Repérer les strongyloses digestives à l’autopsie
Avec le réchauffement de la fin du printemps, les strongles de la caillette peuvent se développer et déclencher une anémie qui se repère à l’autopsie.
Les dernières semaines de printemps et les premières d’été sont propices au développement des strongyloses digestives des agneaux. Ces infestations sont l’aboutissement d’une chaîne d’événements quasi immuable mais dont le rythme est influencé par la conduite d’élevage, la température et l’humidité. L’ensemencement des parcelles lors de la mise à l’herbe par les brebis qui ont agnelé peu de temps auparavant est suivi par l’éclosion des œufs et la transformation en larves infestantes. Le rythme de ce cycle s’accélère au fil de l’élévation des températures avec un recyclage important de la part des agneaux dont l’immunité n’est pas encore efficace. Cette suite d’événements peut malheureusement parfois conduire à une mortalité pas toujours associée à des signes cliniques avant-coureurs. Dans ce contexte, l’autopsie d’un animal peut se révéler riche d’enseignements.
Les températures estivales permettent un raccourcissement des cycles des strongles gastro-intestinaux dans le milieu extérieur qui accélère l’infestation des agneaux par les larves 3. Ainsi, Teladorsagia est au mieux de son activité entre 16 et 30 °C. Le passage du stade œuf au stade larve 3 se fait en une semaine à 22 °C, en deux semaines à 18 °C et en quatre semaines à 14 °C. Pour Trichostrongylus, les meilleures températures se situent entre 22 et 32 °C. Les strongles de la caillette Haemonchus se développent, eux, particulièrement entre 26 et 36 °C.
Un œdème à la tête en forme de bouteille
L’épouvantail redouté par la plupart des éleveurs d’agneaux d’herbe est la strongylose de la caillette ou haemonchose. Son évolution peut être très brutale et conduire à la mort subite de plusieurs sujets. L’autopsie dans ce contexte est nécessaire à l’identification de la cause. Haemonchus contortus, le parasite responsable, se nourrit de sang grâce à un outil de fixation à la muqueuse de la caillette. Chaque individu ingère quotidiennement 0,05 ml de sang ; 1 000 parasites ingèrent donc 50 ml par jour soit un litre de sang en trois semaines…
L’examen externe du cadavre (ou de sujets malades) permet d’observer un œdème de l’auge ou signe de la bouteille (photo 1). Cet œdème peut, dans certains cas, concerner l’ensemble de la tête (photo 2). Le signe de la bouteille est un signe d’anémie, on peut également le rencontrer lors d’infestation par la grande douve. Ce symptôme est observé parfois sur des adultes en grand état de cachexie, mais jamais lors d’infestation par de la petite douve.
Tout est blanc sauf la caillette
Contrairement aux autres strongyloses gastro-intestinales, l’haemonchose ne provoque pas de diarrhée, mais au contraire un certain durcissement des selles. Attention, la présence de diarrhée n’exclut pas Haemonchus contortus, dans le cas où d’autres strongles sont présents dans le tube digestif.
L’anémie s’observe par l’examen de la muqueuse oculaire (photos 3). La peau au niveau du pli de l’aine et du tissu conjonctif sous cutané est également très blanche (photos 4 et 5). Lors de l’autopsie, les tissus mais aussi le foie, les reins ou les poumons sont très pâles (photo 6). Au contraire, la caillette, du fait de l’agression par les Haemonchus, est enflammée (photo 7) et remplie d’un contenu digestif liquide et hémorragique (photo 8). Attention cependant, d’autres maladies peuvent provoquer une anémie : une infestation par la grande douve, une cachexie grave avec carence protéique ou une intoxication par des raticides anticoagulants.
D’autres strongles qu’Haemonchus à retrouver dans la caillette
L’autopsie, si elle est réalisée dans les six heures après la mort, permet de visualiser les Haemonchus dans la caillette en regardant à jour frisant la muqueuse de l’organe ou son contenu (photo 9). D’autres espèces de strongles peuvent parasiter la caillette (Teladorsagia) et l’intestin grêle (Trichostrongylus, Nematodirus, Cooperia), les symptômes principaux consistent en une diarrhée verdâtre à noirâtre plus ou moins associée à un amaigrissement. Dans ce cas, la mortalité, quand elle survient, est plus tardive que lors de strongylose de la caillette.
Un bémol néanmoins, Nematodirus peut provoquer de la mortalité sur des agneaux d’herbe. Il s’agit du premier strongle digestif rencontré par l’agneau au cours de ses premières pincées d’herbe. Les œufs de ce strongle, contrairement à tous les autres, passe bien l’hiver et les larves se forment à l’intérieur de la coque. Lorsque les températures deviennent favorables, toutes les larves éclosent brutalement, soumettant le jeune agneau qui broute à une infestation d’autant plus importante que son système immunitaire est incompétent vis-à-vis de ce parasite. Dès lors, la mortalité peut apparaître, soit du fait des lésions digestives, de la diarrhée parfois hémorragique, soit en favorisant la survenue d’entérotoxémies.
Mise en garde
Les principales autres causes de diarrhée
Coccidiose
Ténia (parfois)
Petite douve (parfois)
Grande douve (rarement)
Acidose, alcalose