« Nous ne savons pas vendre une vache maigre »
À la SCEA du Pavillon, dans la Loire, les éleveurs ne conçoivent pas la conduite du troupeau laitier sans optimiser la valorisation de tous les animaux : finition des réformes, veaux croisés, vente de génisses et vaches en lait.
À la SCEA du Pavillon, dans la Loire, les éleveurs ne conçoivent pas la conduite du troupeau laitier sans optimiser la valorisation de tous les animaux : finition des réformes, veaux croisés, vente de génisses et vaches en lait.
Nous ne savons pas vendre une vache de réforme maigre », affirme Christine Savy. « L’engraissement des vaches, c’est une culture chez eux », confirme Michel Deraedt, ingénieur conseil BTPL en Rhône-Alpes. Avec Pierre Séon, son compagnon, et Mickael Yvorel, salarié à mi-temps, Christine Savy produit près de 500 000 litres de lait avec un cheptel de 67 Prim’Holstein, dans la plaine du Forez. Les éleveurs font preuve d’une grande adaptabilité pour valoriser au mieux les animaux et tous participent à la construction du produit viande. En 2017, ils ont engraissé 22 vaches de réforme. Un petit tiers d’entre elles n’ont pas été taries. Ayant réalisé une lactation longue, elles étaient suffisamment en état pour partir directement à l’abattoir, situé à... cinq kilomètres. « Le négociant vient les voir et nous dit si elles sont prêtes ou pas, explique l’éleveuse. La proximité de l’abattoir est un plus en matière de bien-être animal. » Une partie est engraissée à l’auge d’octobre à décembre, mais la majorité sont finies à la pâture. « De janvier à mars, nous n’avons pas assez de place pour engraisser », précise l’éleveuse.
Finition soit avec la ration des laitières soit à la pâture
À l’automne, les vaches sont finies dans un parc attenant à la stabulation. Elles sont alimentées avec la même ration complète que les vaches en production - équilibrée pour 27 kilos de lait (ensilage de maïs et d’herbe) - et reçoivent un complément de concentré (2/3 céréale, 1/3 tourteau de colza), qui démarre à 2 kg par jour pour monter jusqu’à 3,5 kg en fin d’engraissement. « Quand nous avons 60 vaches à la traite, nous distribuons 65 rations. Les vaches de réforme ont accès au cornadis pendant deux à trois heures le matin et autant le soir et on leur rajoute le concentré en supplément », détaille Christine Savy. Une balle d’enrubanné est également à disposition dans un râtelier. Elles sont engraissées en moyenne pendant deux mois. En cas de mauvais temps, une partie de la fumière est paillée pour les loger à l’abri.
Les vaches engraissées à la pâture sont complémentées avec la même quantité de concentré que le supplément distribué à l’auge. Quand la qualité de l’herbe baisse, un râtelier d’enrubanné ou de foin est installé dans le parc. La durée d’engraissement, sans tenir compte des 15 jours de tarissement, est identique. Les éleveurs essaient d’en sortir un lot un peu plus important en juillet quand les prix de vente sont au plus haut. En 2017, les 22 vaches de réforme pesaient en moyenne 344 kg carcasse et ont été vendues au prix de 928 euros (2,7 €/kg).
Sexage, croisement et vente de vaches et génisses
Avec l’arrivée des semences sexées, réservées à une vingtaine de génisses, les éleveurs ont maintenu le taux de croisement à 15 %. De ce fait, ils ont davantage de génisses (27 à 30 par an) et les élèvent toutes. « En restant sur un vêlage à 24-30 mois, le parcellaire et le bâtiment nous le permettent », précise l’éleveuse. Les vaches sans intérêt génétique sont inséminées avec des taureaux viande (Charolais à musculature précoce le plus souvent). Des retours sont également fait en croisement. L’objectif est d’obtenir une quinzaine de veaux croisés. « Je demande à l’inséminateur de mettre des taureaux avec de la facilité de naissance, pour ne pas abîmer les vaches, mais qui donnent de la conformation à 4-5 semaines. Je ne veux pas d’échalas », dit-elle. Les purs sont élevés pendant 2-3 semaines et les croisés pendant 4-5 semaines. En 2017, la SCEA a vendu 23 veaux, dont 11 croisés, à un prix moyen de 180 euros (de 85 à 150 € pour les purs, de 160 à 480 € pour les croisés). Dans le réseau Ecolait Prim’Holstein du BTPL, le prix moyen est de 113 euros.
Selon les opportunités de marché et les besoins de production, l’élevage propose à la vente soit des génisses gestantes de 6,5 mois (3 en 2017 à 1 150 €) soit des vaches en lactation (6 à 1 180 €). Michel Deraedt évalue le coût de production d’une génisse, jusqu’au vêlage, à 1 330 euros, y compris le manque à gagner du veau (300 €). Même en enlevant 200 euros pour les trois derniers mois d’élevage, la vente de génisses est à peine rentable. « Si elles étaient vendues tous les ans à ce prix, il ne faudrait pas en faire une activité régulière, analyse-t-il. Mais, quand on décide de les garder, on ne sait pas combien elles seront rémunérées deux ans après. » D’où le choix des éleveurs d’avoir un peu de croisement pour « ne pas mettre tous les œufs dans le même panier ».
61 €/1 000 l de produit viande
En 2017, le produit viande de l’atelier lait représentait 15 % du produit brut, soit 61 €/1 000 litres. Dans le réseau national Ecolait du BTPL, les élevages Prim’Holstein dégageaient en moyenne 38 €/1 000 litres. « La recherche du produit viande permet une rentabilité plutôt meilleure que la moyenne du groupe Ecolait conventionnel Sud-est avec un volume de lait produit par UMO un peu inférieur à la moyenne », précise le conseiller.
« Une adaptation à la marge »
« Les conseils pour améliorer le produit viande sont difficiles à généraliser. Les choix reposent sur une adaptation à la marge selon la race du troupeau, la ressource fourragère, la main-d’œuvre, les bâtiments, la concurrence avec les autres productions, la conjoncture du lait, de la viande et des cultures de vente, la présence ou pas de surfaces ingrates, les besoins en renouvellement du troupeau... Dans certaines zones, il ne faut pas négliger l’impact de l’augmentation du chargement sur l’ICHN. Les goûts des éleveurs comptent aussi ! Chacun doit étudier son intérêt à produire des veaux croisés, des veaux gras, des réformes engraissées, des génisses prêtes à vêler, des bœufs… Finalement, le seul conseil généralisable, c’est de réduire au maximum la mortalité des vaches et des veaux. »