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Les bœufs gras de Bazas : 740 ans de tradition

La fête des bœufs gras de Bazas a survécu au Covid et à bien des péripéties. Elle fêtera l’an prochain son 740e anniversaire et a contribué, à sa manière, au renouveau de la race bazadaise.

© EF-OT du Bazadais

Les traditions sont soumises à deux destins contradictoires. Soit elles perdurent, et ancrent alors leur présence comme un marqueur indélébile du territoire, soit, jugées désuètes, elles finissent par s’estomper puis disparaître. C’est ce sort peu envieux qu’a failli connaître la fête des bœufs gras de Bazas juste avant sa « réinvention » voici une trentaine d’années.

Pour bien en comprendre le sens, il faut se pencher un peu sur l’histoire même de la race bazadaise. Race de travail, animaux de petits gabarits mais assez puissants pour aider à défoncer les sols de cette haute lande girondine. Nous sommes là à quelques dizaines de kilomètres de la vallée de la Garonne et de la métropole bordelaise, là où le vignoble s’estompe et où les pins et la forêt commencent à régner en maîtres sur l’espace.

Comme partout en France, et ailleurs, au sortir de la seconde guerre mondiale, les bœufs furent remplacés par les tracteurs et les petites races, comme la bazadaise, furent à deux doigts de finir dans les livres d’histoire. Et la fête des bœufs gras avec. Pour autant, la race a survécu, connaît même depuis vingt ans un regain d’intérêt et la fête a probablement joué un rôle non négligeable dans cette reconnaissance. Chargé de la communication et des événements à la mairie de Bazas, Olivier Boissavy est une des chevilles ouvrières de ce renouveau.

Une des plus anciennes fêtes de France

« On dit que la fête des bœufs gras de Bazas est une des plus vieilles du genre en France, explique-t-il, et c’était une volonté de la municipalité de redonner un peu d’ampleur à la fête il y a une trentaine d’années. » Elle n’est alors qu’une fête entre éleveurs et bouchers, une tradition un peu désuète que l’on perpétue par habitude, on est là à la fin des années quatre-vingts. À cette époque, les animaux paradent rapidement en ville, le concours est vite expédié et les animaux conduits derechef à l’abattoir municipal.

Aujourd’hui, le scénario a beaucoup évolué et le public aussi. « Chaque année, ce sont 10 000 à 15 000 personnes qui viennent à Bazas le jeudi qui précède Mardi gras. Les animaux sont amenés depuis les différents élevages vers une zone de déchargement, sont attachés derrière une remorque décorée puis préparés, nettoyés, décorés avec rubans et couronne. Ils passent ensuite sur le pont à bascule pour la pesée puis défilent au son des fifres et des groupes folkloriques », détaille-t-il.

Au cours de ce défilé, ils passent devant les quatre boucheries de cette petite ville. « Les boucheries sont liées aux éleveurs et ont acheté les animaux avant, c’est une sorte d’hommage qui leur est rendu. Cela permet aussi de montrer où la viande pourra être acquise par la suite. Les bouchers en profitent pour recevoir les éleveurs et leur offrir un petit coup à boire ! » Mais pour de simples questions d’organisation et de localisation de la zone commerciale située en périphérie du centre-ville, cette parade ne peut pas passer devant les rayons des deux boucheries des supermarchés qui eux aussi, commercialisent à ce moment-là de la viande de bœufs gras bazadais.

Le roi bœuf

Le concours débute à proprement parler sur les coups de 16 heures sur la place de la cathédrale qui est à peine plus vieille que la foire dont on fêtera l’année prochaine le 740e anniversaire. Au préalable les animaux ont été pesés, nettoyés, décorés et même bénis ! « Une fois attachés à un câble tendu sur la place, ils sont classés par un jury de professionnels sur leurs aptitudes bouchères mais également sur leurs caractères de race », poursuit Olivier Boissavy.

