Les lactations longues, un outil de maîtrise de la conduite du troupeau caprin
Les lactations longues sont en progression dans les troupeaux caprins français, quelle que soit leur taille. Si la pratique est ancienne, le suivi statistique et les références techniques sont récents.
Les lactations longues sont en progression dans les troupeaux caprins français, quelle que soit leur taille. Si la pratique est ancienne, le suivi statistique et les références techniques sont récents.
La pratique des lactations longues a vraisemblablement toujours existé en élevage, appliquée ponctuellement sur quelques animaux que les éleveurs cherchaient à ne pas réformer précocement.
C’est au cours des années 1990, avec l’incitation au désaisonnement par les entreprises laitières, que les éleveurs caprins ont réellement commencé à intégrer la conduite en lactation longue comme outil de maîtrise de la conduite de leur troupeau. Il s’agissait alors de continuer à traire les chèvres non fécondées et ayant encore des niveaux de production laitière intéressants.
De fait, ces femelles permettent de livrer du lait en automne, période traditionnellement déficitaire, et de bénéficier d’un prix du lait plus élevé. Il s’agissait aussi de recaler la période de mises bas pour les primipares, qui arrive plus tardivement que celle des adultes, avec le reste du troupeau. Dans ce cas, au lieu d’effectuer une lactation « écourtée » (environ cinq mois), les primipares poursuivent leur lactation pour n’être remises à la reproduction qu’au printemps de l’année suivante.
Des lactations longues choisies plutôt que subies
D’abord marginale, la pratique des lactations longues a donc eu tendance à se développer. Des systèmes de reproduction ont été définis en intégrant la présence de chèvres en lactation longue ou prolongée en proportion élevée. Après deux décennies de pratique en élevages, le recours aux lactations longues a évolué. Utilisées pour répondre à des échecs de reproduction, les lactations longues « subies » se combinent de plus en plus et de façon variable avec des lactations longues « choisies ».
D’autres objectifs sont désormais envisagés, avec pour conséquences une évolution des conduites d’élevages et une diversification des carrières individuelles des chèvres. Plus récemment, dans un contexte sanitaire complexe (pandémie de Sars-Cov2), la fragilisation de la filière d’engraissement du chevreau a incité à davantage mettre en avant la conduite en lactation longue.
En tant que tel, le recours aux lactations longues apparaît dorénavant comme une stratégie d’élevage s’appuyant sur un ensemble de prises de décisions en matière de gestion de la reproduction et de ses échecs, avec des implications dans l’ensemble des domaines de la conduite du troupeau.
Une pratique en constante expansion
Même si la décision de maintenir une chèvre en lait est réalisée assez tôt au cours de sa lactation, soit en amont de la mise à la reproduction, soit en l’absence de gestation, ce n’est qu’au bout de seize mois (485 jours) que la chèvre peut réellement être considérée comme étant en lactation longue. Dans les résultats ci-contre, on a considéré pour chaque chèvre la part du temps de production au-delà de ce seuil. On parlera de « temps productif en lactation longue ». Dans ces conditions, une proportion de 10 % de temps en lactation longue en moyenne sur le troupeau peut déjà être considérée comme élevée.
En 2020, plus d’un quart des élevages au contrôle de performance compte plus de 10 % de temps productif en lactation longue, contre 5 % il y a vingt ans. Dans la moitié de ces élevages, cette proportion dépasse les 20 %. Cela ne concernait que 1 % des troupeaux en 2000.
On trouve des lactations longues dans tous types de cheptels, quelles que soient leur taille et la race (alpine ou saanen). Néanmoins, les élevages à fort effectif (plus de 200 à 300 chèvres) ont tendance à comporter des proportions plus élevées de chèvres en lactation longue. C’est également dans ces exploitations que cette pratique a le plus augmenté depuis vingt ans. Le recours aux lactations longues est également plus fréquent dans les troupeaux de race saanen.
Enfin, la gestion de la reproduction et les objectifs de production continuent d’influer sur l’utilisation des lactations longues. Ainsi, la proportion d’élevages désaisonnés comportant beaucoup de lactations longues est deux fois plus élevée que celle d’élevages saisonnés.
Qu’appelle-t-on une lactation longue ?
Il s’agit d’une lactation qui s’étend sur plus de seize mois en continu, sans mise bas intermédiaire.
Des projets de recherche autour des lactations longues
La conduite en lactation longue a commencé à être étudiée au début des années 2000 sous l’angle de la maîtrise de la saisonnalité de la production laitière dans les élevages caprins (travaux réunissant l’Institut de l’élevage, l’Institut technique des produits laitiers caprins, l’INRA, CAPRI-IA et le Syndicat du contrôle laitier de Vendée). Mieux connues grâce au réseau de fermes de référence Inosys-Réseaux d’élevage, les lactations longues ont été étudiées en matière de carrières dans le cadre du projet Casdar Rustic (https://idele.fr/detail-article/lactations-longues-une-diversite-de-car…) et, plus récemment, au cours du projet Cllap (« conduites intégrant les lactations longues en élevages caprins ») financé par l’Anicap.
La lactation longue, un moment dans une carrière
D’au moins seize mois, la lactation longue concerne aussi bien des chèvres en première lactation qu’en fin de carrière.
Dans plus de 90 % des cas, une chèvre ne réalise qu’une lactation longue dans sa carrière. Inversement, 9 % des chèvres font deux lactations longues ou plus au cours de leur vie. Au total, ce sont plus de 16 % des chèvres qui sont concernées à un moment ou à un autre de leur carrière par une lactation longue.
Dans un peu plus de la moitié des cas, la lactation longue survient en première lactation : pour 24 % des chèvres faisant une lactation longue, ce sera la seule lactation ; pour un tiers d’entre elles, ce sera seulement le début de leur carrière. De plus en plus fréquemment, la lactation longue permet de gérer les fins de parcours (21 % des chèvres ayant eu une lactation longue), comme une dernière trajectoire avant la réforme. Enfin, et cela concerne 18 % des chèvres qui font des lactations longues, la lactation longue peut simplement être une lactation au cours d’une carrière.
Deux ans de lactation en moyenne
La durée de cette lactation longue est variable. Par définition, elle est d’au moins seize mois, mais elle peut atteindre jusqu’à dix ans. Néanmoins, sa durée moyenne était estimée à 717 jours, soit environ deux ans, en 2016 (synthèse des résultats obtenus entre 1995 et 2015 sur 195 430 lactations longues).
La proportion de lactations longues d’environ trois ans (28 à 40 mois) est passée de 10 à 16 % environ entre le début des années 2000 et 2017. Sur la même période, la proportion de lactations longues de durée supérieure (plus de 40 mois) a progressé de 4 à 12 %. Autrement dit, la durée des lactations longues a tendance à augmenter, et la proportion des lactations longues très longues, également.