Traite : « Le groupe robot permet de progresser et de créer des liens »
Dans le Finistère, Jean-Pierre Le Gall fait partie d’un groupe robot créé par la chambre d’agriculture. Un groupe d’échange de pratiques entre utilisateurs, toutes marques confondues, novices ou aguerris.
Dans le Finistère, Jean-Pierre Le Gall fait partie d’un groupe robot créé par la chambre d’agriculture. Un groupe d’échange de pratiques entre utilisateurs, toutes marques confondues, novices ou aguerris.
C’est un problème d’épaule qui a conduit Jean-Pierre et Marie-Cécile Le Gall à investir dans deux robots de traite Lely A3, en 2009. Il devenait trop difficile pour Marie-Cécile de traire les 110 vaches du troupeau. Le changement a été radical pour ce couple d’éleveurs d’une cinquantaine d’années, installés à Mellac dans le Sud du Finistère. « Nous étions en système extensif avec des Normandes qui produisaient 5 200 kilos de lait avec 320 kilos de concentré, et des vêlages groupés sur six semaines du 1er septembre au 15 octobre. Un système bien rodé, raconte Jean-Pierre Le Gall. Au début, nous avons cherché à traire le maximum de lait, comme le recommandent les constructeurs ; on réformait toutes les vaches inférieures à 15 litres. " Depuis, ces éleveurs ont changé leur fusil d’épaule et recherchent plutôt un compromis entre le lait produit et le coût. « Sur 1,131 million de litres en contrat avec Sodiaal (70 % A et 30 % B), l’élevage a livré sur le dernier exercice 847 000 litres, mais quasiment que du A grâce à l’optimisation du prévisionnel Asap », précise Jean-Pierre. L’arrivée des deux robots les avait amenés à supprimer le pâturage de nuit. Depuis deux saisons, les vaches pâturent à nouveau sur une trentaine d’hectares répartis en vingt-deux paddocks. Le groupe robot créé par la chambre d’agriculture du Finistère, en 2015, n’est pas étranger à ces évolutions. Jean-Pierre Le Gall fait partie des six éleveurs qui étaient présents lors de la première réunion ; aujourd’hui le groupe compte quinze adhérents qui se rencontrent quatre fois par an sur l’une des exploitations. « Il s’agit avant tout d un groupe d’échanges de pratiques entre éleveurs ", explique son animateur Jean-Yves Porhiel.
« Je fais beaucoup de surveillance sur la machine »
Parallèlement à la réflexion sur la conduite de l’élevage, ces échanges permettent de mieux utiliser les différentes fonctionnalités du robot. Chacun explique comment il assure le suivi quotidien du troupeau. Comme beaucoup dans le groupe, Jean-Pierre consulte régulièrement son smartphone en se connectant à son ordinateur avec l’appli Teamviewer. « Je commence par contrôler le nombre d’échecs de traite. Quatre ou cinq échecs sur 250 traites, c’est normal. S’il y en a quinze à vingt, c’est qu’il y a un problème », explique-t-il. Il repère les vaches classées en santé mamelle (avec la conductivité et la colorimétrie par quartier), les chaleurs (avec l’activité), les chutes de production, les vaches en retard de traite et les animaux à trier. « Je me sers beaucoup des pertes de poids. Sur le A3 (contrairement au A4), la pesée n’est pas une option ", souligne-t-il. Il suit le nombre de traites et la quantité de lait produite, l’écart entre le prévu et le réalisé.
Le groupe permet aussi de comparer en détail les interventions effectuées sur le robot. Sur cet élevage, grâce à la pompe à pression, la vitre du laser, les brosses, les gobelets sont lavés deux fois par jour (en arrêtant le robot), ainsi que le sol de la stalle et le bras de traite. « Je vérifie une fois par jour les cordelettes des manchons et je m’assure que les tuyaux à lait et à air ne sont pas fissurés pour éviter d’être dérangé la nuit, explique Jean-Pierre. Je fais beaucoup de surveillance ; je mets par exemple régulièrement de la graisse de silicone sur les électrovannes. » Depuis trois ans, il n’a plus de contrat de maintenance. Une économie substantielle : « je suis en moyenne à 3 500 euros d’entretien par an. Le dernier contrat proposé par le constructeur est à 1 000 euros par mois pour les deux robots, mais sans l’informatique, sans le compresseur et sans les émetteurs sans lesquels les vaches ne sont plus reconnues dans les robots ", détaille-t-il en reconnaissant que son frère électricien lui apporte une aide précieuse, au niveau de la gestion de l’informatique entre autres.
