Soins vétérinaires : « Nous avons opté pour un forfait de 37 euros par vêlage pour le suivi de nos vaches »
Certains éleveurs contractualisent les soins de leur troupeau avec leur vétérinaire. Le forfait permet un suivi régulier des animaux et redore aussi le blason du métier de vétérinaire rural, pour contribuer à mailler le territoire.
Certains éleveurs contractualisent les soins de leur troupeau avec leur vétérinaire. Le forfait permet un suivi régulier des animaux et redore aussi le blason du métier de vétérinaire rural, pour contribuer à mailler le territoire.
Charles Fossé a sauté le pas de la contractualisation il y a un an. Nous ne parlons pas ici d’Egalim mais de soins vétérinaires pour son troupeau de 80 vaches. L’éleveur, installé en Ille-et-Vilaine, et Julien Le Tual, son vétérinaire, sont reliés par un contrat, engageant une visite toutes les quatre semaines pour le suivi de la reproduction, le parage curatif pour les boiteries du troupeau ainsi que les déplacements et les interventions pour les actes de base. Pour une fièvre de lait par exemple, l’éleveur n’aura à régler que la perfusion et le flacon de calcium. Lors d’une visite de garde, seul le supplément est à la charge de l’éleveur. Le coût de ce forfait global : 37 euros par vêlage et par an, le tout divisé par douze pour mensualiser le prélèvement. L’un comme l’autre voient du positif dans la formule.
« J’hésite moins à appeler mon vétérinaire »
« Avant, nous avions des soucis sur la reproduction. Les vaches prenaient au bout de trois ou quatre inséminations, elles revenaient tard en chaleur », contextualise Charles Fossé. La solution de contractualiser les visites est alors prise entre les deux parties. « Le vétérinaire réalise les échographies de confirmation après insémination, il fouille les vaches qui viennent de vêler. La visite est programmée, nous perdons moins de temps et cela nous a amené de la rigueur. » Pour l’éleveur, le constat est net : « nous avons amélioré notre bilan repro ». Et surtout, « j’hésite moins à appeler le vétérinaire quand j’ai un doute. Je n’attends plus plusieurs jours en espérant que va la vache se remette toute seule ».
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« Le vétérinaire reste quarante-cinq minutes, pour douze échos et sept fouilles », illustre-t-il. Le temps de visite permet aussi d’avoir des discussions informelles. « Je peux lui parler d’un veau malade, nous évoquons des bobos du quotidien et ça permet d’intervenir plus rapidement si besoin. » Financièrement, Charles Fossé estime n’avoir ni augmenté ni baissé sa facture vétérinaire. « Je ne pense pas consommer plus ou moins de médicaments, mais les usages ont changé. »
54 % de visites en moins pendant les gardes pour les vétérinaires
Pas de doute non plus sur l’intérêt de contractualiser pour Julien Le Tual : « la contractualisation nous apporte de la sérénité, nous sortons du rôle de vétérinaire urgentiste. Quand l’éleveur nous appelle pour une fièvre de lait, le déplacement est déjà payé, cela change nos relations. Intellectuellement, c’est aussi plus intéressant, car nous mettons des plans de vaccination en place par exemple. Et ils sont mieux suivis d’année en année », explique-t-il. Sa clinique propose des contrats à ses éleveurs depuis une dizaine d’années, 40 % d’entre eux ont sauté le pas.
