Quels sont actuellement les chantiers prioritaires de la coopération laitière ?
Pascal Le Brun - « Il y a trois sujets. Tout d’abord l’attractivité et le
renouvellement des générations, que cela soit au sein de nos exploitations comme dans nos usines. 15 % des emplois ne sont pas pourvus dans les secteurs de la collecte et de la transformation. Il y a également l’accompagnement aux
transitions, notamment dans le cadre des objectifs du plan de filière. Et enfin la
compétitivité. »
Comment rendre la filière laitière plus compétitive ?
P. L.B. - « Des restructurations sont nécessaires. Les coopératives doivent également investir pour se moderniser, diminuer leurs consommations d’énergie, d’eau mais aussi dans la robotisation pour faire face au manque de main-d’œuvre. »
La compétitivité de certaines coopératives est remise en cause. C’est notamment le cas de la plus importante, Sodiaal. Comment l’expliquez-vous ?
P. L.B. - « Il faut bien comprendre qu’une coopérative n’est pas une entreprise privée. Nous nous engageons à collecter tous nos adhérents où qu’ils soient, y compris dans des territoires à faible densité laitière où des laiteries privées se sont retirées. Intrinsèquement, les coûts sont plus importants. De plus, les coopératives et notamment Sodiaal, sont plus tournées vers les marques de distributeurs qui ne sont pas intégrées dans la loi Egalim et où les conditions de revalorisation sont plus difficiles encore. Il y a vingt ans, beaucoup de monde pensait pourtant que cela était la bonne stratégie plutôt que d’investir dans des marques. Le prix du lait est la résultante de l’histoire, du mix produits et des investissements indispensables en cours. Une coopérative ne peut pas donner ce qu’elle n’a pas. »
Comment expliquer le manque de valorisation du lait face à nos voisins européens ?
P. L.B. - « Plusieurs facteurs expliquent la situation. Tout d’abord, la stratégie de montée en gamme française (sans pâturage, non-OGM, bio…) a engendré des surcoûts de collecte et de transformation en nécessitant des camions et des lignes dédiées. À l’inverse, nos concurrents européens ont eu une stratégie de massification d’une production standardisée basique. Si les consommateurs sont prêts à payer, cela n’est pas un problème mais aujourd’hui avec l’inflation, les consommateurs sont moins demandeurs. Puis il y a bien entendu, la guerre des prix de la grande distribution. Il nous faut passer au minimum 15 % de hausses lors de ce round des négociations commerciales. Pour l’instant, nous n’avons obtenu que la moitié de ce que nous demandions. Nous sommes pris à la gorge. »
Les enseignes jouent-elles le jeu de la loi Egalim en acceptant la hausse du coût des matières premières agricoles (MPA) ?
P. L.B. - « Oui, la grande distribution prend en compte la MPA mais pas les MPI (matière première industrielle). Or les emballages ont augmenté de 25 % depuis le début de l’année, l’énergie de 50 %, la main-d’œuvre de 3 %. Notre premier enjeu en tant que coopérative est de valoriser le lait de nos adhérents. Mais sans hausse significative de la part des distributeurs, nous ne pouvons le revaloriser à un niveau suffisant au regard des charges qui explosent dans les élevages. Nous devons assurer la pérennité des coopératives qui sont nos outils de transformation. Dans le contexte actuel, nous faisons tout le nécessaire pour maintenir les comptes à l’équilibre. »