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Vers des tracteurs autonomes

À l’heure où on parle de plus en plus de la voiture autonome, le monde agricole n’est pas en reste.

Depuis deux décennies et l’avènement de l’électronique agricole et du GPS, les automatismes se compilent et se combinent sur les tracteurs et automoteurs. Les séquences de bout de champ automatisent la mise en fonction des outils. Largement démocratisé, le GPS est aujourd’hui capable de piloter les engins agricoles avec une précision centimétrique. Les moissonneuses-batteuses proposent aux chauffeurs des réglages optimums en fonction des paramètres de récolte… Avec toute cette armada d’équipements, on pourrait presque en arriver à penser que le chauffeur fait "acte de présence". De là à complètement automatiser les engins agricoles, il n’y a qu’un pas… Pourtant, ce n’est pas si simple !

Les tractoristes s’y intéressent depuis déjà longtemps. Cela s’est notamment vu au travers des palmarès d’innovation des différents salons. En 2011, à Agritechnica, Fendt recevait l’or pour le Guide Connect. Au sein d’un tracteur dit "maître", l’opérateur en pilote un second dit "esclave", reproduisant le même travail que le premier, dans les passages qui le jouxtent. L’absence de chauffeur dans le deuxième tracteur marque un tournant majeur, notamment en termes de sécurité. Pour éviter tout incident dans les fourrières, le tracteur-esclave attend que le tracteur-maître ait réalisé son demi-tour. Pour éviter un obstacle, l’opérateur peut temporairement dévier le tracteur-esclave sur la trajectoire du tracteur-maître. En cas de situations critiques (coupure du signal GPS ou du signal radio), le tracteur guidé s’arrête automatiquement.

Au Sima 2017, Case IH et New Holland ont présenté des concepts de tracteurs autonomes. Dépourvu de cabine, le CVA de Case IH est conçu à partir d’un Magnum CVX, tandis que le NH Drive de New Holland est construit sur la base d’un T8 : il peut travailler avec ou sans chauffeur. Ces concepts sont capables de réaliser l’intégralité d’un travail, dépliage et repliage de l’outil compris, voire le trajet aller-retour depuis la ferme à condition d’emprunter des chemins privés et/ou des pistes comme aux USA.

Appliquer le principe de précaution

Côté sécurité, ces tracteurs embarquent radar, lidar (télédétection à laser), caméras et détecteur de métaux pour sécuriser l’outil et les opérateurs qui gravitent autour. En cas de détection d’obstacle, le tracteur s’arrête et envoie un message sur l’interface graphique (ordinateur, tablette ou smartphone) de l’agriculteur qui répond alors sur la marche à suivre. Cette interface sert également à surveiller à distance, permettant la traçabilité graphique des travaux réalisés, la visualisation des caméras embarquées, ou encore les informations de fonctionnement du tracteur et de l’outil.

Le tracteur fait également preuve d’un minimum d’initiative. Si un opérateur ou une autre machine est détecté, le tracteur s’arrête pour reprendre son travail lorsque le champ est libre. Il est par ailleurs à même d’exploiter le big data pour intervenir aux moments les plus opportuns ou s’arrêter à l’arrivée de la pluie.

Pour Michel Berducat, ingénieur de recherche au département écotechnologies de l’Irstea, "CNH a l’honnêteté de présenter ces deux innovations comme des concepts. À mon sens, on est encore loin de la réalité commerciale. Comment va réagir l’agriculteur lorsqu’il va recevoir le message d’alerte ? Va-t-il se fier aux capteurs et caméras pour décider si oui ou non le travail peut reprendre ? Ou va-t-il se déplacer à chaque alerte, parfois plusieurs fois dans la journée, pour vérifier qu’il n’y a aucun risque et que le travail peut reprendre ? Et doit-il rester à proximité pour intervenir rapidement ? Toutes ces questions se posent surtout si l’environnement de travail est un espace contraint comme une vigne ou un verger beaucoup plus complexe que les travaux en grande culture." Michel Berducat rajoute : "la sécurité ne concerne pas seulement la détection d’obstacles. Un engin autonome doit aussi veiller à ne pas se mettre en difficulté en dévers avec une trémie qui se remplit ou une cuve qui se vide ?"

Une interrogation se pose aussi en cas de défaillance d’un capteur de sécurité. Certains constructeurs de petits robots de binage ont répondu à la question avec des capteurs qui contrôlent périodiquement le bon fonctionnement des capteurs de sécurité. À cela, s’ajoute la question du budget. Le coût de cette nouvelle batterie de capteurs est-il à même de compenser le gain en main-d’œuvre ?

Autre paramètre à prendre en compte, les opérations d’attelage et de dételage des outils. La tablette pilotant ces deux concepts n’est pas forcément le meilleur support, lorsqu’il faut mettre les mains dans le cambouis. D’ici le lancement commercial des premiers tracteurs robotisés, des attelages automatiques, connectiques hydrauliques et électriques compris, auront probablement été développés par les tractoristes.

Par ailleurs, le chauffeur juge aussi de la qualité du travail et modifie les réglages au besoin. Comment un automate peaufinera le réglage d’une charrue d’un outil ? "C’est le prochain volet de la recherche et développement de notre tracteur autonome. Nos équipes d’ingénieurs travaillent sur le sujet en ce moment, assure Andreas Klauser, président de la marque Case IH, qui annonce avec optimisme un lancement commercial d’ici trois ans aux États-Unis. En outre, le tracteur autonome sera précédé d’un drone, les deux engins étant reliés par un câble comme cela se pratique dans le militaire pour augmenter l’autonomie du drone. Sur ce dernier, différents capteurs pourront être installés pour apporter une multitude d’informations et notamment interagir avec l’outil derrière le tracteur."

Réglementation : à qui la faute ?

Il reste en outre la question de la responsabilité en cas de problème. Pour Philippe Van Kampen, de l’APCA, « lorsque l’on considère les deux véhicules concepts de CNH, nous ne sommes plus en face d’un tracteur au sens réglementaire, puisque la définition inclut un chauffeur. À moins que la définition ne change d’ici le lancement commercial des premiers modèles, c’est par défaut la directive machine qui s’applique. Ceci signifie que si l’opérateur n’utilise pas le matériel comme indiqué dans la notice d’utilisation imposée par l’autocertification CE, il devient responsable en cas de problème. Dans le cas inverse, c’est le constructeur qui est responsable. Charge à ce dernier de bien évaluer tous les risques potentiels. »

Un essaim de petits automoteurs

Fruit d’une collaboration entre l’université d’Ulm et Fendt, le projet Mars (Mobile Agricultural Robot Swarms – essaim de robots agricoles mobiles) consiste en une multitude de petites unités mobiles à batteries, chacune étant dotée d’un semoir et intervenant sur leur propre morceau de parcelle. Légères pour intervenir dans des conditions plus critiques, ces unités géolocalisent chaque graine et son évolution. Si l’une d’elles tombe en panne, le travail est réalisé par une autre unité, une fois son travail achevé.

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