Optimisation de la vie productive : « Notre taux d’élevage des génisses est descendu à 23 % »
En Ille-et-Vilaine, Laurence et Laurent Langouët délèguent depuis six ans l’élevage des génisses. Ils ont réduit progressivement de 40 % le nombre de génisses mises en élevage.
En Ille-et-Vilaine, Laurence et Laurent Langouët délèguent depuis six ans l’élevage des génisses. Ils ont réduit progressivement de 40 % le nombre de génisses mises en élevage.
Installés en Gaec en Bretagne, Laurence et Laurent Langouët ont complètement revu depuis six ans leur stratégie de renouvellement. Le déclic ? La délégation de l’élevage des génisses suite à la sortie d’un associé en 2015. Après son départ, la décision de se spécialiser a été prise rapidement, car le Gaec avait perdu le site des génisses. « Le site du siège de l’exploitation était conçu pour gérer 90 vaches, il nous suffisait de réaménager une nurserie pour élever les veaux jusqu’à 3 semaines, 1 mois. Cela nous évitait d’investir dans un bâtiment pour les génisses », argumentent les éleveurs.
La première année, en 2016, les éleveurs ont délégué l’élevage de 32 génisses, tout en continuant à en élever 5 eux-mêmes car ils disposaient d’une case libre en bâtiment. « Au départ, nous avons mis en délégation toutes les génisses qui naissaient sans trop nous poser de question, reconnaissent-ils. Mais quand, au bout d’un an, le comptable nous a sorti le montant déboursé pour les génisses, cela nous a fait réfléchir ! »
Un coût de la génisse de 1 570 € à 22 mois
Les génisses sont vendues aux alentours de 1 mois pour ensuite être rachetées à l’éleveur auquel est délegué l’élevage à 22 mois, soit deux mois avant vêlage. Le coût net de charges s’élève à 1 570 € (transport inclus). « On ne se rend pas compte du coût quand on les élève nous-mêmes. Cet argent aurait été dépensé en alimentation, bâtiment, travail, etc. La différence, c’est qu’on ne le voit pas. Avec la délégation, nous avons dû verser des acomptes. Nous avions beaucoup de trésorerie à l’extérieur, et nous n'en avons récolté les bénéfices que deux ans plus tard. »
Cette prise de conscience du coût a amené Laurence et Laurent Langouet à réduire progressivement le nombre de génisses mises en délégation chaque année.
En 2022, seules 20 génisses ont été mises en délégation pour le même effectif de 87 vaches. Le taux d’élevage des génisses (nombre de génisses/nombre de vaches adultes) est descendu à 23 %. Laurent estime avoir atteint cette année la limite. « Nous n’allons pas descendre en dessous pour garder une petite marge de sécurité. Nous ne sommes pas à l’abri d’un problème sanitaire. »
Les éleveurs limitent désormais les réformes à celles qui sont strictement « obligatoires ». Le taux de réforme sur les deux dernières années avoisine 20 %. « On ne met plus de vaches dehors parce que derrière il y a du renouvellement qui pousse à les vendre », souligne Laurence. L’objectif du Gaec est d’avoir des vaches qui se portent bien et produisent mais sans chercher à en tirer le maximum. « Nous ne faisons pas partir une première lactation parce qu’elle n’est pas très laitière, renchérit Laurent. Et il nous arrive d’allonger la lactation d’une vache avant de l’envoyer à la réforme, tant qu’elle donne suffisamment de lait. Nous venons de faire partir une vache qui produisait encore 23 litres de lait à 600 jours de lactation. »
Quatre lactations en moyenne à la réforme
Ce changement de stratégie commence à avoir un impact sur la longévité des vaches. En 2021-2022, le nombre moyen de lactations à la réforme est monté à 4. Il n’était que de 2,6 en 2020-2021 et de 2,8 en 2019-2020. La moyenne du groupe Eilyps dont fait partie le Gaec Plaisir des champs (500 élevages à 8 000-9 000 kg/VL) se situe à 3. Quant au lait par jour de vie productive, il est grimpé à 15,3 kg contre 10,5 kg l’année précédente avec des premiers vêlages à 24,4 mois et une production de 8 600 kg/VL. Le groupe se situe en moyenne à 11,6 kg par jour de vie avec des premiers vêlages à 27 mois.
Le troupeau compte donc aujourd’hui davantage de vieilles vaches. Un peu plus de la moitié (56 %) sont en troisième lactation et plus (22 vaches en 3e lactation, 10 en 4e lactation, 15 en 5e lactation et 2 en 6e lactation). « Avec plus de vieilles vaches, nous avons plus de lait par vache et plus de taux. Elles mangent aussi un peu plus, constate Laurent. Surtout, elles demandent plus de surveillance au moment du vêlage. Il faut être particulièrement vigilant sur les fièvres de lait et sur la préparation au vêlage. »
« Il faut avoir des vaches en bonne santé »
Descendre le taux de renouvellement implique aussi d'avoir des vaches en bonne santé. Prévention et rigueur sont de mise sur cet élevage très bas en cellules (95 % des vaches à moins de 300 000 cellules) et avec très peu de mammites.
Les principales causes de réforme sont la repro et les boiteries. « Nos vaches ont eu des problèmes de fertilité liés à la présence de mycotoxines dans l’ensilage pendant plusieurs années, mais tout est rentré dans l’ordre. Le taux de réussite en première IA est revenu dans la moyenne du groupe », précise Laurent. Quant aux problèmes de pattes, il s’agit de limaces et dermatite digitée. « Nous arrivons à garder la dermatite sous contrôle avec un lavage des pieds et un traitement désinfectant tous les quinze jours pendant quatre traites. »
Les éleveurs sont satisfaits de leur choix. « Avoir un seul atelier à gérer nous a permis de nous concentrer sur les vaches, concluent-ils. Mais aussi d’avoir moins de travail et plus de temps pour regarder les chiffres, les analyser et nous rendre compte que nous avons tout intérêt à élever moins de génisses. »
Un accouplement ciblé
La moitié du troupeau est inséminée pour le renouvellement : toutes les génisses et les premières lactations. « Désormais, s’il y a un excédent de génisses, elles seront vendues à 15 jours ou 3 semaines à d’autres éleveurs. Quand nous mettons en face le coût de production d’une génisse, nous voyons que ce n’est pas rentable de vendre des amouillantes », souligne Laurence Langouet.
L’autre moitié de l’effectif est inséminée en croisement viande avec de l’Inra 95 choisi pour sa facilité de vêlage. Les vêlages sont étalés sur l’année et le Gaec pratique un tarissement sur 45-50 jours.