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« Les femmes ont autant leur place que les hommes ! »

À Caligny dans l’Orne, Loren Duhameau s’est installée en individuel à 25 ans. Une installation précipitée par des circonstances mais qu’elle gère avec une énergie débordante depuis janvier 2014.  

5h30 du matin, Loren Duhameau démarre sa journée de cheffe d’exploitation et de mère de famille. « On déjeune ensemble puis j'amène Lucas [8 ans] et Emma [5 ans] à l’école. Le soir, c’est mon mari qui va les chercher à la garderie après son travail. Les femmes agricultrices ont généralement beaucoup plus de taches à gérer que les hommes. Nous nous occupons de la ferme, des papiers, de la maison, du linge, des enfants… C’est un bon emploi du temps et sept jours sur sept », constate sans se plaindre Loren Duhameau. À cet emploi du temps déjà bien chargé, s’ajoutent ses fonctions de secrétaire du bureau cantonal des JA, de responsable des plannings CDI du service de remplacement et de membre du bureau de la Cuma. Et, cerise sur le gâteau, Loren Duhameau est membre du conseil municipal de la mairie de Caligny depuis mars dernier. « Cela fait du bien de voir autre chose que son exploitation. J’aime bien avoir des contacts. » Débordante d’énergie, les journées marathon ne lui font pas peur. « Je suis jeune, c’est maintenant qu’il faut y aller. »

Vacher pendant cinq ans dans un service de remplacement

Fille d’agriculteurs, Loren s’est installée le 1er janvier 2014 à l’âge de 25 ans sur un coup du sort. « J’ai travaillé comme vacher pendant cinq ans au service de remplacement de Flers. Je tournais sur dix exploitations. Un des employeurs chez qui j’allais régulièrement est décédé subitement à 49 ans. Comme il était installé en individuel et sans enfants, sa famille m’a proposé de reprendre son exploitation. » Que faire ? Côté plus, Loren Duhameau est motivée par le contact avec les animaux et la conduite d’un troupeau. Elle a acquis de l’expérience en travaillant dans une exploitation laitière avant de rejoindre le service de remplacement de Flers. Autre atout, Loren bénéficie du soutien de son mari. « Je lui ai demandé s’il était prêt à me suivre, parce qu’avec ce métier l’engagement est à la fois professionnel et familial. »

Côté bémol, Loren Duhameau pensait bien s’installer un jour, mais pas si rapidement et encore moins dans l’urgence. « Il y a dix ans, je n’aurais jamais imaginé ma vie comme ça. J’aurais d’abord voulu m’investir plus en tant que salariée dans une exploitation pour suivre jusqu’au bout l’évolution de ce qu’on y faisait. » Le scénario a été très différent. « Suite au décès de mon ancien employeur, j’ai travaillé à plein temps sur sa ferme pendant cinq mois. Mais je n’avais aucune explication sur la façon dont il faisait tourner son exploitation. Son père suivait la ferme de loin. Il a fallu que je m’adapte. »

Une installation précipitée par un décès

Malgré des lacunes dans le domaine des cultures et l’engagement financier, son caractère fonceur et son goût du risque ont fini par faire pencher la balance du côté de l’installation. « J’ai d’abord signé un contrat de parrainage de six mois avec son père. Cela s’est bien passé. Je me suis donc installée. » 

La jeune agricultrice a bénéficié d’une attribution de 60 000 litres lors de son installation et d’une seconde rallonge de 151 000 litres en 2019, portant son contrat avec Lactalis à 514 000 litres de lait. Loren a également repris 25,5 hectares de terres en deux fois depuis son installation.

