« Avec nos 49 vaches laitières, prévention rime avec efficacité économique »
L’EARL Les chapelles, en Ille-et-Vilaine, se distingue avec un système intensif mêlant maïs toute l’année et herbe pâturée. Simplicité et actions préventives sur les animaux sont les deux facteurs de réussite.
L’EARL Les chapelles, en Ille-et-Vilaine, se distingue avec un système intensif mêlant maïs toute l’année et herbe pâturée. Simplicité et actions préventives sur les animaux sont les deux facteurs de réussite.
Le chemin d’accès à l’EARL Les chapelles traverse les prairies accessibles aux vaches et aux génisses. En cette fin novembre, les animaux sont dehors et pâturent une herbe grasse. « Dans notre secteur, les terres ont un très bon potentiel (maïs fourrage à 18 tMS/ha). Avec l’agrandissement des troupeaux et la concurrence des grandes cultures, peu d’éleveurs laitiers font encore sortir autant leurs vaches laitières », pointent Béatrice et Olivier Piron, les deux associés de l’EARL Les chapelles, à Irodouër, en Ille-et-Vilaine. Pourtant, ne vous y trompez pas : le système de l’EARL est intensif avec du maïs toute l’année.
Une ration tout maïs ensilage
Béatrice et Olivier Piron ont voulu un système très simple et efficace. Les 49 vaches laitières reçoivent toute l’année une ration semi-complète calée pour une production de 30 kilos de lait par vache, dont les quantités distribuées changent en fonction de la pousse de l’herbe. Elle contient de l’ensilage de maïs et un correcteur mixte tourteau de soja et colza (70-30) dont la proportion varie en fonction de la pousse de l’herbe. Au printemps, les tourteaux sont tannés. « Le potentiel génétique des animaux fait que cette ration permet de produire 33 kilos de lait en définitive », estiment les éleveurs.
Pour les vaches en début de lactation et les vaches à forte persistance (à plus de 30 kg), « il y a une complémentation individuelle pour valoriser leur potentiel. Elle est uniquement composée du correcteur azoté, car, avec cette ration tout maïs, c’est surtout la protéine qui est limitante pour aller chercher quelques litres de plus. »
Sophie Auvé, conseillère d’entreprise Eilyps, vérifie régulièrement que la ration reste bien équilibrée en fonction de l’évolution du maïs dans le temps et des transitions avec le pâturage, ce qui est fondamental avec des hautes productrices. « En période de transition, je pilote la quantité de maïs en fonction de la production laitière et de l’évolution des taux », précise l’éleveur.
Un petit troupeau pour mieux le suivre
Les éleveurs connaissent le nom de chaque vache. Ils prennent le temps d’observer tous les animaux et les champs. Ici, pas de caméra de surveillance, ni de capteurs, ni d’échographie : les quatre yeux aiguisés des éleveurs font le travail. « Nous appelons rarement le vétérinaire. Quand il se déplace, c’est que nous n’avons pas pu intervenir nous-mêmes », ajoutent les éleveurs.
« Mon expérience m’a montré que le manque de surveillance coûte cher. Quand un problème est détecté et que l’on intervient précocément sur une vache, cela coûte moins cher que de réparer les dégâts par la suite. Alors, nous observons les animaux et les bouses. J’écoute la caillette. Nous prenons la température, etc. », raconte Oliver Piron.
Du préventif, encore plus avec le maïs très sec
En préventif, les éleveurs réalisent une purge du foie avec un hépato-draineur une à deux fois par an, en début de ration hivernale et parfois en sortie d’hiver, du fait d’une alimentation hivernale très riche en maïs. Cet hiver, avec des maïs très secs, les éleveurs ajoutent 50 grammes de levures vivantes par vache et par jour pour aider les papilles du rumen et l’équilibre de la flore du rumen.
