"Nous visons 100 % d’autonomie protéique grâce à l’herbe et à la féverole"
Au Gaec du Bio Virage, en Loire-Atlantique, des fourrages de qualité, notamment l’herbe pâturée ou ensilée, complétés par un mélange triticale-pois et de la féverole cultivée en pure, permettent une autonomie protéique quasi totale.
Au Gaec du Bio Virage, en Loire-Atlantique, des fourrages de qualité, notamment l’herbe pâturée ou ensilée, complétés par un mélange triticale-pois et de la féverole cultivée en pure, permettent une autonomie protéique quasi totale.
« Dès mon installation en 2011, avec le passage en bio, l’autonomie protéique a été un objectif essentiel, souligne Raphaël Cocaud, aujourd’hui associé à Elsa Naël, installée en 2021. Je veux produire moi-même toute l’alimentation du troupeau et ne pas être dépendant d’achats de concentré, pour des raisons économiques et par philosophie. »
Le Gaec compte 15 hectares de cultures de vente, complémentaires de l’atelier lait. « Les cultures apportent de la souplesse à l’élevage ; nous pouvons faire des dérobées. Si les stocks sont bas, nous pouvons passer en fourrages des surfaces prévues pour les cultures. »
Produire au moins 6 000 kilos de lait
Avec des vaches croisées Holstein, montébliarde et jersiaise, l’objectif des éleveurs est de produire au moins 6 000 kilos de lait par vache, avec de bons taux, peu de problèmes sanitaires, des vaches fécondes permettant des vêlages groupés d’automne et la monotraite en été. Tout cela en étant le plus autonome possible.
« Pour nous, le premier levier pour l’autonomie est un système fourrager de qualité, qui permette de produire 6 000 kilos par vache sans trop de maïs et donc de correcteur azoté. Nous ne distribuons jamais plus de 6 kilos de maïs ensilage par jour et le silo de maïs est fermé d’avril à septembre. » Les terres, limono-argileuses, sont plutôt correctes pour la région. « Le potentiel en maïs est limité, mais les rendements en herbe sont bons : de 7 à 8 tMS/ha/an. »
40 % d’herbe pâturée dans la ration
Les prairies occupent 45 hectares, dont 35 hectares accessibles à l’ensemble du troupeau. Les vaches pâturent toute l’année, sauf de fin décembre à la mi-février. Le pâturage est réduit en juillet. « Notre premier objectif est de valoriser au maximum le pâturage et d’éviter de débrayer et faucher sur ces parcelles, insiste Raphaël. Les vaches pâturent 25 hectares, soit 50 ares par vache, essentiellement en ray-grass anglais-trèfle blanc, avec un peu de fétuque. »
Le pâturage tournant est géré de façon rigoureuse. « Nous essayons d’avoir un paddock de 1 hectare pour trois jours pour 48 vaches », précise Elsa. Pour faciliter le pâturage, le Gaec a refait 300 mètres de chemins. En moyenne, l’herbe pâturée représente 40 % de la ration, l’herbe stockée 35 % et le maïs 15 %. « La part d’herbe pâturée, de 40 à 45 % selon les années, est un élément essentiel de l’autonomie protéique », souligne Vianney Thin, conseiller au GAB 44.
Avoir des ensilages riches en MAT
Un objectif essentiel pour les éleveurs est d’avoir un ensilage d’herbe riche en azote. « Nous visons 16 % de MAT, même si ce n’est pas évident en bio sans apport d’azote minéral. En 2021, du fait de la sécheresse, une deuxième coupe, réalisée pourtant à 35 jours, n’était qu’à 13 % de MAT », illustrent les éleveurs.
