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Des négociations commerciales plus tendues qu'en 2019 et 2020

Loin de l'esprit des Egalim, l'issue des négociations commerciales entre les laiteries et la grande distribution sur les marques nationales est jugée décevante par les industriels.

La FNPL est allée sur les marchés ( ici à Paris) à la rencontre des consommateurs, pour mettre la pression sur la grande distribution. © J.-M. Vignau - FNPL
La FNPL est allée sur les marchés ( ici à Paris) à la rencontre des consommateurs, pour mettre la pression sur la grande distribution.
© J.-M. Vignau - FNPL

Les négociations commerciales sur les marques nationales se sont achevées comme chaque année le 1er mars. Dans l'agroalimentaire, les produits laitiers est le secteur qui semble s'en tirer le mieux. Mais il n'en reste pas moins que « d'après les industriels, ces négociations ont été plus difficiles qu'en 2019 et 2020. On s'éloigne des Egalim, la tension se réinstalle », brosse Loïc Molères, économiste à Atla (Association de la transformation laitière française). Le bilan précis en termes de hausse et de baisse des prix n'est pas encore connu. « Le ressenti à cette heure est qu'il n'y a peut-être pas de déflation, mais sans doute pas d'inflation au global », ajoute Loïc Molères.

La Coopération laitière précise que « au début des négociations, on sentait revenir la guerre des prix ; c'était très dur. Mais sur la fin, des coopératives ont quand même réussi à faire passer des hausses de tarifs. On estime que la hausse des prix des matières premières a été prise en compte dans une négociation sur deux », indique Damien Lacombe, président de la Coopération laitière. Ce qui est insuffisant.

La hausse des coûts peu prise en compte

Ce premier bilan est évidemment jugé très décevant par les représentants des producteurs de lait. La FNPL, des FDSEA, des sections locales de la Coordination rurale... ont mené des actions pour mettre la pression sur la grande distribution. La FNPL est allée à la rencontre de consommateurs sur des marchés de plein air pour voir s'ils seraient prêts à payer un peu plus cher leur produit pour couvrir le prix de revient en élevage. « Ils nous disent oui, si l'argent vous revient bien », résume Ghislain de Viron, trésorier de la FNPL. Les actions en grande surface ont pour but de pointer les laits vendus en deçà de 0,74 €/l, « c'est-à-dire les produits qui ne peuvent pas respecter un prix conforme à Egalim et permettre une rémunération des éleveurs ». Ces produits sont signalés à l'adresse signalement@agriculture.gouv.fr. Les actions se poursuivent, pour maintenir la pression alors que les négociations se poursuivent pour les marques distributeurs (MDD).

Réussir les négociations sur les MDD

La Coopération laitière s'inquiète de la hausse des charges sur les exploitations. « L'aliment acheté et l'énergie ont augmenté, et ont un impact estimé à 10 - 15 €/1 000 l en moyenne », souligne Damien Lacombe, son président. Par ailleurs, les charges augmentent aussi pour les industriels, entre les coûts liés à la Covid-19 et la hausse des prix du plastique et de l'énergie, directement liée à la hausse du pétrole. « En outre, nos équilibres de marché ne sont pas revenus. La RHD (restauration hors domicile) est toujours très impactée par les mesures sanitaires. Et malgré la pression des pouvoirs publics pour faire appliquer la Loi d'avenir et la loi Egalim – qui doivent favoriser l’approvisionnement de proximité ou d’origine française et les produits de qualité et durables dans la restauration collective –, il n'y a pas encore de valorisation supplémentaire sur ce débouché, hormis quelques exceptions : on en est aux balbutiements. »

 

 
Quelques accords tarifaires ont revalorisé le prix du lait à 385 - 386 €/1 000 l, toutes primes confondues.  © J.-C. Gutner - archives
Quelques accords tarifaires ont revalorisé le prix du lait à 385 - 386 €/1 000 l, toutes primes confondues. © J.-C. Gutner - archives

 

La Coopération laitière attend beaucoup des négociations sur les marques distributeurs (MDD). Les MDD représentent un tiers des produits transformés par les coopératives laitières. « Cette année, il faut atteindre les mêmes hausses de tarifs que sur les produits de marques nationales et aller chercher la valeur nécessaire pour compenser les coûts de productions et les investissements engagés. »

