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Elevage des veaux au Québec : « Le colostrum, c’est bien plus que des anticorps »

Pour la nutritionniste québécoise Déborah Santschi, le premier repas de colostrum est extrêmement important car il a un impact à très long terme sur la génisse. Cela vaut la peine de bien faire. Elle nous livre les recommandations en vigueur au Québec où l’âge moyen au premier vêlage est de 25,5 mois.  

© J.-M. Nicol

Les 4 litres de colostrum sont-ils toujours d’actualité au Québec ?

Déborah Santschi - Le colostrum au Québec, c’est le lait de la première traite. On a longtemps dit que le veau a besoin de 4 litres de colostrum pour assurer un transfert immunitaire correct. En réalité, il a besoin de 200 g d’anticorps. Ce n’est pas le volume mais la qualité du colostrum qui est critique. Et elle est très variable. Dans une étude menée aux États-Unis sur 67 fermes et 827 vaches, elle varie de 2 à 200 g/l d’IgG : il faut entre 100 litres et 1 litre pour assurer les 200 g d'IgG ! Cela vaut donc la peine de tester le colostrum pour savoir où l’on se situe. Même s’il est jaunâtre, d’aspect visqueux, cela ne veut pas dire qu’il est bon. Je conseille d’utiliser le réfractomètre brix qui a l’avantage par rapport au pèse-colostrum de fonctionner quelle que soit la température, d’être rapide et peu fragile. À partir de 22 % (50 g/l d’IgG), le colostrum est de qualité suffisante. À 26 %, si le veau ne veut plus boire au-dessus de 3 litres, ce n’est pas un problème. En revanche à 16 %, il faut presque 10 litres pour assurer le transfert immunitaire.

Quels facteurs influent sur sa teneur en anticorps?

D. S. - L’alimentation des vaches en préparation au vêlage est un facteur très important : quand on travaille bien sur l’alimentation (protéine), on peut assez facilement atteindre des valeurs brix à 32 %, voire 36 %. D’autres facteurs interviennent, comme la parité : en théorie, la qualité s’améliore quand la vache vieillit, mais certaines génisses peuvent avoir un excellent colostrum, il ne faut rien tenir pour acquis et mesurer. Il y a aussi le facteur génétique, les vêlages précoces (une vache qui vêle 10-15 jours avant terme n’a pas eu le temps de transférer les anticorps), les vaches qui perdent du lait avant vêlage, le délai entre le vêlage et la première traite (plus il y a d’écart, plus on dilue), la vaccination des mères.

Quelles sont les autres raisons de donner très vite du colostrum ?

D. S. - La première est que le veau nouveau-né n’a que 3 à 4% de graisses corporelles contre 15 à 17% pour le bébé humain. Il est nécessaire de lui fournir rapidement l’énergie, les protéines, les nutriments et l’eau dont il a besoin pour activer son système. Le veau doit être capable de beaucoup d’adaptations dans un très court laps de temps : il passe d’une piscine chauffée à 38°C à un environnement froid et sec, il doit ingérer et digérer alors qu’il se nourrissait via le nombril de nutriments prédigérés. Il est important de l’aider en lui donnant vite le colostrum, si possible dans l’heure qui suit la naissance. Il est très réveillé juste après la naissance, c’est aussi plus facile de le faire boire.
Le colostrum permet aussi à la vache de transmettre beaucoup de messages au veau. Il est deux fois plus riche en énergie que le lait normal, 40 fois plus riche en anticorps, mais aussi beaucoup plus riche en hormones. Il contient 65 fois plus d’insuline, l’hormone qui permet au glucose de pénétrer dans les cellules : c’est important pour permettre au veau nouveau-né d’absorber le maximum d’énergie. Il contient aussi 300 fois plus d’IGF-1, l’hormone de croissance et 20 fois plus de prolactine, l’hormone stimulant la croissance de la glande mammaire. Une étude montre que, simplement en passant de 2 litres à 4 litres de colostrum, le GMQ en période de présevrage passe de 640 g à 1 030 g et la production sur deux lactations progresse de 1 000 kg. Le colostrum est aussi beaucoup plus riche en stéroïdes qui vont servir pendant toute la période de croissance.

Quelles sont vos recommandations pour les premiers repas ?

D. S. - Nous recommandons deux repas de la première traite : un premier repas aussi vite que possible, idéalement dans l’heure, le restant de la première traite étant stocké au frigo pour un deuxième repas dans les 12 heures. Le colostrum est à volonté. Le plus souvent au Québec, il est donné au biberon plutôt qu’à la sonde. On ne gagne au final pas forcément de temps avec le drenchage car souvent le veau est plus réticent pour boire aux deuxième et troisième repas. Ensuite, nous passons au lait de transition : au jour 2, le lait de la deuxième traite, et aux jours 3 et 4, le lait de la troisième et de la quatrième traite. Cela implique une bonne gestion des bouteilles au frigo. Attention à l’hygiène, elle doit être irréprochable si on veut éviter les diarrhées : il faut s’assurer que le biberon, le seau, le fouet, les mains, le parc de vêlage, et les trayons sont propres.