La recherche d’une herbe à forte valeur en MAT passe par des prairies riches en légumineuses (mélanges de dactyle, luzerne, trèfles blanc, violet, hybride, ou de ray-grass hybride-trèfle violet) et des ensilages précoces. « La première coupe est faite la première quinzaine d’avril, la deuxième mi-mai. »
Couvrir la fosse et la fumière pour concentrer les effluents
Autre point important pour améliorer la valeur en MAT des ensilages : la fertilisation. « Nous apportons 60 m3/ha de lisier avant les coupes de printemps, précise Raphaël. La valeur en azote du lisier est toutefois très faible, de 0,8 UN/ha. Pour la mise aux normes, nous allons couvrir la fosse et la fumière avec un bâtiment recouvert de panneaux photovoltaïques. Le lisier sera ainsi plus concentré et plus riche en azote. Nous allons aussi prioriser le lisier avant les ensilages d’herbe et réserver le fumier aux cultures. »
L’autonomie protéique passe aussi par des méteils ensilés, essentiellement de féverole, avec un peu de pois et de trèfle. « Ils atteignent 18 % de MAT. Ils sont par contre encombrants, ce qui limite les quantités que nous pouvons apporter. » Les éleveurs cultivent également des dérobées de trèfle incarnat pur, d’une durée de 6 mois. « Le trèfle incarnat est un peu long à s’implanter, ce qui entraîne des risques de salissement. Mais il est riche en MAT. Nous en avons semé 5 hectares en 2022. »
Autre axe encore : le colza fourrager pâturé, qui apporte de l’azote soluble en hiver. « Les vaches y ont librement accès de la stabulation, de mi-décembre à mi-février. »
Féverole et triticale-pois comme correcteur azoté
Au plus fort de la pousse de l’herbe (printemps et automne), pour complémenter le pâturage, 1 kg de foin est apporté. S’y ajoutent 1,5 kg de maïs grain humide de mi-mars à mi-juin, et 1 kg de mélange triticale-pois à partir de juin. En été, pour pallier le creux de pâturage, du foin et de l’enrubannage sont apportés, complémentés par le mélange triticale-pois. En autonme-hiver, la part d’ensilage d’herbe est d’autant plus prépondérante que le pâturage diminue, et elle est complémentée par 1 kg de foin, 1 à 2 kg de féverole et 1 kg de mélange triticale-pois.
La féverole, comme le mélange triticale-pois, est simplement aplatie. « J’ai essayé de la faire toaster, puis de la faire extruder, mais je n’ai pas vu beaucoup de différence », indique Raphaël.
Au final, le Gaec est parvenu ces dernières années à être entièrement autonome. « Il n’y a pas de recette miracle, estiment les éleveurs. L’autonomie passe d’abord par un maximum d’herbe de qualité. Tout dépend de l’année, de la qualité des fourrages, des rendements en féverole et triticale-pois, du fait qu’il y ait ou non du colza fourrager dans la rotation. Et il y a des limites à l’apport de féverole ou du mélange triticale-pois. Les vaches peuvent recevoir jusqu’à 3 kilos par jour de céréales et protéagineux. Au-delà, il y a un risque que la ration soit trop acidogène. »
S’autoriser à acheter un peu de correcteur
Le Gaec se donne désormais la souplesse d’acheter un peu de correcteur. En 2022, il a acheté 3 tonnes de correcteur soja-colza à 38 % de MAT. Le correcteur est distribué l’hiver à hauteur de 600 grammes par vache tant que les vaches ne sortent pas, en général jusqu’à mi-février, puis à raison de 200 à 300 grammes jusqu’à mi-mars. « Nous voulons une production d’au moins 6 000 kilos de lait par vache, expliquent les éleveurs. Au-delà de la production, l’apport protéique joue aussi sur l’état sanitaire des vaches, les boiteries, l’immunité, le TP. Si besoin, nous achèterons donc du correcteur. À 1 000 euros par tonne, il faut toutefois qu’il soit bien valorisé ! »
Fiche élevage
Côté éco
À retenir
La féverole est désormais cultivée en pure
« La féverole est agronomiquement intéressante, estime Raphaël Cocaud. Elle fixe l’azote atmosphérique, structure le sol, diversifie les familles cultivées et fournit des graines pour les couverts. » Pour gérer le salissement, « je l’ai parfois mélangée avec un peu d’avoine, mais à la récolte, l’avoine avait pris le dessus, ce qui impliquait beaucoup de tri. Désormais, je la cultive en pure. » Le salissement est contrôlé avec un passage de houe rotative et un passage de herse étrille. Le rendement moyen est de 25 q/ha, avec des variations de 20 à 35 q/ha. « L’important est qu’il y ait de l’eau à la floraison. Mais il y a parfois des maladies, du grainage à la récolte. »