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Broutards français : des ventes contrastées en fonction du zonage de la maladie hémorragique épizootique

L’annonce de la réouverture du marché algérien aux broutards français laissait présager une belle reprise des cours à la rentrée. Des perspectives rapidement balayées après la détection des premiers cas de maladie hémorragique épizootique (MHE) sur notre sol. Entre zone indemne et zone réglementée, les éleveurs et opérateurs commerciaux s’organisent.

« L’avancement de la maladie, le taux de séropositivité des animaux testés pour l’export et la capacité des opérateurs à s’organiser pour dépister à grande échelle conditionneront le maintien ou non de certains équilibres de marché dans un avenir proche », relève Michel Fénéon, directeur administratif et financier d’EuroFeder et président de la commission import-export de la Fédération française des commerçants en bestiaux (FFCB).
« L’avancement de la maladie, le taux de séropositivité des animaux testés pour l’export et la capacité des opérateurs à s’organiser pour dépister à grande échelle conditionneront le maintien ou non de certains équilibres de marché dans un avenir proche », relève Michel Fénéon, directeur administratif et financier d’EuroFeder et président de la commission import-export de la Fédération française des commerçants en bestiaux (FFCB).
© S. Bourgeois

Après un creux saisonnier cet été, les cours des broutards s’étaient raffermis à l’approche du 1er septembre, date de la réouverture du marché algérien aux importations françaises (1). « Tous les opérateurs étaient en piste : au cours du mois de septembre, plus de 20 000 animaux de 350 à 450 kg, toutes races confondues, étaient en cours de préparation ou sur le point de partir pour l’Algérie », évoque Benoît Albinet, directeur de Deltagro Export, dont le siège est situé dans la Loire.

« Les prix avaient été soutenus par cette demande supplémentaire, la faiblesse des effectifs et les bonnes conditions herbagères dans la majorité des zones, qui n’imposaient pas de sorties précoces cette année », complète l’Institut de l’élevage (Idele) dans ses tendances. Ainsi, au début du mois de septembre, le cours du charolais U de 350 kg vif cotait 3,50 €/kg vif, soit une hausse de 5 centimes en quatre semaines. Celui du limousin E de 350 kg vif avait connu la même embellie, pour atteindre 3,85 €/kg vif. Le prix des mâles croisés R, plus légers de 300 kg vif, avait un peu moins progressé (+ 2 centimes), s’établissant tout de même à 3,15 €/kg vif.

20 000 animaux à réorienter

Mais les premiers cas de maladie hémorragique épizootique (MHE), détectés dans les Pyrénées françaises au 18 septembre, sont venus contrarier ces belles perspectives de rentrée. Avec la fermeture du marché algérien, au 23 septembre, les tarifs sont retombés comme un soufflé. « Voyant le marché se tendre, les éleveurs ont fait quelques ventes anticipées, ajoutant un surplus aux replacements déjà en cours », analyse Stéphane Philibert, pour Parma charolais en Saône-et-Loire. Au cadran de Châteaumeillant dans le Cher, « les cotations des veaux de 400 à 450 kg sont passées de 3,55 à 3,35 €/kg vif depuis la fin du mois de septembre », indique Jérôme Chartron, chef des ventes du marché, avant d’ajouter : « le contexte sanitaire a provoqué une certaine inconstance dans les cours, avec des variations observées d’une semaine à l’autre en fonction des besoins de chacun et de l’évolution du zonage vis-à-vis de la MHE ».

Pour autant, la rareté de l’offre a minimisé les dégâts. « La même situation, rencontrée cinq années plus tôt, aurait conduit à un effondrement du marché », soulève Raphaël Colas, responsable pour l’Auvergne à l’union des coopératives Feder. Les ateliers d’engraissement italiens et français ont été en capacité d’absorber les broutards réorientés graduellement. D’après les données TRACES-DGAL (2), les expéditions vers l’Italie - tous bovins confondus - ont bondi de 15 % (+ 9 000 têtes) du 25 septembre au 15 octobre par rapport à l’an dernier.

L’Espagne a complété par quelques achats, évoquent les opérateurs interrogés. « Sur fond de sécheresse, les engraisseurs espagnols continuent de privilégier les broutards plus lourds pour réduire la durée d’engraissement et les besoins en aliment », confirme l’Idele. En cumul sur sept mois, les exportations vers l’Espagne ont augmenté de 29 % par rapport à 2022, tirées par les envois de mâles de plus de 300 kg.

Des animaux dévalorisés dès lors qu’ils ne sont pas testés

Dans les départements pyrénéens, historiquement touchés par la MHE, et dans ceux où le virus se dissémine peu à peu, la gestion des échanges reste tout de même très problématique. Pour les exportateurs, la préparation des camions est devenue un véritable casse-tête, avec parfois trois à quatre certificats sanitaires à remplir pour un même client suivant les zonages. Sur les marchés aux bestiaux aussi, la MHE met les opérateurs à rude épreuve. « Nous faisons constamment évoluer la configuration en fonction de l’avancement de la maladie, en essayant d’estimer l’impact du zonage sur les volumes apportés », explique Joël Labat, responsable du marché de gré à gré à Agen dans le Lot-et-Garonne et animateur d’Elvea 24-47. Au cadran de Mauriac, dans le Cantal, la zone de chalandise s’était restreinte par le sud-ouest. « C’est seulement à la séance de vente du 30 octobre que nous avons vu arriver les vingt premiers broutards en provenance de la zone réglementée et dépistés MHE », évoque Michèle Chastan, présidente du marché.