Pourquoi certaines vaches ont-elles peu de colostrum ?

D. S. - Nous avons étudié la question il y a quatre ans. Dans 80 % des cas, la vache avait manqué de protéines pendant la préparation au vêlage. Dans la majorité des autres cas, les vaches étaient en hypocalcémie subclinique. Mais un vélage précoce, un stress important pendant le tarissement (notamment un stress thermique) ont aussi un impact. Si la vache manque de colostrum, l’idéal est que le veau reçoive du colostrum provenant de l’élevage pour être protégé du microbisme de l’élevage.
Lors d’une journée organisée par Synthèse élevage.

Congélation en sacs de 1 litre stockés à plat

Seul le lait de la première traite à 22 % minimum au réfractomètre est congelé. " Nous utilisons des sacs de 1 litre, en notant la vache et la qualité. Ils sont stockés à plat. Cela permet une décongélation beaucoup plus rapide (10-15 min à plat contre 20-25 min debout et 1h30 en bouteille) au bain-marie dans de l’eau à 40°C. Pensez à le mettre dans un deuxième sac, sinon vous aurez des surprises lors de la décongélation. "

L’alternative à la congélation est le colostrum en poudre. " Il est stérile, facile et rapide à utiliser. Mais il est un peu moins riche qu’un colostrum de qualité, notamment en hormones et stéroïdes. Attention, pour le même prix au Canada, la teneur en IgG varie de 1 à 4. "

Le saviez-vous ?

Un veau qui grelotte après la naissance absorbe beaucoup moins d’anticorps. Au Québec, les éleveurs mettent beaucoup de paille : c’est un très bon isolant « à condition d’en mettre suffisamment pour qu’on ne voit pas les pattes du veau couché ». De la paille sèche, aérée, changée régulièrement pour éviter l’accumulation de pathogènes et d’ammoniac. De plus en plus d’éleveurs québécois installent des lampes chauffantes.

Huit litres de lait dès le quatrième jour

L’objectif est d’obtenir 1 kg de GMQ pendant la période de présevrage.

« Suivez le veau, ne le freinez pas ! S’il a bu 7 litres le premier jour (4 l puis 2-3 l), il est certainement capable de boire plus que 2x2 litres au jour 2. Profitez de cette phase où la conversion alimentaire est beaucoup plus grande », recommande Déborah Santschi. Le plan classique au Québec est de donner 2x3 litres au jour 2, puis 2x4 l au jour 4. Ceci jusqu’au sevrage qui se fait par paliers sur une dizaine de jours. De plus en plus d’éleveurs donnent le lait à volonté le premier mois (certains sont à 10 litres)  et redescendent à 8 litres le deuxième mois. " On stimule énormément la génisse pendant la période où la seule chose qu’elle peut digérer est la protéine laitière, pour maximiser sa croissance. »

Pour la poudre de lait, la nutritionniste recommande d’utiliser une poudre avec 100 % de protéines de source laitière, 16 à 19 % de gras, avec un minimum de 26 % de protéines pour des veaux consommant 8 litres. " Mais s’ils boivent 6 litres, une poudre à 24 % convient. " L'objectif est d'obtenir du muscle.

Attention à la température de mélange : « trop chaud, on cuit la protéine et le veau ne l’absorbe pas ». Et à la quantité de poudre : « utilisez une balance. Avec un gobelet, d'après nos mesures, la quantité de poudre peut varier de près de 30 % suivant que l’on puise dans le haut du sac (non tassé) ou dans le bas du sac ». La préconisation est de 150 g de poudre par litre de buvée, cela veut dire 171 g par litre d’eau. En pratique, « on prend 4 litres d’eau, on met 1,2 kg de poudre, on mélange, on complète à 8 litres, et on mélange avec un agitateur ».

« La clé du succès, c’est d’être constant : le même lait, à la même température, à la même concentration, servi à la même heure et tous les jours. Si l’horaire est décalé de deux heures, les veaux auront soif, vont boire beaucoup plus vite, ce qui va perturber leur système digestif. Le manque de constance est l’une des grandes causes de diarrhées. »

À retenir

° Faire ingérer 200 g d'IgG très vite, si possible dans la première heure.
° Le veau nouveau-né a très peu de réserves corporelles : il a besoin rapidement de nutriments.

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