Quelques accords à +5 ou +6 €/1 000 l

Cette année, il y a eu peu d'annonces d'accords tarifaires entre transformateurs laitiers et enseignes de distribution. Ils revalorisent le lait de +5 € à +6 €/1 000 l. Citons les accords conclus par Lidl avec Lactalis et Sodiaal, pour 370 €/1 000 l prix de base et 385 € toutes primes, sur les marques nationales et les MDD, soit un équivalent de 230 millions de litres et 235 millions de litres, respectivement. Un autre accord entre Lidl et Savencia revalorise le prix du lait de base à 359 - 368 €/1 000 l selon les régions, soit 386 €/1 000 l toutes primes ; sur les produits à marque nationale, soit l'équivalent de 140 millions de litres. La Centrale Envergure (Carrefour et Système U) a annoncé la conclusion d’accords avec Sodiaal, Yoplait, Lactalis, Savencia. Ils portent le prix du lait à 375 € /1 000 l, hors primes, pour Sodiaal et Yoplait, à 385 € pour Lactalis et 386 € pour Savencia, toutes primes confondues. Enfin, Aldi France a annoncé le référencement des marques Faire France et C’est qui le Patron ?! et l’élaboration de conventions tripartites avec LSDH et Candia (Sodiaal). Mais d'autres accords tarifaires auraient été conclus, sans médiatisation. « Une centrale d'achat Leclerc nous a dit avoir conclu des tarifs portant le lait à 385 €/1 000 l pour les marques nationales et 380 € pour les MDD, pour tous les transformateurs », indique par exemple Ghislain de Viron, de la FNPL.

Il est encore trop tôt pour savoir comment les négociations joueront sur le prix du lait. Mais l'histoire se répète : les transformateurs regrettent que la distribution demande des baisses de tarif, ou accepte des hausses avec des baisses de volume. Les distributeurs rétorquent qu'ils regrettent un manque de transparence des industriels pour flécher la hausse de tarifs jusqu'aux producteurs de lait.

À retenir

La hausse du prix des matières premières – en élevage et dans la transformation – a été prise en compte dans une négociation sur deux, selon La Coopération laitière.

Les producteurs défendent le prix conforme à Egalim

Le prix du lait départ ferme (sans le paiement qualité) conforme à Egalim est publié chaque trimestre par la FNPL depuis janvier dernier. Pour janvier, il est de 352 €/1 000 l. Il est calculé en prenant 60 % du lait valorisé en PGC (produits de grande consommation) France ; 20 % du lait valorisé en PGC à l’export ; et 30 % du lait valorisé en produits industriels. Pour la partie PGC France, l’indicateur est 100 % du prix de revient des éleveurs. « Nous avons retenu 388 €/1 000 l prix de base, soit le 403 € publié par le Cniel auquel on enlève 15 € de paiement à la qualité », précise Ghislain de Viron, trésorier à la FNPL. Pour la partie PGC Export, l’indicateur est le prix du lait allemand. « Ce n’est pas un indicateur pertinent car il intègre pour moitié des produits industriels. Il faudra trouver mieux. » Pour la partie Produits industriels, l’indicateur est la valorisation beurre poudre.

 

 
 © Source : FNPL
© Source : FNPL
Le prix de la bouteille de lait au détail conforme à Egalim doit au minimum être à 0,74 € le litre, selon la FNPL. En deçà, c'est un prix hors la loi, et il peut être signalé à l'adresse signalement@agriculture.gouv.fr. Ce montant est calculé en partant du prix minimum auquel doit être payé le lait partiellement écrémé : 0,388 €/l (0,403 € - valeur de la crème retirée). Sont ajoutées les parts revenant aux industriels (0,25 €/l), aux distributeurs (0,063 €) et à l'État (0,0385 €).

 

Le prix du yaourt nature au détail conforme à Egalim doit au minimum être à 1,34 €/kg : 0,35 €/kg pour le lait, 0,80 €/kg pour le transformateur, 0,12 € pour le distributeur (10 % de seuil de revente à perte) et 0,07 € de TVA. 

La FNPL calculera aussi le prix conforme pour l'emmental et le camembert industriel. « Des actions seront menées en magasin à partir du 1er avril, pour relever les prix et signaler les prix hors la loi », indique Ghislain de Viron.

La révision de la loi est en préparation

La loi Egalim et la loi LME font l'objet de propositions, pour enfin permettre la formation des prix à partir de l'amont agricole ; la fameuse marche en avant. « Nous allons apporter des modifications à la loi Egalim, afin que ce qui était prévu dans cette loi soit appliqué, notamment sur les indicateurs de coût de production, sur les clauses de revoyure, sur la possibilité de conclure des contrats sur un temps long. Nous voulons supprimer la date butoir (NDLR : du 1er mars pour boucler les négociations sur les marques nationales) », indiquait Grégory Besson-Moreau, député de l’Aube, à nos confrères de Les Marchés le 10 mars dernier.

Ces propositions reprennent des recommandations formulées par Serge Papin, ancien patron de Système U, qui a été chargé d’une mission sur l’application du ruissellement voulu par la loi Egalim. Parmi ces recommandations : la pluriannualité des contrats ; l'intégration des matières premières dans le cadre du contrat commercial ; l'intégration obligatoire d'indicateurs coût de production. S’y ajoute l’outil de transparence, en cours de réflexion au sein de la filière laitière.

Autre proposition : le Rémunéra-Score est un projet d'étiquetage qui évaluerait la valeur revenant à l'agriculteur sur la vente d'un produit. Cette idée de Célia de Lavergne, députée de la Drôme, est soutenue par le ministère de l'Agriculture.

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