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Les races caprines locales et à petits effectifs à la croisée des chemins

Si elles ne représentent que 1 % des effectifs caprins en France, le succès des races locales et à petits effectifs s'agrandit auprès des nouveaux installés. Les effectifs sont en croissance et les populations surveillées de près pour éviter les risques de consanguinité. Entretien avec Coralie Danchin et Louise Joly de l’Institut de l’élevage.

Pour la première fois, l'ensemble des races caprines locales et à petits effectifs étaient rassemblées à Capri'inov en novembre 2021. Une belle vitrine et l'occasion d'échanger avec l'ensemble des acteurs de la filière.
Pour la première fois, l'ensemble des races caprines locales et à petits effectifs étaient rassemblées à Capri'inov en novembre 2021. Une belle vitrine et l'occasion d'échanger avec l'ensemble des acteurs de la filière.
© V. Hervé-Quartier
Comment se portent les races locales et à petits effectifs françaises ?

Coralie Danchin et Louise Joly - Les races vont mieux, les évolutions des dernières années sont très positives. Certaines d’entre elles ont multiplié leurs effectifs par 10 en 20 ans. C’est notamment le cas de la chèvre provençale. Il ne faut pas relâcher la vigilance ni les efforts pour leur sauvegarde. En effet, si la croissance d’une centaine d’individus à 2 000 va relativement vite, c’est souvent plus compliqué au-delà de 4-5 000 individus. Le défi est de conserver un collectif uni et un financement des actions adapté à la taille de la population. La plupart des syndicats de races sont animés par des bénévoles qui peuvent aussi s’épuiser. Enfin, il faut accorder les points de vue entre anciens et nouveaux éleveurs, avec des objectifs pas toujours convergents.

Que surveillez-vous plus spécifiquement ?

C.D. et L.J. - Le premier danger pour les races à petits effectifs est l’augmentation rapide de la consanguinité. À partir de la généalogie, on peut faire des accouplements raisonnés. Non pas pour améliorer des caractères laitiers, viande ou autres, mais pour pérenniser la variabilité génétique. C'est l'enjeu majeur.

C’est pour cela qu’il est très important de remonter le maximum d’informations et les plus complètes possible sur les individus. Nous menons un travail collectif sur les bases de données afin de moderniser les outils existants. Avec l’augmentation du nombre de données à saisir, avoir un outil plus fiable et facile d’accès pour les éleveurs devient indispensable. Cette base permettra de faire les bilans démographiques, et de variabilité (dont la consanguinité).

Derrière le choix de l’éleveur, il y a souvent la passion pour une race, un coup de cœur

Comment expliquez-vous l’attrait pour ces races, qui représentent environ 1 % des effectifs caprins en France ?

C.D. et L.J. - En France, lorsqu’un éleveur s’installe en production caprine, il a le choix principalement entre deux races : Alpine et Saanen, contrairement aux bovins ou ovins, espèces pour lesquelles les options sont plus nombreuses. Les races locales et à petits effectifs offrent des possibilités différentes. Et elles sont belles : derrière ce choix de l’éleveur il y a souvent la passion pour une race, un coup de cœur. Ces nouveaux installés ont souvent une vision un peu différente de l’élevage. Le choix d’une race à petits effectifs, moins productive, demande souvent d’être innovant, de valoriser tous les produits animaux : lait, viande, sous toutes les formes. Par ailleurs, certains fromages AOP, comme la brousse du Rove, exigent une race spécifique. Enfin, des systèmes d’élevage, le grand pastoral par exemple, ne sont pas adaptés aux alpines et saanen. Ils permettent de valoriser la garrigue grâce à des races rustiques adaptées.

Est-ce qu'on collecte des boucs pour l'IA en races à petits effectifs ?

C.D. et L.J. - Oui, mais les objectifs sont très différents que pour les races en sélection Il s’agit de créer une banque génétique à des fins de conservation, en cas de disparition ou réduction importante des populations ou de perte de lignées. Par ailleurs, l’insémination permet aux éleveurs de rester en race pure en cas d’incident de reproduction sur un élevage. Les premières semences de boucs ainsi conservées l’ont été pour la chèvre poitevine à la fin des années 80. Les dernières entrées ont été faites pour la chèvre du Massif central en 2021, et la chèvre des Savoies sera la prochaine.

Chiffres-clés

Effectifs 2020 des races locales et à petits effectifs françaises :

Poitevine : 4 700 chèvres, 182 éleveurs adhérents à l'association pour la défense et le développement de la chèvre poitevine
Pyrénéenne : 5 080 chèvres, 211 éleveurs, dont 175 adhérents à l'association la chèvre de race pyrénéenne
Massif central : 1 100 chèvres, 59 élevages adhérents à l'association pour le renouveau de la chèvre du Massif Central
Chèvre des fossés : 1 600 chèvres, 160 éleveurs adhérents à l'association de sauvegarde et de promotion de la chèvre des fossés
Chèvre des Savoies : 900 chèvres, 40 éleveurs
Provençale : 1 830 chèvres, 39 élevages
Rove : 9 586 chèvres, 117 élevages.
Corse : 28 000 chèvres, 380 éleveurs caprins

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