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«L’autonomie passe d’abord par l’agronomie»

Chez Anton Sidler dans l’Orne, les 85 Prim’Holstein produisent près de 11000 kg de lait avec 1,5 kg de tourteau de colza par vache et par jour. Sur cet élevage, la fertilité des sols est la clé du système.

ANTON SIDLER. « Notre réflexion sur l’autonomie alimentaire rompt fondamentalement
avec les stratégies classiques. Il n’y a rien de compliqué, c’est avant tout du bon sens. »
ANTON SIDLER. « Notre réflexion sur l’autonomie alimentaire rompt fondamentalement
avec les stratégies classiques. Il n’y a rien de compliqué, c’est avant tout du bon sens. »
© E. Bignon

«Chaque jour, mon objectif est de nourrir mes 85 vaches laitières mais aussi les 3,5 tonnes de vers de terre par hectare présents dans le sol », expose, volontairement provocateur, Anton Sidler, installé sur une exploitation de polyculture- élevage avec son épouse à La Chapelle d’Andaine dans l’Orne.

« Si le sol n’est pas nourri, c’est l’impasse assurée. Inutile d’espérer atteindre une vraie autonomie si on ne remet pas l’agronomie et la vie biologique du sol au coeur du système d’exploitation. » Une philosophie qui trouve ses fondements dans l’agriculture de conservation.

Pour l’éleveur, adhérant du réseau Base(1) et de l’Association pour une agriculture durable (Apad), l’autonomie alimentaire s’appréhende de manière transversale et se construit autour d’un projet global d’exploitation. « Je ne raisonne pas en mettant les vaches d’un côté, et les cultures de l’autre. L’un ne marche pas sans l’autre. »

Les 85 Prim’Holstein d'Anton produisent près de 10 000 kg de lait standard avec très peu de concentrés : 1,5 kg de tourteau de colza par vache et par jour en moyenne les bonnes années (et 2,5 kg si les fourrages sont moins bons). « Une bonne ration de base, c’est ça qui compte", martèle-t-il. Cela signifie de récolter des fourrages diversifiés, dotés d’excellentes valeurs UFL et MAT, tout en visant des rendements élevés à l’hectare. Pour y parvenir, il faut revenir aux fondamentaux et commencer par s’intéresser à la base, c’est-à-dire au fonctionnement du sol.

Comment rendre le sol plus fertile ? C’est la vraie question! « Pour obtenir un sol riche et vivant, il faut adopter des pratiques culturales qui limitent la perturbation de la vie biologique de la biomasse qui le constitue. J’ai opté pour le semis direct sous couvert végétal depuis une quinzaine d’années. »

Protéger et nourrir le sol pour améliorer sa fertilité

Le sol n’est jamais nu. Un nouveau semis intervient dans les jours qui suivent toute récolte. Il n’y a quasiment plus de travail du sol. L’exploitant intervient seulement sur la profondeur du lit de semence (1 cm pour l’herbe et 4 cm pour un maïs) avec un semoir à dents ou à disques qui ouvre simplement un sillon où poser la graine. « Je fais en sorte que le couvert qui précède le semis soit le plus développé possible, avec un maximum d’espèces et de légumineuses. Les couverts protègent la structure du sol et leurs résidus nourrissent les nombreux organismes qui y vivent. On oublie trop souvent que les vers de terre sont de précieux alliés agronomiques qui contribuent à améliorer la porosité naturelle des sols, la teneur en humus, la portance, etc. »


La rotation est la clé de voûte du système végétal

Pratiquer des rotations diversifiées contribue aussi à nourrir la faune du sol. « Sitôt le blé récolté, je sème un petit méteil d’interculture que je récolte mi-octobre. Je sème derrière un autre méteil à base de céréales et de protéagineux (pois, féverole, vesce), qui sera quant à lui récolté fin mai. Juste derrière, le maïs est semé. Sa récolte intervient fin octobre sous forme de maïs épi, avant de resemer un blé, détaille Anton Sidler. En l’espace de deux ans, je restitue au sol trois fois plus de matière organique qu’une alternance blé/ray-grass italien/maïs. »

D’un côté, les résidus de culture nourrissent le sol. Et de l’autre, l’éleveur récolte une vingtaine de tonnes de matière sèche par hectare chaque année. Le méteil semé à l’automne fournit 9 tMS/ha et le maïs semé fin mai et récolté fin octobre 11 tMS/ha (avec des variétés très précoces d’indices 160-200). « C’est le principe de la double culture. Je considère le méteil comme la principale culture, tandis que le maïs, qui reste en terre quatre mois, joue le rôle d’interculture », explique Anton Sidler.

