Dans la Sarthe, l'irrigation des prairies permet de doubler le rendement
Beaucoup d’éleveurs pensent qu’il ne sert à rien d’irriguer des prairies. Didier Désarménien, conseiller agriculture biologique Seenovia, montre le contraire, chiffres à l’appui.
Beaucoup d’éleveurs pensent qu’il ne sert à rien d’irriguer des prairies. Didier Désarménien, conseiller agriculture biologique Seenovia, montre le contraire, chiffres à l’appui.
« Dans nos zones séchantes, l’irrigation des prairies permet de maintenir une pousse sur les quatre mois d’été, voire sur les creux secs du printemps. Elle permet aussi de maintenir voire d’augmenter le taux de légumineuses de la prairie, améliorant ainsi leur valeur azotée. Et elle facilite leur implantation à n’importe quel moment de l’année », résume Didier Désarménien.
En Sarthe, sur les élevages bio irrigants, l’impact potentiel sur le rendement est important : « on a 9 à 10 t MS/ha en prairies irriguées contre 5 à 6 t MS/ha en prairies non irriguées, à condition que les sols soient bien pourvus en matière organique et pas trop sableux pour pouvoir retenir l’eau apportée », affirme-t-il. Des mesures ont été effectuées en 2018 et 2019 sur un élevage équipé d’un planning de pâturage informatisé. « Sur les quatre mois d’été, la pousse des prairies irriguées s’élève entre 30 et 50 kg MS/ha/j soit 4,3 à 5,5 t MS. Alors qu’en prairies non irriguées, elle se limite à 10-30 kg MS en juin, 10 à 20 kg MS en septembre et 5 à 10 kg l’été. » Quant à la valeur alimentaire de l’herbe de prairie irriguée de juin à septembre, elle est certainement comparable à celle du printemps soit l’équivalent d’un concentré de production à 0,95 UFL, 130 à 150 g PDIN et 100 à 110 g PDIE.
Estimation de l’impact avec un quart de la surface irriguée
Didier Désarménien a estimé l’impact de l’augmentation de rendement et de qualité de l’herbe sur la marge avant déduction des frais d’irrigation (les frais annuels d’irrigation sont très variables selon les installations). Il a pris le cas d’une exploitation bio de 100 hectares et s’est basé sur les références de Seenovia : elle irrigue un quart de sa surface (20 ha de prairies et 5 ha de maïs), et livre 360 000 litres de lait produits par 63 vaches à 5 900 litres. Les 4 t MS produites en plus grâce à l’irrigation permettent de nourrir 13 vaches supplémentaires ; il chiffre la marge potentielle dégagée en plus par ces 13 vaches à 32 300 € (voir calcul ci-dessous).
Une autre façon de mesurer l’intérêt de l’irrigation des prairies est de regarder l’impact sur l’alimentation estivale des vaches. Si les 20 hectares irrigués sont accessibles, les vaches peuvent passer l’été au pâturage sans correcteur azoté et sans fourrages distribués ou presque. En revanche, sans irrigation, la ration d’été ne compte que 2 à 5 kg de pâture/VL/j et il faut compenser les 80 t MS de pâture en moins par des stocks de maïs (3 ha) et d’ensilage-enrubannage (18 ha à 3 t MS). Didier Désarménien chiffre les économies de fuel à 800 litres: à raison de 3 heures par hectare d’herbe récolté et 9 heures par hectare de maïs récolté, cela représente 80 heures de récolte en moins avec une consommation de 10 litres de carburant par heure. Les économies qu’il faudrait sur le correcteur azoté et le méteil grain pour maintenir la production de lait au même niveau qu’avec de l’herbe pâturée irriguée sont toutes deux estimées à, au moins, 6 tonnes (1 kg/VL/j de correcteur et 1 kg/VL/j de méteil).
Calcul de l’impact sur la marge avant déduction des frais d’irrigation
° Références Seenovia pour une ferme laitière bio de 100 ha : 87 ha SFP, chargement de 1,1 UGB/ha SFP avec 11 ha maïs , 63 VL à 5 900 litres soit 360 000 litres vendus, 3 t MS de stocks/UGB soit un besoin de 285 t MS de stocks par an
° Avec irrigation de 25 ha : 20 ha de prairies et 5 ha de maïs
1 - Calcul du nombre de vaches nourries en plus :
Grâce au gain de 4 t MS/ha de stocks sur les 25 hectares irrigués, l’exploitation dispose de 100 t MS en plus. Ces stocks supplémentaires permettent de nourrir 20 UGB soit 13 vaches en plus. Il faut moins de stocks l’été car l’irrigation permet d’avoir plus de pâturage. Donc au final, malgré le croît de cheptel, l’élevage n’a pas besoin de plus de stocks.
2 - Calcul de la marge dégagée par les vaches supplémentaires
Produit en plus
Lait : 80 000 l x 465 €/1 000 l = 37 200 €
Viande : 4 réformes x 950 € = 4 400 €
6 veaux x 100 € = 600 €
Primes VL : 13 x 39 € = 500 €
Total produit en plus : 42 100 €
Charges en plus
Concentré : 70 €/1 000 l x 80 000 l = 5 600 €
Frais d’élevage (inclus paille et véto) : 53 €/1 000 l x 80 000 l = 4 200 €
Total charges en plus hors frais irrigation : 9 800 €
Marge supplémentaire avant frais d’irrigation : 32 300 €