« Grâce aux acides gras du lait, nous peaufinons la ration de nos vaches laitières »
Depuis deux ans, les associés du Gaec de la Vieille Côte, en Meurthe-et-Moselle, analysent les acides gras du lait pour piloter la nutrition des vaches laitières afin d’améliorer leur marge sur coût alimentaire.
Depuis deux ans, les associés du Gaec de la Vieille Côte, en Meurthe-et-Moselle, analysent les acides gras du lait pour piloter la nutrition des vaches laitières afin d’améliorer leur marge sur coût alimentaire.
« C’est suite à la lecture d’un article sur les acides gras du lait que nous avons cherché à récupérer ces données sur notre troupeau, indique Emmanuelle Stock, associée du Gaec de la vieille Côte. Mais disposer de ces données est une chose, savoir les interpréter en est une autre ! »
La proportion en acides gras du lait dépend étroitement du régime alimentaire et du métabolisme de l’animal. En cas de déséquilibre alimentaire, des déviations fermentaires peuvent intervenir ou le métabolisme de l’animal peut se trouver modifié. Cela va engendrer une modification de la composition en acides gras du lait. Ce sont ces phénomènes qu’il est possible de décrypter par l’analyse fine de la matière grasse du lait et qui en fait un excellent traceur de la ration et de la santé métabolique des vaches laitières.
Des traceurs nutritionnels précis pour piloter le troupeau
« Dès les premiers résultats que nous avons reçus et la première visite du nutritionniste de Seenorest, nous avons pu constater des dysfonctionnements notamment au niveau des vaches en début de lactation et de l’ingestion du troupeau. » Les acides gras saturés totaux étaient faibles, signe d’un manque de nutriment ou d’ingestion de la ration. Le C18:1 cis9, qui est un marqueur de la mobilisation des réserves corporelles, se montrait sur les vaches en début de lactation, tout comme le rapport TB/TP, qui était supérieur à 1,4.
Face à ce constat, la ration des vaches en préparation au vêlage a été revue, ainsi que le plan de complémentation du robot et la ration à l’auge. « Auparavant, les vaches n’étaient pas bien préparées avant vêlage. Nous leur distribuions seulement 15 kilos d’ensilage de maïs avec du foin à volonté et en début de lactation nous distribuions trop de concentrés et trop rapidement. Maintenant, elles reçoivent 25 kilos de la ration des vaches en lactation(1) avec 1 kilo de correcteur azoté et une minéralisation spécifique trois semaines avant le vêlage », expose Gérald Stock.
Au robot, les éleveurs ont également échelonné et limité la distribution de l’aliment de production en début de lactation. Pour pallier la faible ingestion, ils ont amélioré la structure et l’humidité de la ration et ajouté du sel à l’auge. « C’est grâce à la régularité et à l’historique des données qu’il est possible de piloter de façon dynamique la nutrition du troupeau et d’anticiper les problèmes », estiment-ils.
Un outil complémentaire intéressant en robot de traite
L’interprétation des acides gras du lait croisée avec l’ensemble des indicateurs disponibles (données issues des robots, observations du troupeau…) fournit une analyse plus approfondie sur le fonctionnement du rumen et le métabolisme énergétique des vaches que l’analyse du TB, du TP et de l’urée.
Après chaque contrôle de performance, des tableaux de bord par lot d’animaux aident à identifier rapidement les catégories de vache nécessitant une attention particulière. « Depuis deux ans, cette analyse nous permet de peaufiner régulièrement les différents plans de complémentation au robot, en fonction du stade de lactation et de la parité primipares ou multipares, poursuit Gérald. L’avantage du suivi mensuel est que, dès le mois suivant, nous pouvons vérifier si les ajustements ont été bénéfiques ou non. » Cela aide aussi les producteurs dans le choix des aliments à utiliser à l’auge, les acides gras permettant d’orienter les apports au niveau du rumen pour optimiser son fonctionnement.
