Les montants des investissements vous inquiètent-ils ?
Sébastien Guiocheau - " Avec la restructuration des élevages laitiers, les projets bâtiments prennent de plus en plus d’ampleur. Certains, notamment en neuf, mettent à mal la résilience des exploitations par des niveaux d’annuités trop élevés. Le prix des constructions augmente régulièrement de 1 à 3 % par an. Or, en face, le prix du lait n’évolue pas et les trésoreries des exploitations laitières ont souffert à cause des crises. De plus, avec l’augmentation de la productivité et du temps de présence en bâtiment des troupeaux, les investissements pour assurer le confort de l’exploitant et des animaux font grimper les coûts. Il n’est pas rare dans notre contexte de dépasser 6 500 euros par place pour le logement, la traite et le stockage des déjections. "
À quel moment risque-t-on de franchir la ligne rouge?
S. G. - " Cela dépend de l’efficacité économique de l’exploitation. Il faut savoir d’où l’on vient avant de lancer un projet d’agrandissement. Améliorer les résultats existants est parfois nécessaire, sous peine d’être obligé de viser une productivité très importante de la main-d’œuvre et de se mettre en difficulté. Le projet doit rester vivable. L’indicateur EBE avant MO/produit supérieur ou égal 40 % rassurera sur la bonne maîtrise technique initiale. Ensuite, il faut savoir où l’on veut aller, poser les hypothèses entre associés et étudier leur impact technique, économique et humain. Viser un niveau d’annuités viable proche des 80 €/1 000 l en système conventionnel permet de garder de la sécurité pour des conjonctures plus défavorables.
Des rénovations ou aménagement par étapes sont souvent possibles. Le bâtiment neuf peut à lui seul saturer la capacité d’investissement de l’exploitation. Investir à neuf 650 000 euros pour loger 100 vaches livrant 800 000 litres de lait représente environ 65 €/1 000 l d’annuités sur quinze ans à 2,2 %. "
Quels sont les critères à prendre en compte ?
S. G. - " Il ne faut pas se tromper dès le départ. Cela nécessite d’être bien accompagné et de prendre son temps. Il faut aborder le projet avec méthode, en partant du général pour en arriver au particulier. Les associés doivent partager le même projet de vie et d’évolution de l’exploitation. Il faut détailler les besoins en termes de places de logement, d’équipement de traite, de stockage des déjections et chiffrer le coût d’investissement. Au début de façon approximative et ensuite en réalisant des plans et un estimatif de prix complet. Il ne faut pas oublier de mesurer l’impact des changements de pratiques en termes de conduite et donc de résultats. Par exemple, des surcoûts peuvent être engendrés par une diminution de la part de pâturage. Aborder les coûts de fonctionnement est également intéressant. Il faudra aussi connaître sa capacité d’investissement pour fixer son budget de travaux. Enfin, le volume et les conditions de travail et son organisation devront être détaillés. Attention, passé un certain seuil de lait par UTH, le suivi rigoureux du troupeau est plus difficile et les résultats peuvent s’en ressentir. "
Quelle est la seconde grande étape du raisonnement ?
S. G. - " Une fois qu’un projet humain, technique et économique est partagé par tous, des plans précis peuvent être réalisés. Un plan détaillé sera la première base d’un chantier réussi et sans surprise. Il constitue le document indispensable pour la réalisation des devis auprès d’entreprises qualifiées, mais aussi le support pour se projeter dans le futur outil de travail. L’étude attentive des devis reçus permettra de retenir les solutions les plus appropriées et de réaliser un chiffrage précis. Le coût ne sera pas l’unique critère de choix. L’expérience de l’entreprise, le dimensionnement et la qualité des matériaux et des prestations seront également à considérer. "