Paramétrer soi-même l’aliment, les traites, la temporisation…
Le groupe aide par ailleurs à prendre en main le paramétrage. Celui de l’aliment par exemple, un poste clé. « Tous les adhérents se sont affranchis de celui de leur constructeur », souligne Jean-Yves Porhiel. Jean-Pierre règle aussi lui-même l’acceptation des vaches, le lait minimum que le robot doit trouver, le nombre de traites minimum et maximum. Il règle la temporisation du tank à lait « le plus tard possible, quitte à ce que les germes montent un peu car le laitier passe la nuit ». « La première année, j’ai eu beaucoup de lipolyse (4 800 euros de pénalités) parce qu’on trayait trop les vaches (2,6 à 2,8 traites). Les robots étaient paramétrés à 7 litres par traite, c’est trop peu, raconte-t-il. Je suis content quand la moyenne est entre 10 et 11 litres par traite. Quand elle est à 9 litres, je suis sûr que la lipolyse va monter. »
« Il faut veiller à faire une sauvegarde sur le cloud, comme dropbox par exemple », souligne Jean-Yves Porhiel, en ajoutant : « le problème, c’est qu’au moment des mises à jour du logiciel par le constructeur, la nouvelle version supprime tous les paramétrages ». Jean-Pierre a contourné le problème… en se déconnectant du Lely Center, avec l’aide de son frère. Mais se priver des mises à jour n’est pas une solution satisfaisante.
« L’œil des autres éleveurs permet aussi de rectifier le tir, constate Jean-Yves Porhiel. Comme par exemple cette remarque faite par un membre du groupe à un autre éleveur devant son robot : « ton bras de traite va vite ". Cet éleveur avait beaucoup d’échecs de traite, la remarque l’a amené à modifier son paramétrage. »
Le groupe crée des liens. « Avec un autre éleveur équipé du même robot, on s’appelle et on se refile des tuyaux. Par exemple, j'achète les manchons à 39 euros aux Pays-Bas au lieu de 89 euros. On peut s’aider en cas de panne, conclut Jean-Pierre Le Gall. Avec le groupe, on progresse. »
Le fonctionnement du groupe
• Quatre réunions par an : le matin, l’éleveur reçoit le groupe autour du robot et de l’ordinateur. Il décrit sa pratique, ce qu’il fait au quotidien, toutes les semaines ou les mois dessus, les données valorisées, les saisies, les alertes, les pannes… Il explique l’organisation de sa journée autour du robot, le circuit des animaux, le fonctionnement des portes de tri… L’après-midi est consacré à l’étude d’un thème technique choisi par le groupe : gestion du pâturage, boiteries… Mais d’abord, il y a un retour sur la réunion précédente : ce que chacun a ou pas mis en œuvre, les difficultés rencontrées... Le thème technique du jour est traité sous la forme d’un tour de table qui dure deux à trois heures. Chacun détaille sa pratique, les produits utilisés, les problèmes survenus, les résultats obtenus… Les idées principales sont rédigées par l’animateur au fur et à mesure dans un compte-rendu rédigé. Il peut apporter un complément d’informations. Un plan d’actions est discuté, l’objectif est que chacun reparte chez lui avec une idée nouvelle, une pratique à mettre en œuvre.
• Les comptes-rendus de chaque réunion sont archivés sur un espace collaboratif en ligne (Google drive). Tous les membres du groupe peuvent consulter l’ensemble des documents sur leur smartphone. L’utilisation pratique du robot, les différentes fonctionnalités utilisées par chaque éleveur sont également archivées dans un tableau. Une page Facebook a par ailleurs été créée pour le groupe ; tous n’y vont pas, mais elle est très pratique en cas de panne.
• Une fois par an, les éleveurs comparent leurs résultats technico-économiques. Lors du premier exercice analysé, le coût alimentaire des vaches allait de 55 à 119 €/1 000 l (moyenne à 87 €), ceux ayant les coûts les plus bas n’utilisaient pas le programme de complémentation proposé par le robot. À la réunion suivante, un exercice pratique en se connectant à deux robots a permis de voir concrètement comment programmer les quantités de concentrés. Autre exemple : les coûts de maintenance allaient de 9 à 29 €, ce qui a suscité des échanges sur les contrats de maintenance, les types de pannes…