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« J’ai enlevé le robot de traite pour pâturer plus »

Chez Romain Guégan, dans les Côtes-d’Armor, tout a été pensé pour le pâturage : du choix de la ferme où s’installer aux aménagements réalisés, en passant par l’arrêt du robot de traite… Après deux ans, les résultats technico-économiques sont au rendez-vous.

« La performance économique passe par la maîtrise des charges », tel est le fer de lance de Romain Guégan, installé depuis deux ans à Louargat, dans les Côtes-d’Armor. Sa compagne Emilie, partie prenante du projet depuis le début, va le rejoindre sur l’exploitation d’ici quelques mois. Cette installation hors cadre familial a été mûrement réfléchie. « Je voulais m’installer mais pas sur n’importe quelle structure, explique Romain, ancien conseiller fourrages à BCEL-Ouest. Notre priorité, c’était de trouver une exploitation avec un parcellaire accessible aux laitières pour pouvoir maximiser le pâturage. » Aujourd’hui, à la tête d’une exploitation de 80 Normandes à 6 500 litres et 85 hectares de SAU dont 47 hectares d’herbe, le jeune éleveur s’est donné les moyens de son ambition et semble sur la bonne voie pour atteindre ses objectifs : travailler en système économe en misant sur l’autonomie et limiter le travail par la simplicité du système en place. Pour cela, il n’a pas hésité à naviguer à contre-courant en démantelant le robot de traite que les cédants avaient installé seulement cinq ans auparavant !

L’exploitation est passée d’un système classique basé sur le maïs et l’herbe, limité à 15 ares de pâturage par vache, à un système pâturant à 40 ares par vache. Un changement de cap qui porte ses fruits. Entre le premier et le second exercice, le coût alimentaire s’est amélioré de 25 €/1 000 l et la marge brute a progressé de 50 €/1 000 l.

Lever les freins au développement du pâturage

 

 
Une salle de traite 2x8 a remplacé le robot de traite dès l'installation de Romain. © E. Bignon
Une salle de traite 2x8 a remplacé le robot de traite dès l'installation de Romain. © E. Bignon
Romain et Emilie ont visité cinq fermes avant de s’installer. « Ici, le parcellaire permettait vraiment de se lancer dans un système pâturant. Mais il y avait plusieurs freins à lever. D’abord le robot qui constituait un frein au pâturage, surtout avec 70 vaches. » Dès le début du projet, Romain avait décidé de le revendre et de racheter une salle de traite (2x8). Les travaux ont d’ailleurs commencé le jour de l’installation. Avec la pression financière, il fallait aller vite. Heureusement, les coûts de maçonnerie ont pu être réduits grâce à la réutilisation de l’ancienne fosse de traite (2x5). Ensuite, pour faciliter l’accès au pâturage, un boviduc a été construit sous la petite route communale bordant l’exploitation. « C’est du confort pour pouvoir travailler seul. »

 

Pour optimiser le parcellaire, les jeunes éleveurs ont également profité d’un échange de terres qu’a notamment orchestré la Safer entre trois fermes. « Nous avons ainsi pu rapatrier neuf hectares attenants. »

 

 
Le boviduc fait 12 mètres de long. © E. Bignon
Le boviduc fait 12 mètres de long. © E. Bignon
Restait ensuite à semer les prairies. La sole en céréales a été réduite de 10 hectares au profit de prairies à base de RGA-TB dès la première année. « Dans notre zone tardive et très arrosée correspondant au climat du centre Bretagne, cette association reste encore le meilleur compromis entre valeur fourragère et souplesse d’exploitation », considère Romain qui a implanté 25 hectares d’herbe depuis son installation.