Plus de lait et plus de marge par vache
Depuis la mise en place du suivi des acides gras début 2021, la production laitière par vache et par an a grimpé de 8 690 kg à 9 630 kg, tout en réduisant en parallèle les concentrés apportés (-3 €/1 000 kg de lait). La marge sur coût alimentaire s’est nettement améliorée, augmentant de 6 € à 9,40 € par vache et par jour. Une belle performance qui s’explique à la fois par la meilleure valorisation de la ration à l’auge et l’optimisation des plans de complémentation au robot, mais également par la hausse du prix du lait sur la période (+1,63 €/VL/j). « Sans oublier que nous avons aussi pu constater une baisse des frais vétérinaires avec une diminution des problèmes métaboliques et sanitaires sur le troupeau », conclut Emmanuelle Stock.
Chiffres clés
Un suivi régulier pour plus de réactivité
Les analyses du profil en acides gras sont issues des spectres du lait des échantillons individuels collectés lors du contrôle de performance. Le Gaec de la Vieille Côte bénéficie d’une valorisation mensuelle et par lots (stades de lactation, primipare/multipare), pertinente dans une conduite en système de traite robotisée pour piloter les plans de complémentation. Les résultats sont envoyés par mail avec une interprétation systématique du nutritionniste. Le suivi inclut aussi deux à trois visites sur l’année. « Nous apprécions la régularité des échanges avec le nutritionniste. Ce mode de fonctionnement « à distance » par mail et téléphone bloque peu de temps et nous permet d’être réactifs au niveau du troupeau », apprécient les éleveurs. Le coût des analyses des acides gras est compris dans le tarif du contrôle de performance et celui de l’interprétation et du suivi s’élève à 1 485 € HT pour l’année, soit moins de 1 €/1 000 kg de lait pour le Gaec.
Les analyses des acides gras confortent la conduite alimentaire
Voici les résultats d’analyses des acides gras de janvier 2023 du Gaec de la Vieille Côte.
La richesse de ces analyses réside dans leur interprétation et la mise en relation avec l'observation du troupeau et les autres indicateurs disponibles en élevage.
Indicateur du déficit énergétique à partir de l'acide gras C18:1 cis9 en % du TB
Le C18:1 cis9 permet d’identifier les vaches qui mobilisent leurs réserves corporelles. Ici, les résultats du troupeau sont excellents avec très peu de vaches au-dessus du seuil, même pour celles qui produisent le plus de lait. C’est le signe que la préparation au vêlage est maîtrisée et que les plans de complémentation sont cohérents.
Indicateur du fonctionnement ruminal à partir du % AG impairs/AG courts et moyens
Le rapport AG impairs/AG court et moyen permet d’approcher le reflet du rapport acétate sur propionate (C2/C3) dans le rumen. Ce qui en fait un indicateur intéressant pour évaluer l’efficience du rumen. Dans l’exemple ci-dessus, l’équilibre ruminal est satisfaisant sur la majorité des vaches.
Indicateur de la valorisation de l'énergie à partir de l'acide gras C16:0 en % du TB
Le C16:0 ou acide palmitique peut provenir des mobilisations des réserves ou être issu des fermentations du rumen. Ici, le niveau en C16:0 est élevé sur une majorité des vaches. Le C18:1 cis9 étant faible, il ne provient pas des réserves corporelles. N’ayant pas d’huile de palme non plus dans la ration, les teneurs élevées proviennent de la fermentation ruminale et d’une élongation importante des acides gras lors de la synthèse de novo. Cela peut venir d’un apport important en fibres (CB et NDF), d’un léger excès d’énergie et/ou d’un manque d’azote fermentescible. Ici, cela s’explique par un ensilage de maïs riche en fibres et moyennement digestible. Le taux d’urée étant à 160 mg/l de lait, il est possible d’augmenter les apports en azote pour avoir un meilleur équilibre et améliorer la production laitière.