Changement de ration
Un passage au « tout herbe » bien raisonné
Changement de ration
Jean-René Gomel, dans le Pas-de-Calais, a évolué vers un système tout herbe, en conservant des co-produits dans la ration. Qualité de vie et rentabilité sont au rendez-vous.
«Le maïs demandait beaucoup de travail et les chantiers de récolte en automne dégradaient fortement les parcelles peu filtrantes. Beaucoup d´heures de tracteur et des interventions en conditions difficiles, pour finalement des rendements décevants », se souvient Jean-René Gomel, installé au nord du Pas-de-Calais, à une dizaine de kilomètres de Boulogne-sur-Mer. « Avec un potentiel agronomique limité, les rendements maïs ne dépassaient guère 8 à 9 tonnes de MS selon les années. »
Aussi en 1998, c´est sans regret que Jean-René abandonne la culture de maïs au profit de prairies temporaires. Les 25 hectares de l´exploitation sont donc désormais en herbe. Le climat océanique de la région favorise une pousse de l´herbe régulière et le parcellaire groupé a également encouragé cette évolution. « C´est primordial dans un système tout herbe, je n´ai pas de route à traverser, pas d´eau à trimballer... »
Le régime hivernal ©DR |
Le régime hivernal comporte environ 10 kg de MS d´ensilage d´herbe, 4.5 kg MS de pulpes surpressées
2 kg de MS de déchets de friterie et 1 kg de MS de foin.
Sur un plan plus personnel enfin, cette décision se justifie pleinement. « Je ne suis pas un passionné de matériel, reconnaît l´éleveur. Ce système, moins gourmand en capitaux matériel et en temps de travail, me satisfait davantage. Avec quatre enfants et une épouse qui travaille à l´extérieur, je veux pouvoir profiter de ma vie de famille.
Techniquement, ce changement d´orientation n´a pas été vécu comme une révolution sur l´exploitation. ». Auparavant, l´herbe représentait déjà une part importante, couvrant les trois quarts de la surface. « Cela faisait un moment que le projet du tout herbe me trottait dans la tête. Finalement, c´est dans le cadre du plan de développement durable, mis en place sur la région, que j´ai franchi le pas. »
Implanter des mélanges rapidement productifs
Contrairement à ce que l´on pourrait penser, la transition s´est faite sans mal. Sitôt le maïs ensilé, en octobre 1997, l´exploitant a semé du ray-grass italien, sans même déchaumer. « L´implantation a été rapide et j´ai pu exploiter les prairies dès le printemps suivant, avec un rendement de fauche très correct. « Si j´avais attendu le printemps pour semer les prairies, j´aurais sans doute manqué de stocks fourrager le premier hiver. » Cette peur de manquer de stocks a conditionné le choix des associations à semer. « Sur les prairies temporaires destinées à la fauche, j´implante des associations ray-grass hybride et trèfle violet. Rapidement productives, elles donnent de bons résultats et sont bien adaptées aux sols acides de certaines parcelles où la luzerne ne pousse pas. » La fétuque et le dactyle, résistants à la sécheresse et à l´humidité, complètent aussi certains mélanges.
Les onze hectares de prairies temporaires sont ensilés en première coupe, puis fauchés pour du foin début juillet. Ces parcelles sont ensuite laissées au repos pour obtenir des stocks sur pied. A partir du 15 août, elles sont réintroduites dans le cycle de pâturage. « Avec l´arrêt du maïs, les six hectares d´herbe supplémentaires donnent plus de souplesse au pâturage d´été. Maintenant les vaches sortent huit mois au lieu de sept. »
La mise à l´herbe débute tant que possible avant la fin mars.
« Mais ce n´est pas toujours facile car l´exploitation regorge de mouillères. » Jean-René pratique un pâturage tournant sur sept paddocks d´un hectare et demi. De mai à juin, les laitières pâturent (37 ares par vache laitière) sans apport de concentré.
Depuis 1998, la gestion des prairies s´est désintensifiée. Les rotations sur les pâtures se sont allongées de trois à cinq semaines et la fertilisation est mieux gérée. Le fumier, jusqu´alors réservé au maïs, est désormais épandu sur prairies, à raison de 15 tonnes par hectare. « Je craignais pour l´appétence mais les vaches pâturent cinq semaines plus tard sans aucun problème. » La fertilisation minérale azotée s´est réduite à 50 unités au printemps. « Rien à voir avec les 40 unités que j´avais l´habitude d´apporter systématiquement après chaque passage. Pour autant, la pousse de l´herbe est au rendez-vous. »
Les co-produits sécurisent la ration hivernale.
L´hiver, l´ensilage d´herbe et le foin représente les deux tiers des stocks consommés. Pulpes surpressées et déchets de friterie complètent le régime hivernal, en apportant de l´amidon dans la ration. « Les pulpes assurent la sécurité fourragère du système, reconnaît l´éleveur. A 27 euros par tonne (108 francs par tonne) rendu ferme, elles constituent un aliment bon marché et facile d´emploi. »
L´état des animaux s´est maintenu, mais une chose est sûre, « depuis l´arrêt du maïs, on n´a plus de vaches grasses ! » La part des co-produits dans la ration a permis de limiter la chute de production à 500 litres par vache. Les taux se maintiennent, voire s´améliorent depuis l´incorporation des pommes de terre. Malgré la baisse de productivité, le nombre de vaches est resté constant. « De toute façon, le bâtiment est limité à trente logettes », rappelle Jean-René.
La conduite des génisses a elle aussi été désintensifiée, avec passage du vêlage à deux ans au vêlage à deux ans et demi. Les mises bas ne sont plus groupées à l´automne mais étalées sur toute l´année pour éviter toute pointe de travail. « Je ne recherche pas le pic de lactation mais plutôt la persistance. Quant à la génétique, je mise davantage sur la capacité corporelle et le gabarit que sur la production. »
Au final, la conduite de Jean-René s´avère parfaitement maîtrisée. Ses vaches en donnent la meilleure preuve avec 60 % de réussite en première insémination. Également son revenu, avec un EBE qui dépasse 36 000 euros (238 000 francs), soit 51 % du produit. « Je considère que mon revenu est resté stable, et ce malgré la perte des primes Pac. » L´exploitation semble en régime de croisière. « Toutefois, si mon système est bien calé, je dispose de peu de marge de manouvre, regrette l´éleveur. J´aurais aimé aller plus loin dans la désintensification, mais c´est difficile, faute de surface suffisante. » Cela dit, Jean-René Gomel est aujourd´hui un éleveur enthousiaste, en phase avec son système d´exploitation.
©DR |
Pour le pâturage, l´éleveur mise sur des associations ray-grass anglais - trèfle blanc
Les mélanges ray-grass hybride - trèfle violet sont privilégiés sur les parcelles destinées à la fauche.
chiffres clefs
Troupeau : 30 Prim´holstein
Quota : 200 000 litres
SAU : 25 hectares en herbe, dont 11 hectares de prairies temporaires.
Main-d´ouvre : 1 UTH
Chargement corrigé : 1,20 UGB/ha
©E.B. |
Les déchets de friterie sont stockés au sol et bâchés.