Alimentation des bovins
L´Inra revoit ses recommandations d´apport en phosphore à la baisse
Alimentation des bovins
Le 5 décembre dernier, lors des journées 3R, l´Inra a présenté ses nouvelles recommandations d´apport en phosphore chez les ruminants, en baisse d´environ 15 %.
Les nouvelles normes Inra sur le phosphore présentées par François Meschy aux dernières journées Rencontre Recherche Ruminant étaient très attendues. De nouvelles données expérimentales sont venues étayer les nombreuses données bibliographiques(1); les moyens de calcul actuels très puissants ont permis d´exploiter toutes ces données, et ainsi d´évaluer plus précisément l´absorption réelle du phosphore par les ruminants, a-t-il expliqué en substance.
Cette meilleure évaluation de l´absorption réelle du phosphore a conduit à revoir à la baisse les marges de sécurité retenues par les chercheurs pour garantir la couverture des besoins d´entretien et de production des animaux. Et a abouti à une diminution de 15 % à 20 % des recommandations d´apport en phosphore alimentaire.
Pas de différences selon les sources de phosphates
Cette absorption réelle, exprimée au travers d´un coefficient (le CAR) varie suivant les aliments de 60 à 90 % (voir tableau). « Pour les phosphates des minéraux, aucune différence significative selon les sources (monocalcique, monobicalcique, monosodique, calcomagnésien.) n´a été mise en évidence chez les ruminants, a souligné François Meschy. Une seule valeur sécurisée, 65 %, a donc a été retenue.
Si la valeur des apports alimentaires est à la baisse, du côté des besoins des animaux, il y a peu de changements pour la vache laitière. Les besoins de production (0,9 g/litre de lait) et les besoins de gestation n´ont pas bougé, leurs besoins d´entretien très peu. Ces derniers ont davantage baissé pour les bovins en croissance.
Il faudra être vigilant
Pour les éleveurs, la révision des normes phosphore va se répercuter sur l´apport minéral complémentaire. « La baisse sera plus forte sur l´apport minéral complémentaire, de l´ordre de 30 % voire plus, a souligné François Meschy.
En pratique, les fabricants de minéraux ont deux stratégies principales. Soit diminuer le pourcentage de phosphore dans la formule (en gardant le même pourcentage pour les autres composants Ca, Mg.) et distribuer la même quantité de minéral par vache et par jour. Soit garder le même pourcentage de phosphore dans la formule et diminuer la quantité distribuée. Une solution à priori un peu plus risquée, d´après François Meschy.
» Les éleveurs devront être plus vigilants : plus on approche le besoin strict de l´animal et plus le « droit à l´erreur diminue », a-t-il insisté. D´où l´intérêt, par exemple, de faire analyser la teneur en phosphore du fourrage principal (cette teneur peut varier de façon importante d´un ensilage de maïs à l´autre).
Attention aussi, par exemple, aux rations peu fibreuses qui risquent d´altérer la production salivaire, et par conséquent l´apport de phosphore aux bactéries du rumen. Car chez la vache, le phosphore ne sert pas qu´à fabriquer du lait et des os, ou au bon fonctionnement du métabolisme. Il est aussi indispensable aux microbes du rumen, et on le trouve en quantité importante dans la salive.
Le risque, en cas d´apports trop faibles, est de fragiliser le squelette des animaux (ils puiseront dans leurs réserves osseuses). On ne connaît pas très bien les conséquences d´un déficit au niveau du recyclage salivaire du phosphore, minéral indispensable au bon fonctionnement des microbes du rumen.
Besoin d´entretien en phosphore ©g/j des bovins. |
Baisse des rejets de 20 à 25 %
Pour les éleveurs, l´intérêt immédiat de cette révision des normes est économique. Mais l´intérêt est aussi au niveau de l´environnement. « Notre objectif, en ajustant au plus juste les apports aux besoins des ruminants, est de réduire les rejets de phosphore dans les effluents d´élevage », a expliqué François Meschy. En France, 70 % des 300 000 tonnes de phosphore annuellement rejetées par les productions animales sont attribuables aux ruminants. Même si une part importante de ces rejets est recyclée par les fourrages de l´exploitation, l´impact est loin d´être négligeable. D´après l´Inra, en réduisant de 15 à 20% les apports alimentaires de phosphore aux ruminants, on devrait aboutir à une réduction des rejets dans les effluents d´élevage de l´ordre de 20 à 25 %.
(1) 106 publications chez les ovins, bovins et chèvres.
INRA 2002 |