Installation en élevage laitier : « Nous nous sommes installées par conviction »
Léopoldine Desprez et Lucie Clouard ont repris l’exploitation laitière familiale de cette dernière en Normandie. La ferme se diversifie avec la mise en place d’un atelier de boulangerie. Pragmatiques, elles ne se ferment aucune porte.
Léopoldine Desprez et Lucie Clouard ont repris l’exploitation laitière familiale de cette dernière en Normandie. La ferme se diversifie avec la mise en place d’un atelier de boulangerie. Pragmatiques, elles ne se ferment aucune porte.
Complices, les deux éleveuses racontent d’une même voix leur installation en avril 2022 et leur vision de l'exploitation qu’elles ont reprise à la suite du départ en retraite du père de Lucie Clouard. « Nous tâtonnons encore, admet Léopoldine Desprez, l’une des deux associés du Gaec Chatelet des vaches, non issue du milieu agricole. L’année dernière, la météo n’a vraiment pas aidé. Nous avons passé l’été à apporter de l’herbe aux vaches. Cette année, cela va mieux mais nous manquons encore d’expérience. »
Partager les mêmes valeurs pour s’associer
Jusqu'alors salariées dans le secteur agricole, chez Biolait pour l'une et à la Confédération paysanne pour l'autre, leur installation, elles y ont songé il y a quelques temps déjà. En 2016, en colocation à Caen, elles concluent une discussion par un « chiche, un jour on s'installe ! ». Les années passent et le départ en retraite du père de Lucie Clouard approche. Elles ne laisseront pas filer l'occasion.
Les deux éleveuses partagent un grand nombre de valeurs. C'est ce qui fait la force de leur association. « Nous sommes paysans par conviction. Produire pour nourrir, cela donne du sens à ce que l’on fait tous les jours. Cela prend aux tripes. Puis, nous n’avons pas l’impression d’arriver au boulot le matin, nous aimons ce que nous faisons et nous voulons continuer d’aimer notre métier. »
Rien n’a changé pour les vaches
Elles ont une vision pragmatique de leur exploitation « C’est un outil de travail que l’on peut modifier ou transmettre. Nous n’allons pas forcément passer toute notre vie sur la ferme. » Alors, elle doit être rentable et appréciable dans le travail quotidien. « Nous ne nous fermons pas de portes. À voir ce que nous ferons dans cinq ans, car les ressources fourragères sont limitées, nos parcelles bien que très regroupées, sont très séchantes », explique Léopoldine Desprez.
Fiche élevage
100 hectares, dont 88 ha en herbe, 5 ha de colza et le reste en méteil ou blé
65 vaches laitières
6 300 l/VL/an
42 de TB et 32 de TP
3,5 UTH dont 2 associés, 1 salarié à temps plein et 2 salariés à temps partiel
Avec la reprise, côté atelier lait, rien n’a changé. Pas d’investissement si ce n’est un racleur. La conduite du troupeau de vaches croisées (base Holstein avec rouge norvégienne, jersiaise et brune) est restée la même. « Le système tournait bien économiquement. L’atelier est rentable, les outils et le bâtiment sont amortis. »
Diminuer la part de l’atelier lait
Leur plan d’entreprise sur cinq ans réalisé en prévision de leur installation, prévoit de diminuer la part du lait dans leur chiffre d’affaires pour « gagner en autonomie alimentaire, avoir plus de temps pour la transformation, alléger les astreintes du week-end et gagner en temps libre ».
Trois options s’offrent à elles : diminuer le cheptel à un peu moins de 50 vaches laitières – elles sont 65 aujourd’hui ; passer en monotraite ; ou changer la ration. Mais pour l’instant, il faut faire encore du volume pour rembourser les dettes. « Avoir plus de temps le week-end, des vacances, c’est un objectif. Surtout en n’ayant pas grandi sur la ferme, je fais la part des choses entre le pro et le perso », affiche Léopoldine Desprez.
Partager les mêmes valeurs pour s’associer
Pour se rapprocher des consommateurs, elles ont choisi de diversifier leur ferme avec une partie transformation et vente directe. Pour cela, elles ont créé un atelier de boulangerie alimenté par le blé, et bientôt d’autres céréales, produit sur la ferme. « Même si la vente directe prend beaucoup de temps, il y a une vraie satisfaction à voir les consommateurs manger et aimer nos produits. »
Une décision qui n’a pas particulièrement enchanté une banque qui a refusé leur projet car trop atypique côté diversification. Une autre n’a pas suivi du fait de la conjoncture en lait bio. Finalement, deux autres banques, plus ancrées dans le secteur agricole, ont suivi pour le rachat de la ferme d’un montant de 500 000 euros pour les bâtiments, leur sous-sol, le cheptel, le matériel et le stock. « Pas les terres, car cela nous aurait plombées ! » Côté dotation Jeunes agriculteurs, elles cumulent 70 000 euros d’aides. « 6 000 euros vont directement au centre de gestion pour le dossier d’installation », glisse Lucie Clouard.
Chacune se verse un salaire dès leur premier mois d’installation. C’était une condition. Il est de 1 300 euros par mois aujourd’hui. « C’est le minimum pour assurer notre quotidien. Je ne voulais pas vivre sur le revenu de mon conjoint », explique Léopoldine Desprez.
« Nous allons planter 1,2 km de haies »
Dans l’Orne, dans le bocage normand, Léopoldine Desprez et Lucie Clouard ont décidé de répondre à un appel d’offre pour replanter des haies. Au total 1,2 km vont être replantés. « Notre reste à charge est de 400 euros pour l’implantation », expliquent-elles. Le bois sera utilisé pour alimenter la chaudière qui sert à chauffer l’eau de la salle de traite et en sous-couche pour la litière des vaches.