« Les broutards lourds et de qualité ressortis négatifs, au départ vers l’Italie, se défendent bien en termes de prix mais dès lors que ces mêmes animaux ne sont pas testés et orientés vers l’Espagne, les dévalorisations sont de l’ordre de 100 à 150 € par tête », fait savoir Joël Labat, pour le bassin blond.

Des taux de séropositivité élevés dans les bassins touchés

Autre frein à l’export, « le taux de positivité élevé, allant de 30 à 50 % sur les animaux testés, qui sont avant tout des broutards destinés au marché italien », rapporte Joël Labat. Résultat, « la plupart des exportateurs refusent désormais de collecter les bovins qui n’ont pas été dépistés au préalable en ferme », poursuit-il. C’est le cas de Géraldine Sazy, basée dans le Tarn-et-Garonne qui exporte principalement des blonds d’Aquitaine vers l’Italie. Après cinq semaines à l’arrêt, « nous avions choisi de réaliser nous-même les PCR pour faciliter les flux à la reprise mais dès la première semaine d’activité, 10 % de nos volumes achetés se sont révélés positifs à la MHE, avec l’impossibilité de les renvoyer à leur élevage d’origine une fois mélangés. Les lots ont donc été placés en étable de repousse. Mais sans connaissance du délai à partir duquel ces cas asymptomatiques pourraient revenir négatifs et être à nouveau commercialisables, nous avons opté pour une PCR systématique avant l'entrée en centre de rassemblement », témoigne-t-elle.

« Quand on voit les dégâts qu’a causés la MHE dans les élevages sud-ouest et la proportion d’animaux qui ressortent positifs, on peut craindre des manques d’approvisionnement, notamment pour l’Italie, si le virus vient à gagner tous les bassins », rapporte Michel Fénéon, directeur administratif et financier d’EuroFeder et président de la commission import-export de la Fédération française des commerçants en bestiaux (FFCB).

« La fluidité des échanges dépendra donc aussi des facilités qu’auront les éleveurs à tester leurs animaux en ferme, ajoute Joël Labat, qui évoque les difficultés de contention identiques à celles rencontrées pour vacciner contre la fièvre catarrhale ovine, sans parler du coût inadapté pour des analyses réalisées à petite échelle. « Au départ de chaque lot, les prises de sang sont perçues comme une "double peine" par les éleveurs qui doivent aussi gérer les conséquences de la maladie sur leur cheptel reproducteur », souligne Joël Labat.

Car la grosse interrogation porte sur les broutards positifs, qui se retrouvent sans réelles perspectives de sortie et bloqués en ateliers de repousse ou dans des élevages qui n’ont pas les capacités pour les engraisser sur place. « Des éléments de réponse sont attendus de la part des autorités sanitaires françaises, en espérant qu’elles parviennent à relancer les contacts avec l’Italie, pour assouplir le protocole sanitaire actuel et vite rassurer les opérateurs », note-t-il.

(1) En juillet, les autorités algériennes ont indiqué qu’elles autoriseraient les importations de broutards, sans limite inférieure de poids.
(2) Certificats sanitaires pour les échanges d'animaux internes à l'Union européenne

Les cours des laitonnes préservés des aléas sanitaires

Si les cours des mâles sont sous pression de la MHE, ceux des broutardes restent épargnés. Ainsi, au début du mois d’octobre, « les limousines E de 270 kg cotaient 3,30 €/kg vif, au même niveau qu’en 2022 et stables depuis l’été. La cotation des charolaises U de même poids s’établissait à 3,36 €/kg vif, en hausse par rapport à l’an dernier », analyse l’Idele. « Bien que les prix de la viande en Italie n’augmentent pas, la demande en femelles - qui représente 30 % des envois français de broutards - reste très forte, tirant les cotations à la hausse », complète Benoît Albinet, directeur de Deltagro Export.

155 000 naissances de veaux de mère allaitante en moins sur un an

Outre les aléas sanitaires, l’inquiétude des éleveurs et des opérateurs se porte sur la tendance de fond à la décapitalisation. D’après SPIE-BDNI, en cumul sur huit mois, 2 058 000 veaux sont nés de mère allaitante en 2023, soit un recul de 155 000 têtes (- 7 %) par rapport à l’année précédente. « Aussi, le décalage des naissances vers l’automne produit un déficit de mises bas au printemps. Ainsi, au 1er septembre, seuls 649 000 mâles allaitants de moins de six mois étaient présents dans les élevages français (- 7 %/2022) », calcule Maximin Bonnet, économiste à l’Idele. Au cadran de Mauriac dans le Cantal, « nous voyons depuis dix-huit mois arriver de plus en plus de vaches, avec des sorties particulièrement marquées durant l’été », partage Michèle Chastan, présidente de ce marché. « Même en prenant en compte le report des vêlages vers l’automne, nous n’avons jamais recensé de telles baisses d’effectifs. Ce manque représente près d’un dixième de ce que nous exportons habituellement sur l’Italie », souligne Michel Fénéon, directeur administratif et financier d’EuroFeder et président de la commission import-export de la FFCB. 

Raphaël Colas, responsable pour l’Auvergne à l’union des coopératives Feder, craint que le potentiel d’offre soit insuffisant pour abonder tous les marchés dès le début 2024. « Cette baisse de production nous inquiète tous forcément, mais il convient de surveiller aussi de près la baisse de consommation qui s’opère en face. Le tirage de la demande sera-t-il suffisant pour envisager de nouvelles revalorisations ? Jusqu’où les clients pourront aller ? », s'interroge Stéphane Philibert, pour Parma charolais en Saône-et-Loire.

Lire aussi | Négociants en bestiaux : « Face à la baisse de production, nous avons choisi d’unir nos forces »

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