S’installer en individuel sur l’exploitation d’un tiers en étant jeune maman, il fallait oser. Mais Loren a pu compter sur l’aide de son père, agriculteur à la retraite, et de ses voisins pour se lancer dans le bain. À terme, elle espère pouvoir embaucher un salarié à mi-temps ou à temps plein. « Tout va dépendre de la conjoncture. Pour l’instant, je ne suis pas trop mal partie. »

Ne pas se mettre dans le rouge à cause du Covid-19

Début avril, l’incertitude engendrée par la pandémie de coronavirus ne l’inquiétait pas plus que cela. « Lactalis nous demande de baisser un peu notre production, mais ce n’est pas évident avec la mise à l’herbe. On essaie de se limiter mais nous n’allons pas nous mettre dans le rouge pour autant. Et pour que cela marche, il faut que tout le monde le fasse. La situation est encore floue. Nous aurons d’autres informations dans les prochains jours. L’impact sur le prix du lait va dépendre de la durée du confinement et du niveau de la baisse de la consommation des produits laitiers. Nous vivons un peu au jour le jour en ce moment. »

Pour mener de front sa vie de famille et professionnelle, Loren s’appuie également sur l’aide d’un stagiaire en bac pro quinze jours par mois depuis deux ans. « Le stagiaire a été embauché par le groupement d’employeurs et me remplace certains week-ends. » Loren fait également appel à un vacher de remplacement deux jours par mois pour pouvoir passer plus de temps avec ses enfants.

Déléguer l’administratif pour bien faire le reste

Elle peut également compter sur le soutien de son mari. Ce dernier a le statut de conjoint collaborateur à titre secondaire. La semaine, il prend en charge le soin aux veaux et démarre la traite du matin avant de partir au travail. « Pendant ce temps-là, je prépare les logettes, et je commence à désiler. Quand il part, je finis la traite et je distribue la ration aux vaches. » 

Selon l’époque, Loren enchaîne sur les travaux des champs avant d’assurer la traite du soir et les soins au troupeau. « Mon père et moi gérons la mise en place des cultures (maïs et blé). Les récoltes sont réalisées en Cuma et l’épandage du lisier par une ETA. »

L’administratif est le seul secteur délégué à un centre de gestion. « Je me contente de faire du classement. Je préfère faire mon boulot correctement et déléguer tout ce qui est administratif. » 

À l’instar de beaucoup d’exploitations, la main-d’œuvre pourrait devenir le talon d’Achille de l’exploitation. D'autant que Loren reste ouverte à toutes propositions d'évolution qui se présenteraient, à condition que cela reste jouable sur le plan humain et de pouvoir continuer à bien faire son travail. Mais quoi qu’il arrive, il n’est pas question que son mari s’installe sur l’exploitation. « Je préfère avoir un salarié pour pouvoir profiter des vacances et qu’il assure le travail d’astreinte un week-end sur deux. Mon mari ramène un salaire tous les mois. C’est important. » Il est 19h30, la journée de la cheffe d’exploitation prend fin. Place à la vie de famille avant la reprise demain matin à 5h30 !

Franck Mechekour

« Le métier a bien évolué, il y a moins de machos »

Salariée agricole puis cheffe d’exploitation, en douze ans Loren Duhameau a constaté avec satisfaction l’évolution positive du métier vis-à-vis des femmes.

Employée dans une exploitation laitière où elle assurait notamment une traite sur deux le week-end puis au service de remplacement de Flers, Loren Duhameau en a côtoyé des éleveurs durant ces six années de salariat ! Idem depuis son installation. Elle constate avec satisfaction une évolution des mentalités chez les hommes. « J’ai eu la chance de ne jamais avoir affaire à des machos. Il y a de moins en moins d’agriculteurs machos et on voit de plus en plus de femmes agricultrices. Les femmes sont aussi capables que les hommes. Elles sont souvent plus méticuleuses et observatrices que les hommes », affirme-telle.

Le côté physique du métier ne la dérange pas outre mesure. « Je suis jeune, je me porte bien et j’ai de la force. De toute façon, quand on est seule, on n’a pas le choix. »  

Chiffres clés

1 UMO + aide du père et du mari
514 000 litres de lait
50 Prim’Holstein
83 hectares dont 25 ha de maïs et 20 à 25 ha de blé

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