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La conversion en bio de mon élevage laitier s’est-elle passée comme prévu ?

Une enquête menée auprès d'une trentaine d'élevages laitiers bio des Pays de la Loire fait ressortir plusieurs points de vigilance lors de la conversion.     

« Le plus difficile lors du passage en bio, c’est de baisser le chargement et d’acheter du correcteur azoté à 900€/t », explique Didier Désarménien, de Seenovia,  © E. Bignon
« Le plus difficile lors du passage en bio, c’est de baisser le chargement et d’acheter du correcteur azoté à 900€/t », explique Didier Désarménien, de Seenovia,
© E. Bignon

Les performances techniques des élevages passés en bio collent-elles aux prévisions ? Pour y répondre, l’entreprise de conseil en élevage Seenovia a mené pendant l’hiver 2020 une étude auprès de 31 éleveurs des Pays de la Loire. Ces éleveurs ont tous, pour leur projet de conversion en bio, été accompagnés entre 2015 et 2018 par un conseiller, et ils ont bénéficié d’un diagnostic complet de l’exploitation (Pass’Bio 1 et 2) avant d'engager leur conversion. Leurs performances techniques après conversion ont été collectées sur la campagne 2019-2020. « Il s’agissait pour les uns de leur première année complète en conduite biologique (surfaces et animaux), et pour les autres de leur deuxième année. Ces performances ont été comparées à celles qui étaient initialement prévues dans les projets, et à la situation initiale en conventionnel », précise Didier Désarménien, conseiller bio Seenovia. Globalement, les prévisions s’avèrent en moyenne proches de la réalité, ce qui confirme la pertinence des études pré-conversion. Mais l’enquête fait ressortir plusieurs points de vigilance.

Parfois plus de maïs que prévu

La part de maïs a bien été réduite au profit des surfaces d’herbe, mais le maïs reste très présent. Seulement 10 % des éleveurs l’ont arrêté complètement surtout pour des raisons techniques (potentiel faible ou difficulté à maîtriser sa conduite). Les assolements présentent plus de maïs que prévu lorsqu’il était programmé de réduire les surfaces de moitié trois ans après le début de la conversion. « Certains éleveurs ont du mal à le diminuer rapidement, et parfois en gardent dans des terres peu adaptées ou en bout de rotation », souligne-t-il. Ceux qui ont des rendements en maïs plus bas que prévu sont d’ailleurs ceux qui en ont gardé plus.

« La culture de maïs en bio est exigeante en temps de travail et en disponibilité pour des interventions appropriées en désherbage mécanique », met-il en garde. Conserver une surface en maïs importante peut nuire fortement au rendement par manque de temps. « En conventionnel, on peut traiter vingt hectares en une journée ; en bio, on intervient mécaniquement au maximum sur dix hectares en une journée, et il faut faire trois ou quatre passages. »

 

 

Du mal à baisser le chargement

Malgré une SFP un peu plus élevée que prévu, le chargement apparent trois ans après le début de la conversion est supérieur aux projections (+0,1 UGB/ha SFP, soit un besoin supplémentaire de 50 t de fourrages pour 100 ha de SFP). « Contrairement aux recommandations, le nombre de vaches laitières a parfois augmenté. Certains éleveurs ont du mal à baisser le chargement, surtout les premières années. Ils cherchent à maintenir la quantité de lait livré en augmentant l’effectif pour compenser la baisse de production par vache, même si la surface fourragère ne le permet pas a priori », constate Didier Désarménien. Ce qui entraîne un déséquilibre du système fourrager, d’autant plus visible les années défavorables à la production fourragère, comme 2019 avec un été très sec sur le Nord-Est de la Mayenne et la Sarthe. Un éleveur enquêté sur deux a dû acheter des fourrages en 2019, ce qui n'était pas prévu dans les études pré-conversion. « Acheter du fourrage en bio, c’est parfois compliqué : on a du mal à trouver du maïs bio, et quand on en trouve c’est à des prix exorbitants. La priorité doit rester l’alimentation du troupeau en fourrages. »

Un peu moins de lait par vache que prévu

Les élevages ont vendu sur la campagne 2019-2020 plus de lait que prévu (413 000 l au lieu de 405 000 l), grâce à l’augmentation du cheptel. Mais la production par vache est légèrement inférieure aux prévisions (5 900 l au lieu de 6 100 l) et les taux ont baissé plus que prévu. Cela peut s’expliquer par les conditions climatiques de 2019 qui ont impacté la qualité et la quantité des fourrages. Mais aussi et surtout « par une quantité de concentrés azotés achetée un peu inférieure aux projections (-116 kg/VL/an). Le prix élevé des concentrés azotés bio freine les achats, notamment au début quand le lait n'est pas complètement valorisé en bio ».

Certains font mieux que les prévisions

Certains élevages obtiennent des performances supérieures aux prévisions. « Bien souvent, ce sont des éleveurs qui ont les yeux rivés sur l’étude prévisionnelle ; elle leur sert de tableau de bord et ils se fixent comme objectif de faire mieux. Les vaches produisent plus car ils sont très précautionneux sur la qualité de l’herbe récoltée, ils achètent le concentré quand il faut et anticipent. »

Ne pas cumuler installation et conversion

À l’inverse, quelques élevages ont rencontré des imprévus qui ont fait dériver le système (soucis sanitaires importants, agrandissement ou perte de surface…). Certains ont mené de front une installation après un tiers et une conversion en bio, ce que déconseille Didier Désarménien : « les risques sanitaires sont plus élevés quand on rachète beaucoup d'animaux provenant de cheptels différents, et les rendements fourragers sont plus aléatoires quand on ne connaît pas les terres. Sans au moins une année de recul en conventionnel, on part dans l’inconnu ! »

 

Différents mélanges autoconsommés

Dans certains cas, des opportunités de reprise  de terres ont permis aux exploitations de s’agrandir. Mais en moyenne, la SAU est restée la même après la conversion (104 ha soit 60 ha/UTH). Les surfaces récoltées en grains sont réduites de 22 ha en conventionnel à 13 ha en bio. On observe une disparition des cultures de vente dans la majorité des assolements. Et les cultures pures ont été remplacées par des mélanges céréaliers autoconsommés. « Ces mélanges sont appréciés pour leur itinéraire technique simple et la possibilité de les récolter soit en ensilage soit en grains selon les années, souligne Didier Désarménien, de Seenovia. La plupart des éleveurs font des essais avec des espèces(1) et des densités de semis différentes pour trouver le mélange le mieux adapté. »

(1) Triticale, avoine, blé, orge, épeautre, pois , féverole, vesce.

Mise en garde

Lors de l’étude prévisionnelle, il est important de regarder l’impact économique si les vaches produisent 500 litres de plus ou 500 litres de moins que prévu (matrice de gain) pour mesurer la sensibilité de son projet aux performances techniques sur son troupeau.

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