 

Herbomètre, fil avant, topping et stocks sur pied

 

Lire aussi : "Pas de pâturage sans bons chemins"

Des chemins de 3 mètres de large ont été aménagés pour faciliter l’accès et éviter tout contact des pattes avec les cailloux, potentielle source de boiterie. © R. Guégan
Des chemins de 3 mètres de large ont été aménagés pour faciliter l’accès et éviter tout contact des pattes avec les cailloux, potentielle source de boiterie. © R. Guégan
« En termes de conduite, je n’ai rien inventé ! J’ai simplement mis la théorie en pratique », poursuit-il. Les vaches sortent toute l’année, même entre décembre et janvier pour profiter du moindre rayon de soleil. Le silo de maïs a fermé quatre mois en 2019 et cinq mois en 2020. « Je travaille sans correcteur pendant six mois, soit une économie de 30 à 35 tonnes. Techniquement, les vaches produisent moins de taux qu’avant et on a un peu perdu en lait, mais pas tant que ça. » L’hiver, elles reçoivent une ration complète à base de deux tiers de maïs ensilage, un tiers d’ensilage d’herbe et 2 kg de correcteur.  « Le maïs fait du bien pour reprendre de l’état corporel. » Globalement, les Normandes ont bien vécu le changement de système, sans doute mieux que cela ne l’aurait été avec des Prim’Holstein.

 

 

 
Romain pratique du topping ponctuellement. © R. Guégan
Romain pratique du topping ponctuellement. © R. Guégan
Concrètement, Romain a dessiné 23 paddocks de 1,40 ha, pour deux jours de présence. « Cette taille offre un bon compromis pour la souplesse d’exploitation et le besoin de mécanisation (clôtures, eau, récolte). »  En milieu de saison, Romain utilise un fil avant par tranche de 12 heures. Toutes les semaines, il fait ses mesures à l’herbomètre. « Cela me donne des repères pour prendre les décisions même si je ne suis jamais sûr que ce sont les bonnes… » En début de saison, la hauteur d’entrée se situe à 12 cm, et 4-5 cm en sortie. L’éleveur calcule le nombre de jours d’avance à l’aide du logiciel Herb’Avenir. « Je ferme le silo dès que j’ai douze jours d’avance. Entre avril et juin, je débraye des parcelles pour faire de l’enrubannage quand j’ai quinze à vingt jours d’avance (4-5 chantiers par an). » Puis, début juillet, il arrête les fauches pour faire du stock sur pied en allongeant les temps de retour (40-45 jours). Les parcelles riches en trèfle s’y prêtent bien, car les légumineuses permettent de garder de la valeur. « Quand les vaches reviennent sur ces parcelles, je préfère les gérer en topping. L’herbe fait 18-20 cm de haut, je fauche à 6 cm. Comme ça, les vaches mangent tout sans trier (moins de risque de météorisation), et j’ai de belles repousses derrière, sans refus. »

 

Se créer un « fonds de roulement fourrager » au cas où

 

 
Temps de pâturage, dates de fauche, rendements, dates d’arrêt et reprise des correcteurs... tout est noté sur le planning de pâturage. © E. Bignon
Temps de pâturage, dates de fauche, rendements, dates d’arrêt et reprise des correcteurs... tout est noté sur le planning de pâturage. © E. Bignon
« Avec la gestion de l’herbe, on n’a jamais fini d’apprendre. J’essaie de ne pas me louper sur les étapes clés : déprimage, débrayages, transitions… Le fait de fermer le silo est un atout, estime-t-il. Comme les vaches sont contraintes à ne manger que de l’herbe, on a moins de refus et une meilleure souplesse d’exploitation. Finalement, plus on a d’herbe, plus c’est facile à gérer. »

 

Prudent, Romain assure ses arrières pour ne pas avoir à rouvrir le silo de maïs l’été. Les balles d’enrubannage font tampon. Cet été, le colza fourrager semé fin mai lui a permis de gagner dix jours de temps de repousse. « Les vaches ont pu le pâturer au fil cinq heures par jour les vingt premiers jours d’août. J’ai ainsi pu allonger mes temps de repousse à 40-45 jours, ça m’a bien aidé ! » Il récolte également un stock de maïs de sécurité équivalant à 3,5 mois de consommation pour faire la jointure si besoin, plus 4 hectares de dérobées de RGI-trèfle incarnat semées après céréales.

Le système en place exige de la réactivité. « Le pâturage nécessite de prendre des décisions fines au jour le jour. C’est un savant mélange entre calcul des jours d’avance, ressenti, météo et disponibilité… C’est sur ça que je concentre mes efforts et mon temps. J’attends avec impatience le jour où je pourrai fermer enfin le silo ! » 

« La cohérence globale du système compte bien plus que les détails techniques. »

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