L’inquiétante progression de la chrysomèle du maïs
Bien implantée en Alsace et Rhône-Alpes, la chrysomèle du maïs est désormais présente dans les Charentes. Pour les spécialistes, il est important de retarder sa progression en jouant sur la rotation, seul moyen de lutte réellement efficace.
Bien implantée en Alsace et Rhône-Alpes, la chrysomèle du maïs est désormais présente dans les Charentes. Pour les spécialistes, il est important de retarder sa progression en jouant sur la rotation, seul moyen de lutte réellement efficace.
Les infestations de chrysomèle progressent en France, mais la lutte peine à se mettre en place. Pourtant, les dégâts conséquents occasionnés dans d’autres pays européens, comme en Allemagne, prouvent que le risque est réel. « La France n’impose plus d’obligation de lutte contre ce ravageur depuis 2012, rappelle Khalid Koubaiti, en charge du réseau Diabrotica à la Fredon (1) de la Nouvelle Aquitaine et animateur du BSV grandes cultures. Tant que l’agriculteur n’est pas en situation de stress et ne voit pas de dégâts à court terme, les mobilisations sur le terrain sont peu nombreuses. Mais il est important de retarder le développement et la progression de ce ravageur vers les autres bassins de production de maïs, notamment dans les Charentes. Les techniques d’éradication actuelles ne sont plus efficaces. Nous l’observons déjà en Alsace et en Rhône-Alpes. »
« Dans ces deux régions, presque tous les pièges à phéromones qui servent à détecter la présence de la chrysomèle sont positifs, rapporte Didier Lasserre, ingénieur régional chez Arvalis. Quant aux pièges chromatiques (plaques engluées), qui permettent d’évaluer l’importance d’une infestation au sein d’une parcelle, la situation devient sérieuse sur quelques 'points chauds' régionaux. » En deux endroits, en Alsace et en Rhône-Alpes, la pression approchait du seuil de nuisibilité (5 à 10 insectes par jour par plaque engluée), avec 3,9 captures par jour et par plaque sur le site alsacien, et près de 5 insectes sur le site de Rhône-Alpes.
La rotation réduit fortement les populations de chrysomèles
Comment lutter contre la chrysomèle ? « Les maïs en rotation ne sont pas impactés. La rotation réduit jusqu’à 98 % les populations », constate Didier Lasserre. C’est la seule solution réellement efficace qui retarde l’installation du parasite sur l’ensemble d’un territoire. Une lutte collective pourrait se faire sur ce principe.
« Notre rôle est d’inciter les producteurs à modifier leurs pratiques pour préserver les territoires et les secteurs productifs sans irrigation, explique Khalid Koubaiti. Même si les dégâts ne seront pas occasionnés la première et la seconde année suivant la capture, un maïs assolé tous les deux à trois ans dans la rotation montre une baisse de l’infestation. »
D’autres moyens de lutte existent. « Retarder la date de semis du maïs réduit de 75 % le nombre de larves sur les racines, précise Khalid Koubaiti. La nuisibilité de l’insecte est davantage préjudiciable en cas de maïs non irrigué, plus sensible au stress hydrique. » Les larves, qui occasionnent les dégâts, apparaissent au printemps après éclosion des œufs déposés par les adultes près des plantes l’été précédent. Elles se nourrissent des racines du maïs, ce qui dégrade l’efficacité d’absorption de l’eau par les plantes. Fragilisés, les pieds versent facilement.
Une efficacité moyenne des insecticides
L’efficacité de la protection chimique est moyenne contre la chrysomèle. Pour Khalid Koubaiti, « c’est une solution qui n’est pas durable sur les points technique, réglementaire et environnemental ». Les insecticides sont utiles pour réduire la nuisibilité à la parcelle, pas pour limiter la progression de l’insecte. « Les larvicides avec une pyréthrinoïde dans la raie de semis montrent des effets proches de 60 % », précise Didier Lasserre. « L’insecte finit par s’adapter et par résister aux modes d’action des insecticides, souligne Khalid Koubaiti. Les efficacités des traitements chimiques, qu’ils soient appliqués sur la semence ou en végétation, sont insuffisantes et ne justifient pas leur utilisation face à ce ravageur. »
Des moyens biologiques sont testés, parmi lesquels les nématodes. « La modalité avec injection dans le sol fait l’objet de recherches actives en Europe, présente Michael Barth, chef produit chez e-nema. En France, le degré d’infestation ne justifie toutefois pas encore l’utilisation de cette méthode dont le coût s’élève à 75 €/ha. »
Plusieurs universités travaillent sur l’association de nématodes, de bactéries et de champignons. « Sur trois années d’essais, nous avons constaté une baisse de l’impact des larves de chrysomèle de 20 à 30 % par rapport aux témoins », indique Geoffrey Jaffuel, chercheur en biologie à l’Université de Neuchâtel. Dix partenaires réunis dans le projet européen Innov. AR orientent leurs recherches vers ce moyen de lutte biologique.
Armand Heitz, agriculteur à Petit Landau dans le Haut-Rhin
« De nouvelles cultures introduites dans la rotation par précaution »
Sur cinq ans, mon rendement moyen en maïs est de 140 q/ha malgré la présence de l’insecte. Je n’ai pas observé de verse ni de dégâts sur les feuilles et les soies. Sa présence nécessite d’être vigilant : c’est pourquoi j’ai introduit du blé, du soja puis récemment du colza dans mon assolement pour diversifier les cultures et allonger ma rotation. Malgré tout, le maïs reste dominant car il représente la culture la plus rentable sur notre secteur. »