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Un élevage danois de 450 vaches tiré au cordeau

Torben Brodersen est manager d’une exploitation intensive au Danemark du Sud. Il emploie cinq salariés et applique une logique entrepreneuriale en s'appuyant sur le " lean management " pour travailler efficacement et optimiser la conduite.

L’exploitation de Torben Brodersen, dans le Sud du Danemark, impressionne d’abord par sa taille. La stabulation est immense et les silos sont dimensionnés à la taille d’un semi-remorque. Les abords extérieurs sont soignés et entretenus, les bâtiments propres et agréables. Tout semble feutré. On pourrait presque y circuler en chausson… La structure compte 450 vaches de race Jersiaise et 480 génisses, sur une SAU de 280 hectares dont une centaine en herbe. Après la libéralisation des quotas, une nouvelle stabulation a été construite en 2017. D’ici fin 2019, elle accueillera 600 vaches qui produiront 6,5 millions de litres. Torben est avant tout un entrepreneur. « Mes objectifs sont clairs, affirme-t-il d’emblée. Je veux compter parmi les 10 % des meilleurs éleveurs du Danemark. »  Et pour cela, il mise sur un système simplifié avec un outil regroupé et fonctionnel qui permet à la fois de sécuriser le sanitaire et d’optimiser le travail et la rentabilité.

Âgé de 38 ans, Torben a repris l’exploitation de son oncle. Celle-ci est dans sa famille depuis quatre générations, avec des Jersiaises depuis le début « pour la facilité de vêlage et la productivité ». Celles-ci produisent 10 800 litres par vache, à 60 de TB et 42 de TP ! L’exploitation est gérée selon le modèle dominant danois : un manager, épaulé par de la main-d’œuvre salariale. Ici, cinq salariés roumains travaillent sur l’exploitation, avec un turn-over important. Le père de Torben intervient comme bénévole et s’occupe notamment de l’entretien des machines.

Un système intensif avec des vaches élevées en hors-sol

Les vaches sont toujours en bâtiment. Seules les génisses sortent au pâturage. Les laitières sont réparties en cinq lots pour faciliter leur gestion et le suivi sanitaire : les primipares, les secondes lactations, les 3e lactations et plus, les vaches malades, et les fraîches vêlées. La ration est identique pour tout le troupeau. Seules les quantités et la complémentation minérale évoluent selon la catégorie d’animaux. Le régime se compose de maïs ensilage, d'ensilage d’herbe de 1re coupe, avec des pulpes sèches, du tourteau (colza et soja), de l’orge aplatie et de la farine de maïs. Un camion de soja est consommé en 27 jours. Les achats de matières premières (colza, soja, pulpes, etc.) s’effectuent par camions de 38 t minimum pour bénéficier d’un meilleur prix.

Les vêlages sont étalés sur toute l’année, avec un âge au 1er vêlage de 23 mois. Le taux de réforme s’élève à 20 %. L’élevage recourt à des semences sexées pour limiter le nombre de veaux mâles (non valorisés en Jersiais) et augmenter le progrès génétique. Les moins bonnes vaches sont croisées avec des mâles bleu blanc belge.

Une conduite technique rationalisée et simplifiée

L’exploitant fait preuve d’un haut niveau de technicité et adopte une gestion rigoureuse et clarifiée. Grand troupeau oblige, les tâches sont rationalisées et de multiples protocoles sont mis en place. Quel que soit le domaine, les interventions sont régulières et programmées. Par exemple, pour les pattes, les traitements ont lieu à trois périodes clés : juste après le vêlage, à 50 jours et 200 jours de lactation. Les vaches passent également au pédiluve en sortie de salle de traite une fois par semaine, et deux pareurs extérieurs interviennent sur l’exploitation le premier lundi de chaque mois.

Toutes les interventions sont répertoriées

Les veaux bénéficient d’une attention particulière sur l’élevage. Les veaux de 6 semaines à 4 mois logent en cases collectives par lots de 24 et changent progressivement de cases. Le sevrage intervient à 2,5 mois. L’écornage est effectué à 165 jours en présence du vétérinaire, qui effectue une visite sur la ferme toutes les semaines.

Les différentes informations techniques sont partagées avec tous les intervenants. Chacun dispose d’un accès aux données, aux tableaux de suivi, etc. L’exploitant participe à un groupe d’échange (trois exploitants) ayant les mêmes problématiques que lui. Et, en termes d’outils, un logiciel de gestion de troupeau permet un pilotage du troupeau à partir des résultats du contrôle laitier.

Volume de travail et charge mentale

En tant que gérant, Torben passe beaucoup de temps à l’organisation et au management des salariés, mais il participe aussi aux travaux de l’exploitation. Sa masse de travail se montre particulièrement conséquente et peut monter jusqu’à 120 heures par semaine à certaines périodes ! Par ailleurs, il peut difficilement se faire remplacer. Seul l’un de ses salariés, celui qui a le plus d’ancienneté (6 ans), peut pallier son absence quelques jours, mais guère plus…

L’autre point faible concerne les installations de traite, largement sous-dimensionnées. La ferme a connu un accroissement rapide de son cheptel mais la salle de traite n’a pas suivi… La traite s’effectue dans une 2x12 – dimensionnée initialement pour un troupeau de 250 vaches – et prend pas moins de cinq heures le matin et le soir ! À chaque traite, un binôme différent intervient.

Ce système est-il durable ? 

Cet élevage a été visité par un groupe d’éleveurs français impliqués dans le programme Eurodairy, qui a travaillé sur la résilience des exploitations laitières. C’est-à-dire sur la capacité d’un système à faire face à des perturbations extérieures ou intérieures pour perdurer dans le temps. Après la visite, le groupe a listé différents points qui posent question sur le plan social et économique.

La fragilité du système où tout repose sur un seul homme, difficile à remplacer de surcroît, a surpris les éleveurs. La charge mentale et la masse de travail qui lui incombent comportent des risques à moyen terme. D’autres questions relatives à la main-d’œuvre salariale sont soulevées. Pourquoi le turn-over se révèle-t-il important ? Le temps de traite élevé (5h matin et soir) permet-il un maintien suffisant de l’attention et de la motivation ? Qu’en est-il des troubles musculosquelettiques ?
Quant à la rentabilité de l'élevage, Torben Brodersen s’est montré peu prolixe. Hormis le coût d’endettement de 70 %, aucune donnée économique n’a été communiquée. L’éleveur rencontre la banque tous les mois. Ce suivi très régulier interroge aussi les éleveurs. D’un point de vue stratégique, qui pilote au final ? La banque ou l’éleveur ?

Chiffres clés

SAU 280 ha (150 ha maïs, 100 ha herbe, 30 ha céréales)
Cheptel 450 Jersiaises à 10 800 kg (2017)
Objectif 6,5 Ml avec 600 Jersiaises (2019)
UMO 1 manager, 5 salariés, 1 bénévole
Taux d’endettement 70 %
 

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