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Analyse
Pluies, spéculation, recrudescence de la Covid-19 plombent les cours des grains, mais les fondamentaux restent tendus

La chute des indices boursiers et du pétrole ont pesé sur les cours des grains.

© TerriAnneAllen (Pixabay)

Après avoir atteint un plus haut le 19 octobre dernier à 209 euros la tonne (€/t) rendu Rouen, la cotation du blé tendre hexagonal est retombée à 201.50 €/t dix jours plus tard. Même tendance concernant les prix de l'orge rendu Rouen et du maïs rendu Bordeaux passant respectivement de 194.50 €/t à 185 €/t (entre les 21 et 30 octobre) et de 190 €/t à 185 €/t (entre les 27 et 30 octobre).

La baisse globale des prix des céréales puise d'abord sa source dans l'amélioration des conditions météorologiques aux Etats-Unis et en Russie notamment, où les cultures de blé souffraient d'un temps très sec. En parallèle, la hausse du nombre de cas et les annonces de retour au confinement dans certains pays d'Europe en particulier ont enfoncé le clou, assombrissant potentiellement l'état de santé des économies des pays, et entraînant les marchés financiers (CAC40, DAX...) dans le rouge. Il n'en fallait pas beaucoup plus pour déclencher une vague de ventes de la part des opérateurs financiers sur les marchés à terme de Chicago (CBOT) ou de Paris (Euronext) amplifiant ainsi le mouvement baissier tout au long de la semaine dernière.

Les cours des graines oléagineuses ont également connu une vague baissière. Le pétrole a chuté le 28 octobre, entraînant dans son sillage la graine de colza sur Euronext. Et ce du fait des attentes du marché, qui tablent sur une baisse encore plus importante que prévu de la demande en carburant, et donc de biocarburant (biodiesel dans le cas du colza/soja).

Poids de la spéculation des opérateurs dits "non commerciaux"

L'activité des opérateurs non commerciaux sur les marchés à terme a été un élément important dans le recul observé des cours, spécialement concernant le maïs à Chicago. Le 28 octobre, ces derniers ont beaucoup vendu, accentuant la chute des prix, mais de nombreuses positions longues sont encore détenues, laissant la place à un certain potentiel baissier (relevé des positions et nature des intervenants sur Chicago). La deuxième vague de Covid-19 va-t-elle faire paniquer ces opérateurs et déclencher une tempête sur les marchés ? On ne peut rien dire actuellement, mais la situation est à observer avec attention.

Du côté du contrat Euronext blé tendre, les positions nettes longues détenues par les opérateurs non commerciaux sont également élevées (relevé des positions et nature des intervenants sur Euronext). Certaines ont été soldées lors de l’annonce de reconfinement des populations par plusieurs pays le 28 octobre, confirmant la deuxième vague de Covid-19. Mais ces positions longues restent élevées. Par conséquent, comment les opérateurs non commerciaux vont-ils réagir ? Les traders vont bientôt toucher leurs primes de fin d’année, proportionnelles à leurs résultats, rappelle un courtier. Il n’est donc pas impossible que courant décembre, certains d’entre eux liquident leurs positions longues, afin d'encaisser leurs bénéfices (et gonfler leur prime par la même occasion), déclenchant une nouvelle baisse des cours.

La Covid-19 apporte ainsi son lot d’incertitude sur la demande alimentaire mais aussi énergétique, cette dernière ayant un fort impact sur la première. Quid de la demande internationale de pétrole à venir ? Sachant que bon nombre de pays pétroliers, tirant leurs capacités d’achats en grains de l’énergie fossile, comment vont-ils se comporter ? Vont-ils se ruer aux achats et tout arrêter, ou se couvrir petit à petit ?

 

Des fondamentaux qui demeurent haussiers

Plusieurs courtiers et analystes privés, notamment Stratégie Grains et Agritel, évoquaient il y a quelques jours/quelques semaines, une possible hausse des prix des grains. La raison : l’offre chez certains exportateurs en repli par rapport aux prévisions initiales, pour cette campagne 2020/2021 ou la suivante (conditions de semis 2020 difficiles en Russie, en Ukraine, aux Etats-Unis, en Argentine, au Brésil, forte baisse annuelle de la production française de blé tendre...) et une demande internationale, spécialement chinoise, présente. Sachant que d’autres pays, à savoir l’Algérie, l’Egypte, l'Ethiopie, la Syrie, la Turquie et le Pakistan, sont aussi très demandeurs, notamment de blé russe. La première vague de pandémie de Covid-19 avait déclenché des achats de précaution, ce que semble commencer à engendrer la deuxième vague.

