Bâtiment d'élevage amianté : Comment intervenir en sécurité lors des travaux d'entretien
Au sein d’Elinnove, un groupe de travail amiante a été créé pour sensibiliser les éleveurs aux dangers de cette fibre microscopique et les aider à sécuriser les interventions à proximité de matériaux contenant de l'amiante.
Au sein d’Elinnove, un groupe de travail amiante a été créé pour sensibiliser les éleveurs aux dangers de cette fibre microscopique et les aider à sécuriser les interventions à proximité de matériaux contenant de l'amiante.
Percer une plaque de fibrociment pour y passer un câble électrique, remplacer une tôle abîmée en toiture… Ces interventions, relativement courantes sur des anciens poulaillers, peuvent potentiellement mettre en danger la santé de l’opérateur, dès lors qu’il intervient non protégé et non formé sur des matériaux contenant de l'amiante.
« Il suffit d’une seule fibre inhalée », insiste Carole Delaquèze, du service prévention des risques professionnels de la MSA du Maine-et-Loire. « Le risque amiante apparaît dès la première exposition car l’organisme n’est pas capable de l’éliminer. » Un risque dont le monde agricole n’a pas toujours conscience, en particulier pour ces « petites » interventions de maintenance.
Le bon équipement lors d'une intervention :
-Masque complet filtrant à ventilation assistée (minimum TM3P avec filtre de classe P3)
-Combinaison jetable scotchée au niveau des ouvertures
-Gants jetables
-Bottes lisses à l'intérieur et à l'extérieur
Un cadre réglementaire autour de l’amiante
Classé cancérogène, l’amiante est interdit depuis 1997 mais nombre de poulaillers construits avant cette date sont toujours en activité. La réglementation concernant les interventions autour de l’amiante s’est durcie il y a quelques années. Elle est inscrite dans le Code du travail, sous deux sous-chapitres. La sous-section 3 (SS3) concerne les travaux de retrait de l’amiante (démontage de bâtiment, dépose de toiture ou de long pan). Ils sont strictement réservés aux entreprises certifiées et ne peuvent pas être réalisés par les éleveurs. « La sous-section 4 (SS4) concerne les petites interventions de rénovation et de maintenance, toutes celles qui obligent à percer, scier ou manutentionner des matériaux contenant de l’amiante. Pour les réaliser eux-mêmes en toute sécurité les éleveurs doivent avoir validé une formation SS4. » Mais dans les faits, rares sont ceux à le savoir, encore moins à l’avoir suivie.
Se protéger lors des petites interventions
Le groupe de travail amiante d’Elinnove, créé par les adhérents et coanimé avec la MSA et la chambre d’agriculture des Pays de la Loire, a organisé au printemps dernier une formation amiante SS4 « test ». Elle a eu lieu dans les locaux de l’organisme NCS à Saint-Herblain (Loire-Atlantique), qui a monté une formation réglementaire de deux jours, adaptée au profil agricole, et à laquelle ont participé six éleveurs et salariés. Cette formation leur donne des repères sur ce qu’il ne faut pas faire autour de l’amiante et sur les risques d’exposition. Dans un atelier technique, les participants mettent en pratique les équipements de protection individuelle (EPI) et collective et se familiarisent avec les modes opératoires à respecter lors d’une petite intervention autour de l’amiante. L’objectif est d’éviter toute dispersion des fibres ou poussières contenant de l'amiante des matériaux, ce qui implique un protocole assez lourd : protection de l’environnement du chantier, utilisation des EPI, passage par plusieurs sas de douchage, gestion des déchets… « Toutes ces procédures sont assez complexes à mettre en œuvre », reconnaît l’éleveur mayennais Jean-Yves Guérot, qui y a participé. « Dès lors qu’on connaît les méfaits de l’amiante sur notre santé, on n’a pas le choix. Il faut les appliquer ! »
Un masque de protection P3 au minimum
Cette formation « test » a montré qu’elle était accessible aux aviculteurs. Elle leur apprend à avoir les bons réflexes, par exemple percer avec des outils manuels plutôt qu’électriques pour éviter la mise en suspension de fibres, retirer une plaque en entier plutôt que de la découper… « Il ne faut pour autant pas s’attendre à ce qu’il y ait une longue file d’attente dans les centres de formation », note l’éleveur. Une vingtaine de centres sont agréés SS4 en France (liste disponible sur le site de l’INRS (1)). Dans les Pays de la Loire et en Bretagne notamment, la formation peut être prise en charge par Vivéa. Pour sa part, Jean-Yves Guérot a depuis commandé un masque complet à ventilation assistée et compte bien l’utiliser. « Il faut compter environ 1 000 euros d’équipement individuel. Mais que représente cette somme par rapport au prix d’une vie ? »
Mise en garde
Travaux sur un bâtiment contenant de l'amiante :
- l’éleveur peut réaliser des travaux d’entretien et de maintenance à condition d’être formé SS4
- en cas de démolition du bâtiment contenant de l'amiante ou de désamiantage (toiture, long pan), seule une entreprise certifiée peut le faire
Carole Delaquèze, du service prévention de la MSA 49
« Le risque amiante est sous-estimé en agriculture »
« Classé cancérigène, l’amiante peut être présent dans les matériaux isolants des bâtiments construits avant 1997, année de son interdiction. Cette fibre microscopique, 50 à 300 fois plus fine qu’un cheveu, pénètre dans l’organisme par les voies respiratoires. Trois principales maladies sont reliées à l’amiante : l’asbestose (atteinte fibreuse du poumon), le mésothéliome (cancer de la plèvre) et le cancer du poumon. Ces maladies peuvent apparaître plusieurs dizaines d’années après l’exposition. En agriculture, le risque amiante est largement sous-estimé. Dans le régime de santé général, il représente la deuxième cause de maladies professionnelles, derrière les troubles musculosquelettiques. Dans le régime agricole, 153 reconnaissances de maladie professionnelles au niveau nationale ont été dénombrées en 20 ans. Le lien entre l’amiante et la maladie n’est pas forcément fait, d’autant plus qu’il existe d’autres sources d’exposition susceptibles de causer des problèmes responsables (poussières en élevage, produits de traitement). »
Comment réagir en cas de perçage accidentel de matériaux contenant de l'amiante ?
Une plaque contenant de l'amiante est percée par accident, la fourche du télescopique casse une tôle contenant de l'amiante… Le mauvais réflexe est de balayer et de ramasser vite fait les débris. « Mieux vaut ne pas intervenir du tout, s’éloigner de la zone et avertir une personne habilitée et formée au risque amiante », rappelle Carole Delaquèze. La première étape est de se protéger avec un masque TM3P et une combinaison d’élevage jetable (retirer au préalable ses vêtements personnels). À l’aide d’un pulvérisateur à dos, mouiller abondamment les débris et l’ensemble de la zone contaminée permet de plaquer les fibres et de limiter leur dispersion. L’ajout de gel surfactant ou de produit vaisselle sur la zone percée ou cassée aide à coller les fibres. Les débris ainsi que les EPI à usage unique (combinaison, cartouche d’air…) sont ensuite mis dans une bâche solidement scotchée et posée sur une palette avant d’être évacuée dans un centre de traitement des déchets autorisé. Il est également important de bien se doucher, en plusieurs étapes. « Ce n’est pas pour cela qu’on sera protégé à 100 %. C’est pour cela qu’il est vraiment important de se former, pour avoir les bons réflexes et prendre les précautions maximales pour soi comme pour son entourage. »