Des besoins qui montent en luzerne déshydratée
Comment diversifier son assolement ? Pourquoi pas en misant sur la luzerne déshydratée. Cette source de protéines a le vent en poupe, particulièrement dans l’alimentation animale. L’offre n’est pas à la hauteur de la demande pour l’instant.
Comment diversifier son assolement ? Pourquoi pas en misant sur la luzerne déshydratée. Cette source de protéines a le vent en poupe, particulièrement dans l’alimentation animale. L’offre n’est pas à la hauteur de la demande pour l’instant.
La luzerne déshydratée plaît. La filière profite d’une belle dynamique qui va au-delà de l’Union européenne. La Chine est ainsi devenue un intervenant majeur à l’achat. La demande mondiale en produits animaux (donc en aliments pour les nourrir) est en constante augmentation et, dans ce contexte, les protéines végétales apportées par la luzerne ont le vent en poupe. S’ajoute à cela une demande forte sur des produits spécialisés issus de l’exploitation de la luzerne tels que les concentrés protéiques, ou les aliments destinés aux filières équines ou bien les produits à vocation énergétique. Le bio tire également la demande vers le haut. 39 000 tonnes ont été produites en 2018 en France contre 35 000 tonnes en 2017. Une croissance à deux chiffres est attendue en 2019 pour approcher les 45 000 tonnes. À l’heure actuelle, entre 5 000 et 10 000 tonnes de bio sont importées chaque année.
Une culture à même de répondre à plusieurs attentes sociétales
La culture a d’autant plus d’intérêt qu’elle stocke plus de carbone qu’elle n’en émet : elle s’inscrit donc pleinement dans les grandes questions sociétales actuelles en termes de transition énergétique mais aussi de transition agricole. C’est une protéine végétale sourcée pour alimenter les filières de l’alimentation animale et répondre à la question du « comment sont nourris les animaux en France ». Des initiatives communes de valorisation avec les industries agroalimentaires voient le jour : la luzerne en tant qu’aliment pour animaux de qualité et d’origine française a ainsi été mise fortement en valeur sur le stand de Bleu Blanc Cœur pendant le Salon international de l’agriculture 2019. De nouvelles filières de production apparaissent dans différents pays et la demande à l’export vers les pays tiers est importante.
Pour asseoir le développement agronomique, économique et sociétal de la luzerne, les acteurs de la filière ont mis au point une stratégie moyen-long terme de défense des intérêts de cette production tant au niveau français qu’européen. D’abord, ils veulent réaffirmer la contribution de la luzerne à la reconquête de l’autonomie protéique des élevages français et européens, cette contribution devant se traduire par la reconduction d’un plan protéines. Rappelons qu’aujourd’hui en France, la luzerne représente 7,5 % de la production des matières dites riches en protéines et 2,7 % des consommations (6,8 % et 2,2 % respectivement en Europe). Ils souhaitent également faire reconnaître les bénéfices environnementaux de cette légumineuse en vue d’une valorisation équitable de ses aménités, toute la question résidant dans le chiffrage de cette plus-value environnementale. Ce travail a également pour objectif de décrocher des budgets fléchés sur cette production dans la future PAC. Pour développer la production, les acteurs de la filière revendiquent des moyens supplémentaires de R & D, notamment en recherche variétale, en agronomie et en procédés industriels. Sur ce dernier point, un travail particulier est à mener sur la possible adaptation de la législation en matière de matières polluantes (notion de poussière naturelle). Enfin, ils cherchent à obtenir des aides aux investissements dans les outils de transformation pour s’inscrire dans le cadre des actions actuelles et futures en matière de transition énergétique.
