Aller au contenu principal

Luzerne déshydratée : « nous sommes de bons élèves sur l’énergie et le carbone »

La filière luzerne déshydratée défend un bilan vert sur l’énergie et le carbone. De quoi légitimer selon elle le maintien des aides publiques dont elle bénéficie actuellement, jugées indispensables face au durcissement réglementaire qui engendre des surcoûts.

La filière de la luzerne déshydratée revendique un bilan énergétique désormais excédentaire et le stockage net de 390 kg de carbone par tonne de luzerne déshydratée. © G. Omnès
La filière de la luzerne déshydratée revendique un bilan énergétique désormais excédentaire et le stockage net de 390 kg de carbone par tonne de luzerne déshydratée.
© G. Omnès

La filière luzerne déshydratée ne veut plus passer pour un cancre en matière d’énergie et de carbone. Les responsables de la Coopération agricole Luzerne ont martelé ce message lors d’une conférence de presse le 23 novembre. « La luzerne déshydratée conserve parfois l’image d’une grande consommatrice d’énergie, mais cette image appartient au passé. Le bilan est désormais positif, de même que pour le carbone », a expliqué Éric Guillemot, directeur de la Coopération agricole Luzerne.

Bilan énergétique positif pour la luzerne

Pascal Thiébeau, ingénieur d’étude Inrae, a appuyé ce plaidoyer à l’aide de chiffres validés par les pouvoirs publics. « De 9,2 gigajoules consommées pour produire une tonne de luzerne déshydratée en 2006, la consommation d’énergie est passée à 5,5 GJ/t en 2019 », a expliqué le chercheur. Une amélioration permise par le préfanage au champ et par l’adaptation des outils industriels.

 

 
La quantité d'énergie consommée pour produire une tonne de luzerne déshydratée a fortement baissé depuis quinze ans. © Coopération agricole Luzerne ...
La quantité d'énergie consommée pour produire une tonne de luzerne déshydratée a fortement baissé depuis quinze ans. © Coopération agricole Luzerne / Inrae

 

Le bilan énergétique est ainsi passé -3,6 GJ/t en 2006 à +1,2 GJ/t si l’on prend en compte l’énergie disponible dans le produit fini. Par ailleurs, les industriels ont entamé leur transition de l’énergie fossile (charbon, lignite) vers des énergies renouvelables (principalement le bois).

« L’empreinte carbone a elle aussi été significativement améliorée, grâce à la performance technique au champ, à la baisse de la consommation d’énergie et au développement des énergies renouvelables dans l’étape de déshydratation », a souligné Pascal Thiébeau. En solde net, environ 390 kg de carbone sont stockées par tonne de luzerne déshydratée (une fois le déstockage pris en compte).

L’épée de Damoclès des émissions de carbone

Les émissions de carbone issues des énergies non renouvelables continuent pourtant d’être une épée de Damoclès au-dessus de la filière en raison de la réglementation dite ETS. Mise en place en 2005, cette réglementation européenne vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre en taxant le carbone émis par les industriels. Jusqu’à présent, les industriels bénéficient d’un quota de tonnes de carbone « gratuites », mais à partir de 2025, toute tonne produite devra être achetée sur le marché des crédits carbone.

Or, si le bilan carbone est positif pour la filière luzerne, la réglementation ETS prend uniquement en compte les émissions, sans déduire le stockage. Si la filière payait la totalité de ses émissions carbone à la valeur actuelle de la tonne de carbone (25 €/t), « cela représenterait un surcoût de 10 € sur chaque tonne de produit fini, alerte Yann Martinet, directeur adjoint de la Coopération agricole Luzerne. Ramené à l’hectare, c’est un coût de 120 €, proche de l’aide versée dans le cadre des aides couplées. C’est totalement incohérent. » Menace d’autant plus réelle que le prix de la tonne de carbone devrait grimper à 40 €/t d’ici à 2025.

