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Les 7 raisons de la colère des constructeurs après l'annonce des 80 lauréats France 2030 "filière fruits et légumes"

Lors du Sival, bon nombre de constructeurs de matériels maraîchers, vignes et vergers n'ont pas caché leur désarroi et leur mécontentement après l'annonce des 80 matériels "fruits et légumes". 

Lors du Sival, certains exposants affichaient les matériels élus au deuxième volet de subventions (20 à 40 %) de la "troisième révolution agricole".
Lors du Sival, certains exposants affichaient les matériels élus au deuxième volet de subventions (20 à 40 %) de la "troisième révolution agricole".
© L. Vimond

Vent de colère dans les allées du Sival 2024. Lors du premier salon des productions fruitières et légumes de l'année, nombreux étaient les échanges entre exposants sur les 80 lauréats de l’appel à manifestations d’intérêt (AMI) “Équipements pour la troisième révolution agricole” Volet 2 - filières fruits et légumes, dont la liste a été dévoilée quelques semaines auparavant. 

Une communication déficiente ?

Certains constructeurs reprochent à FranceAgrimer de ne pas avoir suffisamment communiqué auprès des PME du machinisme agricole de la mise en place de ce financement. Directeur de l'Axema, le syndicat des constructeurs et distributeurs de machines agricoles, Laurent de Buyer relève pourtant que "la communication a été plutôt bien relayée dans les médias. L'organisme financeur, la BPI, a également fait une communication de son côté. Nous avons également communiqué auprès des adhérents de l'Axema, ce qui n'a certains d'entre eux sont passés à travers."

Un dossier de candidature complexe

La mise en place d'aides publiques à l'investissement légitime l'examen d'un certain nombre d'informations que les candidats doivent fournir. Pour le premier volet de la troisième révolution agricole, les délais étaient courts entre l'ouverture des candidatures (12 décembre 2022) et la date butoir de dépôt des dossiers (6 janvier 2023), période d'autant plus marquée par les fêtes de fin d'année. Le dépôt des candidatures pour le second volet était plus tardif, à savoir le 12 avril 2023. Cela a abouti à 170 dossiers de candidature, pour 80 élus, contre 60 dossiers et 33 élus pour le premier volet. 

Les dossiers rejetés non justifiés

Pour un même type de matériel, certains constructeurs se sont vu refuser leur dossier, quand d'autres étaient acceptés. Avec des taux de subvention pouvant atteindre 40 %, l'acceptation ou le refus crée "une distorsion de concurrence non justifiée, clament plusieurs exposants refoulés. Nous savons d'ores et déjà que nous ne vendrons rien dans ce type de situation." Difficile de préjuger de la qualité du dossier transmis au jury, ce dernier s'interdisant de donner toute justification. "Si l'on entre dans des discussions sur les raisons d'un refus entre le constructeur et le jury, les échanges peuvent n'en plus finir", explique Laurent de Buyer. Coordinateur Agriculture de France 2030 au Ministère de l'Agriculture, Philippe Vissac appuie sa confiance au jury : "il s'agit d'une vingtaine d'experts indépendants, qui ont trié un grand nombre de projets. Pour ceux qui n'ont pas été retenus, certains n'étaient pas conformes : il manquait des éléments au dossier."

La préférence nationale

Certaines marques étrangères accusent le jury de "privilégier les marques françaises, alors que les fonds sont européens." Laurent de Buyer  corrige ce dernier point. "Si la France demande l'autorisation à Bruxelles pour la mise en place de ce système de subventions, les fonds sont en revanche 100 % français." Le directeur de l'Axema confirme que "la présence d'un bureau de recherche et développement en France est un critère qui rentre en ligne de compte, mais ce n'est pas le seul." Philippe Vissac confirme : "Quand une technologie intéressante est la seule sur le marché et qu'elle n'est pas française, on ne va pas s'interdire de la financer en partie. À iso-innovation, la préférence sera française. L'objectif est aussi de soutenir la réindustrialisation de la France."

La liste des lauréats annoncée six mois plus tard

Autre motif de tension, l'annonce retardée des lauréats de la deuxième relève. "A l'origine, la liste devait être dévoilée en juin 2023. Elle n'est parue que six mois plus tard, rage Laurent de Buyer. Pendant ces six mois, les ventes de matériels potentiellement éligibles ont été mises en stand-by. Pour des sociétés très spécialisées comme les serristes ou les fabricants de robots, c'est très engageant financièrement." Philippe Vissac explique : "Lorsque l'on met en œuvre un système comme France 2030, on utilise un règlement communautaire, qui doit être conforme à un régime d'aide notifié par Bruxelles, afin d'éviter toute distorsion de concurrence. C'est le retour de l'Europe qui a pris du retard. Cela a été un enchaînement de vents contraires." 

Une mécanique boiteuse qui perturbe fortement le marché

Globalement, l'Axema se montre peu favorable aux dispositifs de subventions comme de suramortissement. "Cela crée des déséquilibres entre acteurs, mais également sur le volume de production, avec des creux qui suivent la phase d'euphorie, explique Laurent de Buyer. Pour les entreprises de l'agroéquipement, ces fortes variations sont compliquées à gérer." Concernant l'AMI, le directeur de l'Axema insiste également sur "une mécanique mal ficelée dès le début. C'est comme essayer de monter les billes entre les bagues dans un roulement. Si ça s'emmanche mal, vous avez beau forcer, ça ne marche pas. Nous aimerions être consultés en amont lors de prochaines mises en place de mesures de ce type." 

Le guichet fermé prématurément

Dernier sujet de discorde, la fin prématurée du dispositif France 2030 "Équipements pour la troisième révolution agricole". Après les deux premières relèves pour un montant de 140 millions d'euros, aucun autre guichet ne sera ouvert. Les 260 millions d'euros restants vont être recyclés dans d’autres projets : pour rappel, le dispositif annoncé par Marc Fesneau, lors du Sima 2022, prévoyait au total 400 millions d'euros. 

Philippe Vissac rassure en affirmant que "la quasi-totalité des sommes restantes sera réaffectée à la planification écologique, pour l'essentiel dans les équipements. Nous allons tirer les enseignements de France 2030 et assouplir les conditions d'attribution pour les agriculteurs. Nous allons prendre le temps d'échanger avec les acteurs concernés, afin de mettre en place une mécanique fluide, intermédiaire entre France Relance et France 2030."

La mise en place est prévue pour le premier semestre 2024.

Lire aussi : Planification écologique : quels moyens financiers pour accompagner les agriculteurs en 2024 ?

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