Les semis de première année déterminants pour 2019
Restent plusieurs points d’interrogation pour cette filière à court terme. Tout d’abord, selon Désialis, qui se définit comme le premier opérateur européen de produits déshydratés, « le contexte des matières premières se complique avec une tendance plutôt haussière en céréales et plutôt baissière en protéines sur le soja alors que le colza domestique demeure cher ». L’utilisation de la luzerne déshydratée en alimentation animale pourrait donc engendrer des surcoûts à brève échéance, avec un indice Ipampa des prix d’achat des moyens de production plutôt haussier depuis fin 2017. Dans ce contexte, « la situation restera tendue jusqu’à la prochaine campagne », a expliqué Pierre Bégoc, directeur général adjoint de Désialis, en conférence de presse mi-février, avant de poursuivre : « la campagne 2019 dépendra beaucoup des semis de première année ». Le début de campagne s’est en tout cas avéré délicat, avec de nouveau des conditions météo en décalage avec la normale (épisodes de froid/sécheresse/pluies). Néanmoins, le potentiel de production restait intact début février, laissant l’espoir à la filière de retrouver des niveaux de production plus proches de ce qui existait avant 2018. « Il faudra surveiller le moment de la première coupe, qui sera déterminante », selon les experts.
À moyen terme, l’une des clés de la production va résider dans la capacité de la luzerne à s’adapter aux nouvelles conditions météo dans un contexte de changement climatique. Différents aspects vont devoir être travaillés : l’adaptation du calendrier de coupe, la gestion de la commercialisation (marché interne, marché export), le ré-allotement en fonction des rendements protéiques, la gestion des stockages et des volumes, les outils de marché, la formulation des produits…
Toute la question est de retrouver un beau niveau de production pour répondre à ce marché plutôt porteur.
Déficit de production en 2018
L’année 2018 restera gravée dans les mémoires des acteurs du marché de la luzerne déshydratée en France. Deux mots résument la problématique : sécheresse et juillet. L’an passé, c’est à cette période de l’année que tout s’est joué.
En raison des températures très importantes, la luzerne a souffert alors même que son système racinaire lui permet traditionnellement de plutôt bien résister. Et cette vérité des températures, valable pour la France, a en fait concerné l’ensemble de l’Europe, la partie Nord souffrant même davantage que celle du Sud.
Les volumes ont reculé de 14,8 % par rapport à l’année précédente. Ils se sont avérés inférieurs de 5 % à la moyenne sur six ans. À titre d’exemple, En Espagne, principal producteur de fourrage séché au soleil en Europe, la baisse a été de 7 % sur la campagne et de 10 % comparativement à la moyenne sur six ans. Au final, la production de fourrage séché en Europe a atteint 3 122 000 tonnes en 2018 contre 3 412 000 tonnes l’année précédente. Il n’en demeure pas moins vrai que, sur une longue période (1998-2018 et en base 100), la dynamique de production est importante, particulièrement en Italie mais également chez les autres principaux producteurs que sont l’Espagne, la France, l’Allemagne.
Le taux de protéines est passé sous la barre des 18 %, alors qu’il avait pris la bonne habitude de dépasser ce seuil depuis trois ans. En 2018, il s’est donc affiché à 17,22 %, selon le bilan présenté en conférence de presse mi-février par Coop de France Déshydratation et Désialis. « On apprécierait de remonter au-dessus de 18 % en 2019 », précise Pierre Bégoc, directeur général adjoint de Désialis, spécialiste des produits déshydratés.
Alerte sur la recherche
Lors de la présentation du bilan annuel et des perspectives de la filière mi-février, aussi bien Coop de France Déshydratation que Désialis ont mis l’accent sur la problématique de la recherche et de la sélection variétales. Constat : les rendements baissent (- 1,2 tonne de MS/ha entre les périodes 1997-2007 et 2008-2017) et des impasses techniques pourraient surgir par rapport à l’utilisation de certaines molécules pour la culture. Si un programme de travail existe depuis trois ans entre l’Inra et la Chine pour créer une bibliothèque de gènes dans le cadre des programmes européens H2020, il n’en reste pas moins vrai que la filière est orpheline en matière de R & D nationale consolidée. Il convient aussi de signaler que des filières émergent en Bulgarie et en Roumanie, par exemple, financées par des fonds en provenance du Moyen-Orient.
La France sur le podium des producteurs européens
En chiffres
La luzerne française
65 940 ha cultivés en 2019
741 000 t récoltées dont 39 000 t en bio
10 t de matière sèche produite à l’hectare
18 % de taux de protéines
28 usines de transformation