Pas d’avis tranché sur les filets anti-insectes en cultures sous serres
Les expériences de filets anti-insectes en cultures sous serre donnent des premiers retours très divers. Efficaces dans certaines situations, les filets présentent cependant de nombreux freins techniques.
Les expériences de filets anti-insectes en cultures sous serre donnent des premiers retours très divers. Efficaces dans certaines situations, les filets présentent cependant de nombreux freins techniques.
L’utilisation de filets en cultures maraîchères sous serre multichapelle est une piste possible pour limiter les dégâts d’insectes ravageurs. Cette pratique apparaît depuis quelques années dans le Sud-ouest, en conventionnel comme en bio. Lors d’une journée organisée en octobre 2020 par le réseau Dephy ferme de la Chambre d’agriculture de Lot-et-Garonne, des producteurs et techniciens ont donné leurs premiers retours d’expériences de l’utilisation des filets anti-insectes. Ce qui ressort de ces échanges, c’est d’abord qu’il n’y a pas d’avis tranché sur les expériences de filets en maraîchage sous abri, et d’autre part que cette méthode comporte beaucoup de freins techniques. « Le sujet filets est délicat dans le Sud-ouest, car la région est beaucoup moins ventée que le Sud-est et leur utilisation nécessite une bonne aération », commente Cécile Delamarre, ingénieure réseau Dephy à la Chambre d’agriculture 47. Suivant les cultures et selon les ravageurs visés, les premiers retours ne sont pas du tout les mêmes. La situation où les filets semblent avoir le plus d’impact positif est la protection des cultures d’aubergine contre les punaises phytophages, une problématique croissante et très pénalisante sur aubergine. Contre d’autres ravageurs comme les pucerons, l’efficacité des filets semble plus aléatoire, notamment sur cultures multi-espèces. Tout semble résider dans les dimensions de la maille retenue, une maille trop fine pouvant poser des problèmes de renouvellement d’air et d’hygrométrie.
Le risque Botrytis augmente au printemps et à l’automne
« Le filet de maille 450 x 780 µm positionné sur les ouvrants marche bien contre les punaises chez un de nos producteurs qui en a installé, souligne Abdou Kadri Moumouni, technicien à la coopérative Scaafel. Un point essentiel de leur utilisation est de demander au personnel d’être très attentif à bien refermer les portes ». Ceci est capital afin d’éviter absolument les entrées extérieures de ravageurs. Si des entrées se produisent, l’augmentation des populations peut être beaucoup plus rapide que dans des serres sans filets, du fait d’une température et d’une hygrométrie plus élevées. Invenio conduit depuis 2014 des essais sur l’efficacité de filets contre les punaises en cultures d’aubergine sous tunnel. « Les filets peuvent constituer une solution pour se prémunir des punaises. Mais il faut bien nettoyer l’abri avant l’implantation de la culture, ainsi qu’avoir une bonne aération, une bonne étanchéité et bien fermer les portes à chaque intervention », abonde Henri Clerc, Invenio. L’augmentation de la température et l’hygrométrie due aux filets ont tendance à favoriser la croissance végétative des plantes. De ce fait, le risque Botrytis augmente au printemps et à l’automne. De plus, en fermant les cultures aux punaises, on les ferme aussi aux auxiliaires naturels. Dans l’ensemble, il manque encore quelques années d’expérience pour tirer des conclusions plus solides sur l’utilisation des filets anti-insectes en serre multichapelle. Il faut cependant bien réfléchir au choix de la maille, qui doit se faire selon le ravageur et les objectifs visés. De plus, lors d’une construction de serre, il est indispensable de bien étudier ses dimensions si on souhaite l’équiper en filets, afin d’avoir un renouvellement d’air suffisant.
A lire aussi : Cerise : « Des filets périphériques permettent de limiter les dégâts de Drosophila suzukii »
Avis de producteur : Jean-Pierre Menini, producteur en bio
Nous avons installé des filets anti-thrips à maille très fine sur les ouvertures d’une nouvelle serre multichapelle juste après sa construction en 2015, dans laquelle nous produisons des tomates et des concombres. Nous avons installé une porte automatique avec ventilateurs pour éviter de faire un sas. Après cinq ans d’utilisation, je suis incapable de dire si les filets sont indispensables ou pas, ce qu’ils apportent ou ce qu’ils n’apportent pas. Au bénéfice du doute, on continue de les poser malgré tout, car ils ne sont pas si chers et ils ne nous gênent pas. La différence la plus flagrante qu’on a constatée entre cette serre et les abris non protégés par les filets, c’est une présence bien plus importante de Tuta en 2019 dans la serre, pas au point d’avoir des dégâts cependant.
Avis de producteur : Christophe Pontoni, producteur en bio
La construction de notre nouvelle serre multichapelle s’est terminée en mars 2020. J’avais de gros problèmes de punaises et de pucerons dans des serres de concombres avec ouvrants, c’est pourquoi j’ai installé des filets sur les ouvrants de cette nouvelle serre. Je souhaitais des filets anti-pucerons mais j’ai reçu un filet anti-thrips, plus fin (270 x 770 µm). Les premières cultures, concombre et tomate, n’ont pu être implantées qu’en juin. Au début ça se passait bien, puis il y a eu quelques foyers de pucerons qu’on n’a pas pu maîtriser avec les auxiliaires : les populations ont explosé. Je n’ai jamais vu autant de pucerons sur tomate depuis trente ans. Peut-être qu’on a introduit Macrolophus un peu tard. Le problème est peut-être aussi dû au fait que la serre soit nouvelle. Il n’y avait pas d’équilibre entre auxiliaires et ravageurs. Peut-être aussi que les filets ont accéléré le développement des pucerons avec l’augmentation de la température ? Même si ce fut une année difficile, le système de filet sera probablement reconduit pour mieux le tester sur la prochaine campagne.