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« Les jeunes vétérinaires sont lassés au bout de trois ou quatre ans par les urgences, constate Matthieu Mourou, de l’Ordre national des vétérinaires. Le travail sous contrat les attire davantage car l’approche est plus globale et la relation est différente avec l’éleveur. » Il estime que les vétérinaires engagés dans ce système réalisent « 54 % de visites en moins lors des gardes ». Pour Julien Le Tual, la contractualisation permet également aux cliniques de garder une activité rurale régulière dans un contexte où le nombre d’éleveurs diminue. « Le fait d’être moins dans l’urgence rend le métier plus attractif. Et dans les cliniques, nous pouvons maintenir des effectifs pour mieux répartir les week-ends de garde. C’est plus facile à gérer. »
La marge brute de l’élevage s’améliore grâce à la régularité des visites
« En général, le travail sous forfait assure les soins de routine aux animaux, les petites chirurgies et les prestations de suivi régulières comme la reproduction. Cela permet une meilleure organisation, une meilleure gestion des données. Les éleveurs n’ont plus de frein à appeler le vétérinaire, qui pose des diagnostics plus précoces et dont les actions de traitement sont plus efficaces », résume Florence Beaugrand, maître de conférence à l’école vétérinaire de Nantes, qui a encadré une thèse vétérinaire sur le contrat forfaitaire de soin.
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Au sein des élevages étudiés (trois structures vétérinaires, 14 élevages de toutes tailles, conventionnel et bio), elle décrit « un intervalle vêlage-vêlage plus court, un âge au premier vêlage diminué ainsi qu’une baisse du taux de renouvellement car les vaches sont en meilleure santé. Les frais vétérinaires ne baissent pas mais le produit lait, lui augmente. Au bout de trois ans de contrat, la marge brute est supérieure à celle de la première année ».
Mais elle prévient, la rentabilité économique sera différente selon la situation de départ : un élevage dont la situation sanitaire de départ est dégradée rentabilisera mieux et plus rapidement l’investissement forfaitaire des soins. « Il ne faut pas s’engager dans la contractualisation en pensant que l’on va payer moins de frais vétérinaires, reprend Julien Le Tual. Mais il faut la voir comme un investissement. »
Un dispositif encore peu répandu
Même si la contractualisation des soins vétérinaires existe depuis quelques décennies, le modèle n’est pas encore courant dans la profession. « Les vétérinaires et les éleveurs ne savent pas forcément quoi mettre dans le contrat, relaie Matthieu Mourou. C’est encore flou, mais nous pouvons imaginer d’intégrer le suivi de l’alimentation, des veaux ou de la qualité du lait. La tarification peut se faire aux mille litres, au vêlage ou à la vache. Nous pouvons parler de contractualisation individuelle entre un vétérinaire et un éleveur, ou de conventionnement entre une clinique et un groupement d’éleveurs. Tout reste encore à définir. »
Modélisation de bilan économique réalisé à la suite de la mise en place d’un contrat vétérinaire forfaitaire
La modélisation, réalisée par Nathalie Bareille de l’école vétérinaire de Nantes, vise à simuler la marge brute de l'atelier laitier : toutes les charges opérationnelles et tous les produits de l'atelier sont pris en compte, suite à la mise en place d’un contrat forfaitaire entre le vétérinaire et l’éleveur. Le résultat qui est indiqué est l’écart entre les deux situations (avec et sans contrat).
Début du contrat forfaitaire de soins et de suivi | Situation sanitaire dégradée | Situation sanitaire moyenne | Situation sanitaire bien maîtrisée |
Description | 70 VL | 70 VL | 70 VL |
Livraison | 8 250 l/VL | 8 500 l/VL | 8 600 l/VL |
TB | 39.4 g/l | ||
TP | 30,8 g/l | ||
IVV | 401 j | 394 j | 390 j |
Mortalité des veaux | 9 % | ||
Mortalité des vaches | 3,8 % | 3,3 % | 3 % |
Nombre de traitements | 205/an | 141/an | 119/an |
Mammites | 57 cas cliniques/an | 25 cas cliniques/an | 15 cas cliniques/an |
Cétoses | 19 cas cliniques/an | 9 cas cliniques/an | 5 cas cliniques/an |
Boiteries | 20 cas cliniques/an | ||
Temps de retour sur investissement | 1 an | 3 ans | 4 ans |
Marge brute supplémentaire à la 5e année | 11 900 €/an | 3 500 €/an | 500 €/an |
Source : ENV Nantes