« On n’a pas le droit à l’erreur durant la phase 0 à 2 mois »
Nutritionniste aux États-Unis, Franck Gaudin a fait part de ses préconisations sur l’élevage des veaux lors d’une conférence organisée par Lely. Des préconisations pour certaines décoiffantes.
Nutritionniste aux États-Unis, Franck Gaudin a fait part de ses préconisations sur l’élevage des veaux lors d’une conférence organisée par Lely. Des préconisations pour certaines décoiffantes.
Franck Gaudin anime une équipe de 25 techniciens pour le compte d’une société spécialisée dans l’alimentation du bétail. Cette dernière gère notamment l’alimentation de 35 000 vaches laitières et des ateliers d’engraissement de taurillons. Imprégnées par le modèle américain de type grands troupeaux et vaches hautes productrices, les pistes de progrès proposées par Franck Gaudin ne sont pas forcément applicables à la lettre, voire même interpellent. Elles poussent cependant plus loin le curseur du possible, à condition de rogner sur ses conditions de travail.
"Des veaux sevrés à 100 kg à l’âge de 60 jours sont généralement en meilleure santé. Ils donnent des génisses plus fertiles. Et quand elles vêlent, leur potentiel laitier est plus important, explique Franck Gaudin. Le développement mammaire est en effet corrélé avec le poids au sevrage. La mamelle est trois fois plus développée quand le veau est sevré à 90-100 kg plutôt qu’à 70 kg. Parmi les élevages que je suis, les meilleurs arrivent à sevrer en moyenne à 110-115 kg à 60 jours. Le potentiel laitier de leurs génisses est supérieur de trois litres à celui des veaux sevrés autour de 75 kg. Trois litres de lait produits en plus avec un tiers de premières lactations, cela fait un litre de lait produit en plus par jour sur l’ensemble du troupeau sans modifier la ration. Nous avons pesé 1400 femelles à la naissance dans un élevage. Elles pesaient en moyenne 38 kg. On conseille généralement qu’il faut doubler leur poids au sevrage. Mais, dans ce cas on loupe l’objectif".
"Pour atteindre 100 kg à 60 jours, il n’y a pas le droit à l’erreur. La seule question à poser à un éleveur quand vous arrivez dans un élevage pour connaître son niveau de performance est : « à huit jours, vos veaux consomment combien de lait ? ». L’idéal, c’est de distribuer au moins 2 x 4 litres de lait à partir du huitième jour. La deuxième question « c’est pourquoi vous ne donnez pas 2 x 4 l ? » En général, c’est par crainte d’avoir des diarrhées. Mais quand le lait est propre (pas trop de germes), cela ne pose pas de problème."
"Distribuer le lait trois fois par jour est plus efficace que deux pour la croissance des génisses. Mais cela représente une contrainte de travail supplémentaire. Chaque exploitation a ses objectifs et ses contraintes. Mais distribuer un repas par jour pour que les génisses consomment plus vite des granulés et fourrages est une grosse erreur. Quand on monte à 8 ou 9 litres de lait, les génisses mangent très peu de granulés durant les trois premières semaines de leur vie. Mais cela ne pénalise pas leur croissance. Un veau consomme l’équivalent d’environ 3 % de son poids vif. S’il pèse 100 kg, il consommera environ 3 kg de matière sèche et le veau de 70 kg seulement 2 kg de MS."
"Quand on monte à 8 ou 9 litres de lait, pour que le sevrage se passe bien, il faut le faire en 14 jours. En sept jours, le veau n’a pas le temps de s’adapter. Le plan d’allaitement idéal c’est trois litres distribués deux fois par jour dès la première semaine. Puis il faut passer directement à 2 x 4 litres à partir du huitième jour plutôt que de le faire progressivement. C’est de la perte de temps. Il faut rester comme cela jusqu’à 49 jours. Puis vous pouvez passer à 2 x 2 litres la septième semaine et à 2 litres en une seule fois la huitième."
"Avec 8 à 9 litres de lait à 14,5 % de MS (170 g de poudre de lait/l d’eau), on arrive à sevrer à 100 kg. Après, il y a d’autres facteurs limitant que la teneur en matière sèche tels que la composition en acides aminés, lactose et matière grasse de la poudre de lait. Aux États-Unis, nous utilisons du lait à 24 % de protéines et 18 % de MG avant dilution. Nous cherchons un ratio MP/MG de 1,3 à 1,4 pour optimiser le développement musculaire du veau. Avec un lait entier à 42 de TB et 34 de TP, il y a 31,4 % de matière grasse/kg de MS et 25 % de protéines/kg de MS. Le ratio protéine sur matière grasse est inversé (0,8). Un élevage qui donne 6 à 8 litres de lait entier par veau et par jour distribue assez de lait. J’ai vu des élevages qui distribuaient jusqu’à 12 litres de lait entier par veau et par jour. Les veaux consomment beaucoup trop de matière grasse. Ce n’est pas bon pour leur système digestif et immunitaire. Les diarrhées sont souvent liées à l’excès de matière grasse."
Quand on utilise un taxi lait avec du lait entier, nous mettons 70 % de lait entier et 30 % d’eau. On met 60 grammes de poudre à 30 % de MP et 5 % de MG pour ramener le mélange à 14,5 % de matière sèche. Comme cela on arrive à rééquilibrer le lait à 25,5 % de protéines et 19 % de MG."
La règle des « 5 Q » pour le colostrum
« Il faut distribuer du colostrum propre »
La norme pour un colostrum, ce n’est pas plus de 100 000 germes totaux/ml. Ils ne sont pas tous pathogènes. Mais avec quatre litres de distribués, cela fait un paquet de germes. Parfois, le colostrum en contient plus de 2 millions/ml et l’éleveur dit que ses veaux sont fragiles. Une enquête réalisée dans des élevages laitiers du Wisconsin a montré que 83 % des colostrums n’étaient pas bons sur ce critère. La première chose à faire est donc d’évaluer la qualité du colostrum avec un réfractomètre et faire en sorte qu’il soit propre. S’il ne l’est pas, il faut revoir tout le circuit du colostrum de la vache au veau. Quand il sort de la vache, il est propre. S’il contient ensuite beaucoup de germes, c’est qu’il a été contaminé par les trayons, ou lors de son stockage à température ambiante, ou réchauffé avec un réchauffe-lait contaminé…
Nettoyage des seaux avec un produit moussant
" En France, j’ai vu un système efficace pour nettoyer les seaux. L’éleveur utilisait un système à jet pour mettre un alcalin chloré en alternance avec un acide le soir. Le produit fait de la mousse qui reste sur la paroi des seaux. L’éleveur rinçait les seaux le lendemain matin avant de donner à boire à ses veaux. Il existe des systèmes efficaces pour nettoyer les seaux et les bidons. Par ailleurs, je ne suis pas favorable à la congélation du colostrum, parce que s’il n’est pas propre, il sera encore plus sale à la décongélation", rapporte Franck Gaudin.
Quand on évalue la qualité du colostrum avec un réfractomètre, il faut obtenir une valeur d’au moins 22 % (Brix). Cela correspond à 50 IGG/ml de colostrum. Avec une buvée de quatre litres, le veau reçoit 200 IGG/ml. Si le colostrum est distribué dans les deux heures, on est dans les clous. Le veau est protégé. Si vous êtes à 30 % (Brix), et que vous distribuez le colostrum 10 à 12 heures après, cela passe encore.
Après le colostrum, on a intérêt à passer le plus rapidement possible à la poudre de lait car elle est sans pathogènes."