Le Graal, pour les éleveurs, c’est alors d’empocher le titre de roi bœuf ou l’un des trois autres prix décernés à cette occasion. « Si les animaux sont prévendus, ils ont aussi été présélectionnés à l’étable, c’est une fierté pour l’éleveur et le boucher que de pouvoir arborer ce prix. » Pendant que les juges officient, la confrérie du bœuf de Bazas intronise ses nouveaux membres et la remise des prix a lieu à 17 heures. Les animaux partent ensuite en direction de l’abattoir, en compagnie des éleveurs et des fifres mais sans public. « C’est une manière de rendre hommage à ces animaux qui seront abattus après une nuit de repos. »

Chaque année, ce sont entre 14 et 17 animaux qui sont ainsi présélectionnés pour participer à la fête des bœufs gras, laquelle ne concerne que des mâles. Pour Nathalie Morlot, présidente du syndicat girondin des éleveurs de race bazadaise, la fête joue indiscutablement un rôle important dans la renommée de la race et de la viande qui en est issue. « Les éleveurs sont très motivés. La plupart d’entre eux finissent au moins un bœuf par an », explique-t-elle.

Mais ce ne sont plus, comme autrefois, des bœufs de réforme de 6 ou 8 ans finis après une vie de labeur. Les animaux qui concourent à Bazas sont désormais des animaux bien plus jeunes puisqu’ils n’ont jamais porté le joug. Selon les dates de vêlages pratiquées par leurs propriétaires, la plupart d’entre eux ont autour de 4 ans. Ils sont engraissés à l’étable avec des céréales pendant les six mois qui précèdent et régulièrement brossés « pour éviter le stress et que le gras rentre bien dans la viande, détaille-t-elle. Les carcasses font autour de 580 kilos en moyenne. »

« C’est rentable pour tout le monde »

Quid du prix ? « Ça dépend des bouchers, ils n’ont pas tous la même stratégie. Certains payent plus cher les bœufs de la fête, d’autres pratiquent les mêmes prix toute l’année. Mais cela doit aller de 8 à 12 euros le kilo. Il faut dire que dans le secteur, nous vendons beaucoup en caissettes, ça oblige les bouchers à tirer les prix vers le haut », fait-elle remarquer. Au détail, les muscles les plus prisés se vendent entre 35 et 40 euros le kilo.

Le prix est en outre complété par des primes abondées par les collectivités, de la région au conseil départemental en passant par la mairie. Soit 1 000 euros par animal sélectionné pour aller défiler, plus 250 euros s’il gagne un prix. « Avec tout ça, c’est rentable pour l’éleveur en dépit du coût et du travail que cela demande parce qu’en plus de les nourrir il faut aussi leur apprendre à marcher pour la présentation. » Le prix à payer pour que la fête soit belle.

« Cela coûte cher aux éleveurs, à la mairie, mais cette journée des bœufs gras est aussi une manne pour la ville et pour les différents commerces. La plupart des restaurants mettent le bœuf en avant et font ce jour-là plusieurs services. Cela constitue un plus évident pour tout le monde en termes d’images. » Il faut bien cela pour ce que Nathalie Morlot appelle le château Yquem de la viande !

Des origines à nos jours

L’origine de la fête des bœufs gras de Bazas remonte exactement à l’an 1283. Elle est instituée suite à une décision du roi d’Angleterre - l’Aquitaine est alors sous la coupe des Anglais -, qui permet aux éleveurs de promener leurs bœufs dans la ville le jeudi qui précède Mardi gras en l’échange du don d’un bœuf au clergé pour la Saint Jean. La fête se serait ainsi perpétuée chaque année depuis lors. « Il y a peut-être eu une interruption pendant la première guerre mondiale, mais nous ne pouvons en avoir la certitude, parce qu’il n’y a pas d’archives à ce sujet », explique Olivier Boissavy.

À partir des années quatre-vingt-dix, elle est devenue un événement grand public.

En 2020 et 2021, malgré les difficultés liées aux confinements, la fête a toutefois eu lieu sans public et en comité très restreint. Elle a retrouvé l’affluence des grands jours cette année avec plusieurs milliers de personnes venues dans Bazas le 24 février pour faire la fête autour de la race locale et l’apprécier sur pied comme dans les assiettes.

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