cette humidité avec l’aide de modèles hydriques ou avec l’utilisation de sondes tensiométriques, explique Vincent Tomis, Agro-Transfert. Dès lors que l’on trouvera un moyen simple de saisir l’humidité pour faire fonctionner l’OAD, un agriculteur pourra facilement l’utiliser de façon à avoir une information sur le risque de tassement, en prévision du passage d’un engin agricole et en fonction de la météo en cours ou annoncée. »

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