Contestations agricoles : « Nous sommes prêts à repartir au combat » explique cet éleveur de volailles
Producteur de poulets lourds en Côtes-d’Armor, David Labbé a largement participé aux mouvements agricoles. L’éleveur syndiqué reste motivé pour faire à nouveau entendre les revendications des éleveurs.
Avec des actions et des cibles diverses : magasins de GMS, grossistes, filtrages de camions sur la quatre voies (RN12), manifestations (préfectures, centres d’impôts…), rencontres d’élus, d’administrations (préfet, DDPP…) et des médias. Et pour finir, à Guingamp une manifestation géante comme je n’en avais jamais vu. Avec l’opinion qui nous soutenait et a constaté le déferlement de viande étrangère et les pratiques scandaleuses, ici en Bretagne. Tout ça pour dire maintes et maintes fois la même chose. On marche sur la tête : on en a marre de la pression administrative et de la concurrence déloyale. On veut moins de charges et moins de normes pour avoir plus de revenus pour vivre. »
Les aviculteurs ont-ils suivi les manifestations ?
David Labbé – « Ce mouvement concerne tous les producteurs. Même s’ils sont moins nombreux que les laitiers, les aviculteurs sont solidaires avec leurs collègues et ressentent le malaise agricole, d’autant que celui-ci est peut-être plus puissant chez eux. J’ai croisé des non-syndiqués qui sont venus vider leur sac et leur colère. »
Êtes-vous satisfait des résultats obtenus ?
David Labbé – « On ne peut pas être satisfait à 100 % et surtout il faut traduire en chiffres ce qui est annoncé. Par exemple, sur quelles années de référence sera calculée la clause de sauvegarde vis-à-vis de l’Ukraine ? Pause des négociations sur le Mercosur ou abandon du processus ? Les éleveurs ont l’impression que leurs attentes sont moins prises en compte que celles des céréaliers, car ce sont eux qui ont le plus à perdre avec le libre-échangisme. On attend aussi que la France cesse de surréglementer : pour couper ou planter un arbre, à quoi ça rime de remplir une demande qui va traîner en longueur. Sans réponses satisfaisantes, les agriculteurs sont capables de repartir rapidement manifester leur ras-le-bol. »
Pourquoi la question du revenu n’a pas été frontalement mise en avant ?
David Labbé – « Effectivement, elle ne l’a pas été collectivement parce que les agriculteurs ont globalement bénéficié d’une légère bouffée d’oxygène. Ce n’est pas le cas en volaille. Le poulet lourd trinque le plus, car il est sous la pression concurrentielle d’un commerce mondialisé. Il faudrait parler de la rémunération et de la rotation. J’estime qu’en deux ans les contrats ont été revalorisés d’environ 3 % en poulet lourd (beaucoup moins que les +37 % en GMS), alors que nos charges ont fortement augmenté.
Pour tirer un salaire, il faut au moins six lots. Les éleveurs à deux semaines de vide sanitaire ne se rendent pas compte de la concurrence de l’importation. Mais est-il normal d’avoir jusqu’à huit semaines de vide parce qu’on n’a pas de fenêtres dans le bâtiment ? Le résultat c’est que les enfants de ceux qu’on pénalise n’auront aucune envie de prendre la suite de leurs parents dans dix ans. La filière décapitalise son potentiel de renouvellement et scie la branche sur laquelle elle est assise. Il y a de l’argent dans la filière et il faut un juste partage pour que l’on soit tous là demain. »
Quelle suite allez-vous donner à ces mouvements ?
David Labbé – « Tout dépendra des réactions des acteurs de la distribution et de l’agroalimentaire. Vont-ils changer leurs pratiques ou revenir à la situation antérieure ? Les décideurs politiques iront-ils au bout de leurs engagements, en France (loi Egalim, normes) et en Europe (Ukraine, Mercosur) ? Les éleveurs en ont vraiment marre et ne se contenteront pas de promesses. Je suis étonné d’entendre de jeunes aviculteurs me dire que si ça continue, ils arrêteront la volaille et mettront des panneaux photovoltaïques sur leurs bâtiments. Il faudrait que nos industriels l’entendent et réagissent. »