Luzerne déshydratée : un marché sous tension, mais un avenir rendu incertain par des « incohérences politiques »
La luzerne déshydratée profite actuellement de la fermeté des prix générée par deux années de sécheresse. À plus long terme, Coop de France déshydratation dénonce des incohérences politiques qui menacent l’avenir du secteur via la taxe carbone.
La luzerne déshydratée profite actuellement de la fermeté des prix générée par deux années de sécheresse. À plus long terme, Coop de France déshydratation dénonce des incohérences politiques qui menacent l’avenir du secteur via la taxe carbone.
La sécheresse de 2018 avait asséché les stocks de luzerne en France. Au printemps 2019, les deux premières coupes, excellentes, ont fait espérer une reconstitution des réserves, mais les espoirs ont été déçus en raison du retour du temps sec au début de l’été dernier. « Les stocks ont été très sollicités et n’ont pu être reconstitués en 2019, confirme Pierre Begoc, directeur général de Désialis. Nous nous attendons donc en 2020 à un marché comparable à 2019, avec un tropisme légèrement haussier. La luzerne a besoin cette année d’une météo plus clémente pour refaire les stocks. »
Un plan protéine très attendu
La conjoncture reste ainsi porteuse pour les prix à court terme – avec toutefois des incertitudes liées au coronavirus et au conflit commercial entre la Chine et les États-Unis. Mais les responsables professionnels ne cachent pas leur inquiétude quant à l’avenir de la filière. « Les surfaces de luzerne ont été stabilisées grâce à leur intégration dans les surfaces d’intérêt écologique (SIE) et les aides de 100 €/ha dans le cadre du plan protéine, a rappelé Éric Masset, président de Coop de France déshydratation lors d’une conférence de presse le 18 février. Mais nous ne savons pas ce que deviendront les SIE dans la nouvelle PAC, et nous attendons toujours les annonces concernant le futur plan protéines. »
Le ministre de l’Agriculture Didier Guillaume a en effet ouvert en 2019 un chantier pour relancer les protéines en France. Objectif : faire passer l’autosuffisance française de 53 % à 63 % en protéines végétales. Les représentants agricoles ont depuis remis leurs propositions, et le président Macron pourrait annoncer les mesures de ce plan à l’occasion du salon de l’agriculture, fin février.
Nouvelle taxe carbone très menaçante
Pour la filière luzerne déshydratée, ce plan doit permettre de consacrer l’aspect stratégique des protéines végétales, et de porter le dossier à Bruxelles avec l’appui des autres États membres. L’enjeu est de taille, car de nouvelles règles européennes risquent de pénaliser fortement l’activité déshydratation. « La directive européenne qui encadre la taxation du carbone est une menace extrêmement importante pour notre secteur, avertit Éric Guillemot, directeur de Coop de France déshydratation. Cela risque de nous nuire de façon considérable à cause de la hausse du prix de la tonne de carbone. Cette réglementation taxe uniquement les émissions et non le bilan. Or, si l’on fait l’analyse du cycle de vie, même en intégrant les usines, la filière luzerne capte plus de carbone qu’elle n’en rejette. Le système n’est pas du tout adapté au monde agricole. » Selon le dirigeant, la taxe pourrait représenter jusqu’à 200 €/hectare selon le prix du carbone.
Pour Éric Guillemot, « il y a un problème de cohérence politique car les protéines végétales constituent un secteur stratégique ». Coop de France Déshydratation appelle ainsi à un plan protéine français ambitieux, capable de fédérer d’autres pays européens. « Ce n’est pas un problème technique, la réponse ne peut être que politique », considère Éric Guillemot. Le secteur de la luzerne veut bénéficier d’une allocation gratuite de quotas carbone, dans le cadre d’un système réservé aux entreprises présentant un risque de délocalisation hors de l’UE. Mais jusqu’ici, Bruxelles a fait la sourde oreille.
La filière luzerne demande une aide de 200 €/hectare pour services environnementaux
Ces bandes se traduisent en effet par une perte de production et par une dégradation qualitative. « C’est un service rendu à la société, que nous avons évalué à 200 euros à l’hectare », indique Eric Masset. Le syndicat demande donc de mettre en place un paiement pour services environnementaux de ce montant au niveau européen.