Une transition vers les énergies renouvelables génératrice de surcoûts

La filière espère passer à 40 % d’énergies renouvelables (qui ne sont pas concernées par la réglementation ETS) dans un avenir proche. « Pour atteindre 70 ou 80 %, cela signifie des investissements massifs dans les outils industriels, sans aucun retour », souligne Yann Martinet. Et cela générera un surcoût, car l’énergie issue de la biomasse « coûte de 2 à 10 €/t plus cher qu’avec les énergies fossiles.

« Un soutien public nécessaire pour ne pas amputer les revenus des agriculteurs »

« Le maintien d’un soutien public est nécessaire pour ne pas amputer les revenus des agriculteurs et maintenir la présence dans les assolements, face à des besoins d’investissements massifs et à des coûts de production qui augmentent », affirme Éric Guillemot, directeur de la Coopération agricole Luzerne. Un appel lancé tandis que l’Europe et la France sont à l’heure des choix : il faudra en effet déterminer quelles productions continuent de bénéficier des aides couplées, et pour quels montants, dans la nouvelle PAC. La luzerne déshydratée est destinataire aujourd’hui d’une enveloppe annuelle de 8 millions d’euros en aides couplées, correspondant à des aides à l'hectare entre 120 et 150 €/ha selon les années, pour une surface d'environ 65 000 hectares consacrés à ce débouché.

La future PAC va également revoir en profondeur le régime des aides « vertes », dont profitait la luzerne au travers des surfaces d’intérêts écologiques. L’enjeu pour la filière est donc de préserver les aides dont elle bénéficiait grâce aux SIE.

Les plus lus

<em class="placeholder">Méthaniseur en injection de la coopérative EMC2 à Landres (54).</em>
Méthanisation agricole : des conditions tarifaires qui pourraient booster les projets

La politique de transition énergétique française ouvre de bonnes perspectives pour la production de biométhane. Mais échaudés…

<em class="placeholder">Georges Laigle, producteur de pommes de terre à Bihucourt (Pas-de-Calais),   
&quot;</em>
Mildiou de la pomme de terre : « Je profite de l’arsenal de produits à disposition pour alterner les solutions sur mes parcelles dans le Pas-de-Calais »

Producteur à Bihucourt (Pas-de-Calais), Georges Laigle utilise une dizaine de produits différents contre le mildiou sur…

<em class="placeholder">Agriculteur déchargeant un sac d&#039;engrais dans son épandeur à engrais.</em>
L’Europe valide la taxation des engrais russes jusqu'à 430 €/t en 2028

Ce 22 mai 2025, le Parlement européen a approuvé l’augmentation progressive, à partir du 1er juillet 2025, des taxes…

<em class="placeholder">Vincent Prévost, agriculteur à Gueux, dans la Marne</em>
Chardon : « Je garde une attention constante tout au long de la rotation pour limiter cette adventice dans mes parcelles dans la Marne »
Producteur de grandes cultures à Gueux dans la Marne, Vincent Prévost reste vigilant tout au long de la rotation pour limiter au…
<em class="placeholder">Parcelle de blé tendre dans le nord de la France.</em>
Sécheresse dans la moitié Nord : les cultures d'hiver ont besoin de pluies pour atteindre des rendements « dans la moyenne »

Peu de maladies, des cultures d’hiver globalement belles, les récoltes s’annoncent dans la moyenne. Peut-être le temps…

<em class="placeholder">Antoine Prévost, exploitant agricole à Foucherolles, dans son champ de blé au printemps 2025.</em>
« La négociation de ma reprise de terres s’est faite en bonne intelligence avec le cédant »

Antoine Prévost, exploitant agricole à Foucherolles, a saisi l’opportunité de reprendre 35 hectares de terres en plus de son…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 96€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Grandes Cultures
Consultez les revues Réussir Grandes Cultures au format numérique sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce à la newsletter Grandes Cultures