Par ailleurs, les agriculteurs roumains et ukrainiens n’ont pas eu les rendements escomptés en maïs et en tournesol, si bien que des exécutions de contrats ne peuvent être menées à bien. Les gouvernements et les agriculteurs roumains/ukrainiens discutent de la possibilité de recourir au cas de force majeur, laissant la possibilité aux vendeurs de ne pas livrer sans craindre des sanctions.

Si la récolte états-unienne de maïs s’annonce abondante, elle ne pourra couvrir l’intégralité des besoins planétaires. La pandémie de Covid-19 pénalise la consommation de bioéthanol par les populations, et par ricochet de maïs dans les usines, mais sera-ce suffisant pour faire baisser les prix ? Des importateurs comme l’Espagne, le nord-UE…, clients de l’Europe de l’est et de l’Hexagone, ont des besoins. Sachant que la France ne dispose pas non plus de récoltes pléthoriques.

Le rapport du CIC (Conseil international des céréales) du 29 octobre alerte sur les stocks de maïs de fin de campagne anormalement bas. Pour 2020/21, ils tomberaient à seulement 279 Mt, contre 285 Mt en septembre. Malgré une hausse des stocks de blé, d'orge, de sorgho, d'avoine et de seigle, les réserves mondiales de grains en fin de campagne commerciale 2020/21 ne devraient enregistrer qu'une légère hausse annuelle de 3 Mt, à 619 Mt, contre 629 Mt en septembre!

Côtés oléagineux, ce n’est plus un secret : le marché français, européen et même mondial est tendu concernant les graines de colza. Certes le Canada devrait disposer d’une bonne récolte. Mais l’UE a d’importants besoins. Et les gros producteurs européens, incluant la France et l’Ukraine, ont connu une baisse de leurs récoltes l’an dernier. Rappelons que les surfaces dans l’Hexagone sont attendues en 2020 sous la barre des 1 Mha.

Le marché du soja est officiellement plus abondant en termes d’offre, grâce à la bonne production états-unienne. Toutefois, l’appétit chinois est lui aussi plus important que prévu. Et le sec au Brésil, malgré de récentes pluies (et d'autres attendues), inquiète encore. Les semis ont du retard, et la Chine devra attendre plus longtemps pour se retourner vers le Brésil, qui a déjà vendu son ancienne récolte ! En Argentine, la situation est similaire. Ne reste donc plus que (ou presque) les Etats-Unis pour fournir le marché mondial. Le CIC a d’ailleurs revu en baisse de 4 Mt les stocks mondiaux de fin de campagne 2020/2021 entre septembre et octobre, à 46 Mt. L’an dernier, ces réserves s’élevaient à 47 Mt, et à 62 Mt en 2018/2019.

 

Deuxième vague de Covid-19: la première transformation française a des réserves, selon des courtiers

En France, les courtiers contactés lors de la semaine 44 sont globalement moins inquiets quant à l’apparition d’éventuelles tensions sur l’offre mobilisable de grains et de coproduits pour la première transformation suite à l'apparition de la deuxième vague de Covid-19, déclenchant le reconfinement du pays, bien qu’il faille rester vigilant. L’un d’eux explique que les fabricants d'aliments pour animaux en France seraient assez bien couverts jusqu’à fin décembre en tourteaux. Le maïs était très demandé à la fin de l’été et jusqu’en semaine 43, au vu des rendements décevants en France. Mais lors de la semaine 44, la situation se serait inversée : ce serait les vendeurs qui domineraient le marché. Reste à savoir si cette tendance va évoluer.

De leur côté, les meuniers seraient plutôt couverts sur les mois prochains, bien que des achats soient toujours rapportés ici et là, explique un autre courtier. Les semouliers font certes face à une certaine demande, mais ils auraient globalement bien anticipé la chose, disposant de réserves pour faire tourner leurs usines, tout comme les amidonniers.

Concernant les malteurs, le problème est tout autre. Avec la fermeture des bars, restaurants, hôtels, évènements festifs…, la consommation de bière et par ricochet de malt est au plus bas. Les prix sont déprimés, et bon nombre de lots brassicoles sont vendus aux fabricants d'aliments pour animaux, déplore un autre courtier.

 

 

 

 

 

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