Pomme : les filets n’impactent pas la présence des oiseaux dans les vergers
En plus d’être directement efficaces contre le carpocapse des pommes, les filets de protection n’impactent pas la fréquentation par les oiseaux des vergers de pommiers non équipés et équipés. C'est l'enseignement d'une étude d'Inrae réalisée sur le site atelier « Basse Vallée de la Durance ».
En plus d’être directement efficaces contre le carpocapse des pommes, les filets de protection n’impactent pas la fréquentation par les oiseaux des vergers de pommiers non équipés et équipés. C'est l'enseignement d'une étude d'Inrae réalisée sur le site atelier « Basse Vallée de la Durance ».
En agriculture biologique, seuls les filets qui couvrent les vergers (filets monoparcelle) ou les rangs (filets monorang) sont capables de protéger efficacement les pommes contre le carpocapse Cydia pomonella, en constituant une barrière physique. Avec les filets monorang, les taux de dégâts sur les fruits sont généralement inférieurs à 0,5 % sans protection insecticide complémentaire. La diminution du nombre des traitements liée à l’installation de ces filets favorise par ailleurs la présence des forficules et araignées qui sont des arthropodes auxiliaires des vergers de pommiers. D’innovation et d’adoption récentes, les filets de protection limitent fortement l’accès des insectes aux arbres et perturbent les accouplements. Ils sont rapidement devenus un élément à part entière du paysage en arboriculture dans le sud-est de la France. Mais leur impact sur la biodiversité animale reste relativement méconnu. Une étude récente conduite dans des vergers de pommiers biologiques avec et sans filets monorang atteste de leur innocuité vis-à-vis des oiseaux à l’échelle de la parcelle.
L’impact sur les vergers non équipés
En revanche, les effets de l’augmentation des surfaces de filets dans le paysage sur la biodiversité, à l’échelle d’une zone de production, restent à éclaircir. Aussi, une première étude a permis d’évaluer l’impact potentiel des filets de tous types (monoparcelle, monorang et paragrêle) sur la biodiversité des oiseaux des vergers de pommiers pas encore équipés, en lien avec la présence d’autres éléments paysagers. Celle-ci a été réalisée sur le site atelier « Basse Vallée de la Durance » situé au cœur du principal bassin de production de pommes dans le sud-est de la France. 5 385 ha de vergers de pommiers ou poiriers, dont 40 % étaient recouverts de filets (24 % de filets monorang et 16 % de filets monoparcelle), y ont été recensés en 2021. Trente parcelles commerciales de pommiers conduites en agriculture biologique et sans filet de protection contre les carpocapses ou la grêle ont été observées (voir encadré).
Pas d’effet sur les oiseaux à l’échelle du paysage
Ainsi, 905 oiseaux appartenant à 31 espèces différentes ont été recensés sur l’ensemble des parcelles. Lorsque la surface des filets augmente dans le paysage des vergers étudiés, aucun changement significatif n’a été constaté dans les nombres d’oiseaux et espèces observés, et ce quelle que soit la distance considérée (250 m, 500 m et 1 km). Cela suggère que la présence des filets dans l’environnement proche et distant des vergers non équipés n’affecte pas la biodiversité aviaire. Ce constat était inattendu. D’une part, car les filets monoparcelles et paragrêles entravent tout ou partie de l’accès à la strate herbacée une grande partie de l’année ; d’autre part, car les filets monorang entravent l’accès au feuillage des pommiers, où plusieurs espèces d’oiseaux peuvent rechercher des insectes pour se nourrir. La présence des filets dans le paysage ne semble donc pas conduire à une réduction d’habitats à exploiter par les oiseaux des vergers non équipés, corroborant ainsi l’étude à l’échelle de la parcelle mentionnée ci-dessus.
Les autres éléments étudiés à l’échelle du paysage ne semblent pas impacter les communautés d’oiseaux suivis. En revanche, l’augmentation de la longueur des haies autour des parcelles se traduit par une augmentation significative de l’abondance et de la richesse spécifique des oiseaux (voir article ci-contre). Parmi les 31 espèces recensées sur l’ensemble du dispositif, neuf sont particulièrement associées à la longueur des haies : le chardonneret élégant, l’étourneau sansonnet, la fauvette à tête noire, le grimpereau des jardins, l’hypolaïs polyglotte, le merle noir, le pic épeiche, le rossignol philomèle et le rouge-gorge familier. Le rôle des haies dans les vergers est multiple. Dans le Sud-Est, les vergers entourés de haies sont des sites majeurs pour les oiseaux, car ils accueillent environ 15 % des espèces qui hivernent en France.
Des parcelles caractérisées par photos aériennes et relevés de terrain
Les parcelles observées lors de l’étude sont réparties dans un gradient de surface des filets dans le paysage : chaque parcelle est située au centre d’un cercle d’un kilomètre de rayon où les filets occupent de 0 à 28,3 % de la surface (voir schéma). L’occupation du sol par les différents éléments paysagers (longueur de haies, pourcentage de milieu semi-naturel, bâti, cultures annuelles, prairies, vergers avec et sans filets, vergers en AB) y a été caractérisée à l’aide de photos aériennes et d’un système d’information géographique. L’environnement proche de chaque verger (longueur, composition végétale et intensité de la taille des haies) a été caractérisé par des observations directes sur le terrain. Au printemps 2022, la biodiversité des oiseaux dans les parcelles sélectionnées a été évaluée par la méthode des transects d’observation qui consiste à identifier et dénombrer tous les individus visibles et audibles dans les pommiers et les haies adjacentes. On peut estimer ainsi respectivement la richesse spécifique (nombre d’espèces) et l’abondance (nombre d’individus) des communautés d’oiseaux dans ces vergers. Ces mesures ont été réalisées deux fois, fin mars puis mi-mai et entre 7 h et 11 h, par une marche régulière sur la périphérie puis l’inter-rang central des parcelles.
Le rôle prépondérant des haies
Il est important de maintenir et raisonner l’entretien des haies pour conserver la biodiversité des oiseaux et leur rôle potentiel sur le contrôle biologique des ravageurs.
La basse vallée de la Durance, où se situe l’étude, est une zone balayée par le mistral. Les haies y sont implantées pour leur rôle de brise-vent. Elles représentent également des corridors de circulation pour les animaux, un lieu de vie (abris, nourriture, reproduction) pour de nombreuses espèces dont les oiseaux. Leur diversification en strates buissonnante, arbustive et arborée, permet d’accueillir des espèces aux exigences écologiques différentes. Lorsqu’elles sont taillées sévèrement, les observations montrent qu’elles accueillent beaucoup moins d’oiseaux, ce qui traduit probablement une réduction des ressources alimentaires et des possibilités d’installation des nids.
Capacité d’accueil des oiseaux
Dans ces conditions, les couples nicheurs tendent à augmenter la surface de leurs territoires pour satisfaire leurs besoins, ce qui conduit généralement à une diminution de leur densité à l’échelle de la parcelle. Leurs capacités d’accueil des oiseaux sont donc sensibles à leur mode de gestion. Il semble donc important de maintenir les haies et de raisonner leur entretien pour conserver la biodiversité et les services écologiques associés, comme le contrôle biologique des ravageurs (61 % des espèces d’oiseaux observées sont insectivores). De plus, le bénéfice des haies pour les oiseaux ne se limite pas au printemps pour la saison de reproduction. En hiver, elles sont aussi des refuges contre les intempéries et les prédateurs, et des sites d’alimentation de premier plan, en particulier lorsque les arbres portent du lierre dont les baies sont consommées par de nombreuses espèces à cette période.