Fertilisation, un levier pour préserver le potentiel de production des prairies
Contrairement au climat que l’on subit, il est relativement facile d’agir sur la nutrition des productions fourragères, via la fertilisation. Comment faire pour que ce facteur de production ne devienne pas un facteur limitant supplémentaire pour atteindre le potentiel de production les années plus favorables ?
Contrairement au climat que l’on subit, il est relativement facile d’agir sur la nutrition des productions fourragères, via la fertilisation. Comment faire pour que ce facteur de production ne devienne pas un facteur limitant supplémentaire pour atteindre le potentiel de production les années plus favorables ?
Face à des aléas climatiques de plus en plus fréquents, il est nécessaire d’adapter les pratiques de gestion de la prairie et des autres cultures fourragères pour assurer une production annuelle suffisante. « La gestion adaptée de la fertilisation est un premier levier pour y parvenir et préserver les chances de maximiser le potentiel, en années favorables comme sèches, en minimisant les facteurs limitants, autres que climatiques », souligne Grégory Véricel d’Arvalis- Institut du végétal, lors des journées de printemps 2020 de l’AFPF, l’association française pour la production fourragère. La fertilisation a également un impact sur la qualité des fourrages et la composition floristique des prairies. Pour les prairies pâturées, la fertilisation permet de gérer l’ensemble de la sole fourragère au cours du temps, de manière à échelonner la production d’herbe.
Ajuster la fertilisation azotée au cycle de production
L’azote est l’élément pour lequel la réponse des espèces fourragères est la plus marquée et ses effets sont visibles à l’échelle annuelle comme saisonnière. Les besoins en azote d’une prairie, selon le mode d’exploitation (précocité et intensité d’exploitation), varient de l’ordre de 15 kg N/t MS à 30 kg N/t MS. Une carence de 30 kg d’azote par hectare se traduit par des pertes de matières sèches en prairies pâturées de l’ordre de 1 T de MS/ha et de 2 t de MS/ha pour des prairies de fauche.
Contrairement à la fertilisation azotée, la réponse des cultures à la fertilisation phospho-potassique est assez peu visible à l’échelle annuelle, sauf en sols peu pourvus où une impasse entraîne une carence. Toutefois, un réseau national d’essais longue durée montre que certaines espèces fourragères font partie des cultures sensibles aux situations de carence en potassium avec des pertes moyennes de rendement de 16 % pour le ray-grass. Dans le cas du phosphore, les pertes moyennes de rendement associées à une carence sont de 31 % pour la luzerne.
« En dehors des situations de carences qui nécessitent une réponse annuelle, cela permet d’adopter une stratégie de gestion de la fertilisation PK à l’échelle de la rotation, dans une logique d’entretien qui autorise de pratiquer des impasses de fertilisation lorsque le sol est suffisamment pourvu (teneur > Timpasse). A l’inverse, la fertilisation azotée se raisonne chaque année à l’échelle de la culture, voire à l’échelle du cycle de production dans le cas des prairies. »
Quand et quelle dose apporter ?
Les impasses de fertilisation sur prairies sont plus fréquentes que pour les cultures de vente.
Le raisonnement de la fertilisation azotée passe par la mise en œuvre de la méthode du bilan prévisionnel (COMIFER, 2013) qui consiste, dans un premier temps, à calculer les besoins azotés de la culture, a priori en se fixant un objectif de production que l’on multiplie par les besoins unitaires de la culture.
« Pour adapter les apports aux besoins, il faut prendre en compte plusieurs paramètres spécifiques aux prairies (effets des engrais de ferme, de la restitution des déjections au pâturage, de la contribution des légumineuses et de la fourniture d’azote par le sol). Une particularité des systèmes en prairies est de fixer un objectif de production. » Pour cela trois approches possibles :
- Une globale, où sont estimés les besoins annuels en fourrages à l’échelle de l’exploitation, pour assurer l’alimentation du troupeau
- Une parcellaire, complémentaire de la première qui, selon le potentiel de production de la parcelle et de son mode d’exploitation, va déterminer des niveaux de production accessibles pour chaque parcellaire
- Une zootechnique, les besoins étant exprimés en quantité d’herbe ingérée par animal/jour.
Mode d'exploitation | kg N/t MS |
Pâturage à rotation rapide (retour tous les 20 jours) ou continu | 30 |
Pâturage à rotation lente (retour tous les 35 jours) | 25 |
Ensilage | 25 |
Foin précoce (fin mai) et foin de repousse | 20 |
Foin tardif de 1er cycle (fin juin) | 15 |
source : Comifer
Un raisonnement à adapter selon les éléments
Une fois les besoins en azote estimés, des apports fractionnés sont recommandés dès lors que la dose annuelle dépasse 100 kgN/ha. Le premier apport doit être réalisé à 200°C cumulés (base 0°C) après le 1er janvier, afin de maximiser son effet.
« Par ailleurs, un apport azoté dans les 5 à 10 jours qui suivent une coupe d’herbe ou la sortie d’animaux d’une parcelle permet un redémarrage plus rapide des repousses pour le cycle suivant. A l’échelle de l’année, il est conseillé de répartir, au printemps, les trois quarts de la dose totale, voire sa totalité si le potentiel de croissance de l’herbe est limité en été, sachant que la minéralisation des sols en automne ne permet qu’une croissance restreinte à cette saison. »
Une attention particulière à accorder au phosphore
Dans le cas du phosphore et du potassium, c’est une approche sur le moyen terme visant à maintenir ces éléments à des niveaux de biodisponibilité satisfaisants qui est privilégiée. Elle repose avant tout sur un diagnostic réalisé selon le type de culture et à partir d’analyses régulières de terre ou plutôt de végétaux dans le cas des prairies permanentes qui permet de juger de la nécessité ou non d’apporter une fumure à la culture. Il est conseillé de renouveler l’analyse tous les 5 ans.
En phosphore, une majorité de régions est en situation de carences, notamment les bassins d’élevages allaitants. En potassium, la situation est moins préoccupante à court terme. Même si les impacts directs sur les rendements sont encore peu visibles, ces évolutions doivent inciter à une vigilance accrue, en particulier dans les situations où ces teneurs sont déjà faibles.
Des impasses de fertilisation sur prairies permanentes plus fréquentes
Les enquêtes « pratiques culturales » montrent aussi que les impasses de fertilisation minérale sont en général plus fréquentes et les doses d’apports plus faibles sur les cultures fourragères bien que plus exigeantes en P et K que les céréales.
Les apports en P2O5 recommandés sur prairies permanentes sont d’environ 15 kg de P2O5/ha pour les prairies permanentes et de 30 kg pour les prairies temporaires. On recommande 30 kg/ha de K2O sur prairies permanentes et 60 kg sur les prairies temporaires.
Enfin, d’autres facteurs de production, tels que le soufre et le statut acido-basique des sols (qui peut impacter le développement racinaire, la disponibilité des éléments et la nutrition des plantes) nécessitent également d’être surveillés régulièrement.