De bons résultats de reproduction en découlent
Au vêlage, Béatrice et Olivier Piron surveillent de près la délivrance. « Au moindre soupçon et après un vêlage difficile, pour éviter une métrite et faciliter l’involution utérine, nous donnons un produit à base d’oligo-éléments, de vitamine E et d’extraits de plantes. Cela suffit en général à éviter d’en arriver à l’antibiotique, qui va perturber la flore du système digestif. Nous apportons également du propylène glycol si le TP est inférieur à 28-29 et qu’il y a un écart trop important entre le TP et le TB (indicateur d’acétonémie). »
Un tarissement court et un IVV court
L’intervalle vêlage-vêlage est très bon : il est passé de 379 à 373 jours ces trois dernières années, avec un choix de tarissement court de 45 jours. « C’est une différence importante par rapport à la moyenne du groupe (399 jours sur 2021-2022), pointe Sophie Auvé. C’est un avantage pour la performance laitière de l’EARL. »
Peu de charges de structure
L’EARL fait très attention aux investissements. La stabulation en aire paillée date de 1981 et n’a pas connu d’agrandissement. Après l’installation de Béatrice en 2014, le volume de lait est passé de 275 000 à 454 800 litres. Les génisses ont quitté la stabulation des vaches et ont été logées dans un nouveau bâtiment. La salle de traite est passée de 2x4 à 2x5. « Nous avons trouvé une salle de traite d’occasion et ajouté le décrochage automatique. »
Côté matériel, l’EARL en a peu en propriété. « Nous en avons eu de moins en moins, au fur et à mesure que la Cuma a grossi, et aujourd’hui elle fonctionne bien. » L’ETA se charge de l’ensilage et de la moisson. Béatrice et Olivier Piron préfèrent investir là où il y a un retour sur investissement, et plutôt dans le sol que dans les bâtiments et le matériel. « Car le sol est à la base de tout système agricole vivant. »
L’objectif du couple est de dégager du revenu et du temps libre. « Nous prenons une semaine de congé par an en été. Nous faisons en sorte qu’il n’y ait pas de vêlage à ce moment-là. Nous nous libérons aussi certains week-ends. »
Peu d’espoir de transmettre en lait
Les enfants du couple ne reprendront pas l’exploitation. Olivier et Béatrice ne cherchent pas à installer de nouveaux éleveurs. « Nous avons investi dans notre maison d’habitation, dont nous savons que la vente nous apportera une plus-value. Par contre, les bâtiments d’élevage, c’est beaucoup moins sûr ! Dans notre coin, très peu de jeunes cherchent à s’installer en bovin lait. En revanche, il y a toujours des gens intéressés par la terre. »
Fiche élevage
2 UMO
49 vaches laitières prim’Holstein (58 %), pie rouge des plaines (40 %) et montbéliardes (2 %).
63 UGB
10 500 l/VL/an
68,5 ha de SAU, dont 34 ha de cultures de vente (blé et colza), 18 ha de maïs fourrage, 14 ha de prairies accessibles par les vaches traites et les taries, et 2,5 ha de prairies pour les génisses
Avis d'expert : Sophie Auvé, conseillère d’entreprise Eilyps
« La force du duo maïs et herbe pâturée »
« L’atelier lait de l’EARL est plus petit que la moyenne du groupe Eilyps «]]>troupeau mixte]]>» (103 élevages) - 49 versus 97 vaches - pour le même nombre d’unités de main-d’œuvre, soit 2. Cela permet aux éleveurs d’avoir le temps d’observer les animaux et d’anticiper les problèmes, et leur permet d’atteindre une forte productivité des animaux avec des frais vétérinaires et de reproduction réduits.La force de cet atelier lait est sa simplicité, avec une ration tout maïs et herbe. L’EARL parvient à maîtriser ses coûts alimentaires par une valorisation de l’herbe pâturée plutôt que récoltée, et par une utilisation au plus juste du correcteur azoté. »
Le soin apporté au sol est la base de tout
Le maïs est fertilisé et amendé avec le fumier de l’EARL, du lisier de porc fourni en plan d’épandage par un voisin, et avec des biostimulants (extraits d’algues et/ou de plantes, microorganismes…).
Les prairies reçoivent les eaux de lavage de la salle de traite, et tous les deux ans, des amendements calciques. Une année sur six, de la chaux vive et du lithotamme (1 t/ha) sont épandus. La chaux vive «]]>nettoie]]>» les sols des bactéries, moisissures et parasites (strongle, douve…), et améliore la minéralisation de la matière organique. Deux ans plus tard, « je mets du carbonate de calcium (1,2 t/ha). Puis encore deux ans plus tard, j’épands des scories potassiques (calcium, potassium, phosphore, magnésium, manganèse…) », détaille Olivier Piron.
« Mon expérience des biostimulants sur prairie et cultures me fait dire qu’il y a un effet : une meilleure exploration du sol par les racines, des rendements, des valeurs et des repousses d’herbe meilleurs. »
Ainsi, cet investissement est rentabilisé pour l’EARL. « Le poste engrais s’élève à 153 €/ha de prairie, ce qui est élevé. Mais ramené à la tonne de matière sèche et au point de MAT, ce coût rejoint la moyenne d’un groupe équivalent Cerfrance », chiffre Arnaud Frin, responsable économie système Eilyps.