« Le fait d’alterner semis d’automne et de printemps avec des espèces appartenant à des familles différentes (graminées, protéagineux et légumineuses, en pur ou en mélange) est aussi essentiel. » Associée aux rotations longues, ces pratiques limitent la pression des adventices et des parasites dans les cultures et permettent de limiter le recours aux pesticides. Cette variété d’espèces végétales participe aussi à un meilleur équilibre biologique des sols et permet de capitaliser l’apport d’azote des légumineuses pour les cultures suivantes.

Maximiser l’ingestion de fourrages riches en UFL et MAT

Et les vaches dans tout ça ? « Il ne faut pas oublier qu’elles sont avant tout des ruminants nécessitant une alimentation grossière. Elles reçoivent un régime diversifié, fibreux, et avec un maximum de MAT et d’UFL. » La ration de base se compose d’un tiers de méteil, un tiers de foin ou d’ensilage d’herbe et un tiers de maïs épi. Côté concentrés, les quantités se limitent à 1,5 kg de tourteau de colza par vache et par jour. Cette ration, à 45-50 % MS, est distribuée par une mélangeuse automotrice en Cuma. Et, de mars à novembre, le pâturage représente entre 15 et 35 % de la ration et se substitue à une partie du méteil et de l’ensilage d’herbe (mélange moitié luzerne moitié graminées).

« Bien que la moitié du troupeau se compose de primipares, l’ingestion moyenne s’élève entre 24 et 25 kgMS par jour. Et le lait est au rendez-vous derrière. C’est la clé de la rentabilité. » Les vaches sont en état et sans problèmes métaboliques. Le maïs représente un quart de la surface fourragère ; la totalité est récoltée en maïs épi. Le reste de la SFP se répartit en 25 hectares de prairies permanentes, 30 hectares de prairies temporaires (luzerne, mélanges de trèfles/graminées), et 12 hectares de méteil. « Le méteil est riche en fibres digestibles. Je vise 35 à 45 % de matière sèche à la récolte ainsi qu’une teneur en MAT de 16-16,5 %, comme pour l’ensilage d’herbe et le foin. »

L’éleveur réalise des fauches précoces et recourt systématiquement à un conservateur biologique à base de bactéries lactiques. « Nous n’avons quasiment pas de pertes et la digestibilité des fourrages se voit améliorée. Nous sommes très vigilants quant à la confection des silos. Nous prenons le temps de bien tasser. Il y a toujours deux tracteurs sur le tas », conclut Anton Sidler.

Des vaches qui valorisent bien les fourrages

« Je veux des vaches capables de bien valoriser la ration de base, avec une bonne capacité d’ingestion, indique Anton Sidler. Ce sont plutôt des vaches avec du gabarit, des épaules larges et une cage thoracique bien développée. Je considère mes hautes productrices un peu comme des sportives de haut niveau. Pour produire du lait, il n’y a pas que la mamelle à considérer. Il faut que l’animal digère bien ses fourrages, que son métabolisme fonctionne bien avec une bonne capacité respiratoire. »

(1) Biodiversité, Agriculture, Sol et Environnement

Le maïs épi est un concentré d’énergie

L’éleveur récolte 25 hectares de maïs épi chaque année. La récolte se réalise environ une semaine à dix jours après les ensilages classiques avec une ensileuse spécialement équipée d’un bec cueilleur et d’une grille adaptée pour un broyage total de l’épi.

La récolte se fait à 35 à 36 % de matière sèche, plante entière. « Seule la poupée avec les spathes, les rafles et le grain est récoltée, précise l’éleveur. D’où un produit récolté autour de 55 %MS. Les cannes sont broyées et restituées au sol. »

Le maïs épi est riche en amidon. Par rapport au maïs ensilage, il est davantage concentré en énergie et atteint en général 1,1 UFL/kg MS. « Nous le stockons en silo couloir en veillant à un tassement efficace et un avancement du front d’attaque d’au moins 20 cm par jour. » Le recours au conservateur est systématique. « J’utilise la formule la plus simple à base de bactéries lactiques. L’essentiel est que le pH descende à 4 en 48 heures. »

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