« Avec le robot, on voit tout de suite l’effet du parage »
Au Gaec André dans la Loire, beaucoup de surveillance et une diminution de l’effectif sur l’aire paillée ont permis de diminuer les boiteries et mammites. Avec parallèlement une forte progression de la production par vache, aujourd’hui à 12 000 kilos.
Au Gaec André dans la Loire, beaucoup de surveillance et une diminution de l’effectif sur l’aire paillée ont permis de diminuer les boiteries et mammites. Avec parallèlement une forte progression de la production par vache, aujourd’hui à 12 000 kilos.
« J’ai été contrôleur laitier pendant sept ans. Aussi quand je me suis installé en 2017 derrière mon père avec Guillaume Chazelle, j’ai cherché à mettre en pratique ce que je conseillais en tant que contrôleur », raconte Claude Détour. Le bâtiment sur aire paillée était surchargé comme c’est le cas dans beaucoup d’élevages depuis l’arrêt des quotas. Du jour au lendemain, 16 vaches ont été réformées : en un mois, l’effectif trait au robot est descendu de 70 à 54 vaches. Ce jeune éleveur n’a pas hésité, même si avec la reprise d’une petite exploitation et les attributions de volume aux jeunes, la référence de l’élevage était passée de 580 000 à 900 000 litres (1). « Avec l’humidité liée à l’effectif trop important, les mammites et boiteries avaient explosé », explique-t-il. Il préfère ne pas tout produire (735 000 litres en 2019) et ne produire que le volume A de Sodiaal. Aujourd’hui, le robot trait 58 vaches, les mammites ont quasiment disparu, et les boiteries sont sous contrôle. « Je me suis rendu compte petit à petit qu’il y avait un seuil critique à 58 vaches : dès que je passe à 59, j’ai une mammite ou une boiterie qui se déclare, c’est radical », affirme-t-il.
Un seuil critique pour le bâtiment à 58 vaches
Parallèlement, la production par vache a beaucoup progressé : elle atteint 12 060 kilos à 42,1 TB et 33,9 TP (moyenne 12 mois en septembre 2019). « Avant la réduction d’effectif, on était à 2,1 passages au robot par vache et par jour, les vaches se battaient, elles étaient en concurrence : un mois après, le nombre de passages est monté à 2,8 avec 5 litres de plus par passage. » Autre effet bénéfique, les génisses s’adaptent mieux : « elles ont plus de temps libre pour aller au robot. En traite robotisée, compte tenu du temps nécessaire au lavage, il ne faut pas descendre en dessous de 18 % de temps libre. »
Claude Détour préfère faire de la prévention plutôt que de gérer l’urgence. Il travaille en contrat avec la clinique vétérinaire qui assure un suivi d’élevage moyennant une cotisation annuelle par vache (voir ci-contre). Il consacre aussi beaucoup de temps à la surveillance du troupeau. « Tous les matins de 6 à 8, j’observe les vaches et je regarde les données du robot. J’essaye d’anticiper les problèmes, en tenant compte des antécédents de la mère. »
Un parage par lots de 15-20 vaches
Il fait notamment la traque aux signes annonciateurs de boiterie : « le dos légèrement courbé, les pattes un peu trop écartées, les onglons déviés à ‘10 h 10’ ». Le parage est délégué à la clinique vétérinaire, même s’il ne fait pas partie du contrat de suivi. Claude a pourtant été formé au parage. « J’ai peur de faire mal, l’exploitation n’est pas non plus correctement équipée, et je mets une demi-heure à parer un pied : le parage c’est du temps, de la fatigue et du stress ! Je ne le fais qu’en cas d’urgence. » L’un des quatre vétérinaires de la clinique, Alexandre Fauriat, intervient donc tous les deux mois sur des lots de 15-20 vaches : « en priorité celles que l’on voit boiter, celles prêtes à tarir pour qu’elles partent en lactation avec deux pieds ‘nickels’, et celles qui commencent à avoir une posture anormale. Je vois chaque vache une à deux fois par an, au moment où elle a besoin d’être vue », insiste Alexandre Fauriat en précisant que toutes les lésions sont notées. Le service est facturé à l’heure et à la paire de pieds. « La première fois où je les ai fait parer, cela nous a coûté 400 euros pour 18 vaches et 4 heures de boulot, mais en deux jours, avec le gain de temps à ne plus les pousser au robot et le lait en plus, la facture était payée », souligne l’éleveur. Sur la dermatite, il lave aussi les pieds des vaches douteuses au jet d’eau au robot, et s’il y a une lésion traite à l’oxytétracycline en spray.
Une reprise d’activité immédiate
La fréquentation du robot est « un indicateur flagrant » de l’état des pieds : « l’intervalle de traite normal est de 6-7 heures ; s’il passe à 10-12 heures, c’est que la vache ne veut plus faire l’effort d’y aller ». Le robot permet de voir tout de suite l’effet positif du parage, comme le montrent les « courbes Lely » sur Jaline qui a vêlé le 8 mars. Elle ruminait mal, avait une activité ralentie et la production n’arrivait pas à décoller de 35 litres. Après un parage pour dermatite digitée le 29 mars, les courbes permettent de visualiser la reprise d’activité immédiate ainsi que l’augmentation de la production (+10 litres dans les 15 jours et + 20 litres au bout d’un mois). « Si le parage est précis, le confort est immédiat pour la vache, elle se remet à marcher correctement. Ce n’est pas normal qu’une vache continue à boiter après un parage », renchérit Alexandre Fauriat.
Le robot est aussi très utile pour les mammites. « Dès qu’une vache monte en cellules, je fais analyse bactério, antibiogramme… réforme directe si certains germes apparaissent comme le staphylocoque doré. J’ai le cas actuellement avec une vache à 45 litres mais je préfère la réformer plutôt qu’elle me contamine quatre ou cinq génisses ou vaches ». Cela avait été aussi le cas de 5-6 vaches réformées au moment de son installation : « après leur départ, la pression microbienne a fortement diminué et les vaches qui commençaient à faire le yoyo se sont brusquement guéries toutes seules ».
Claude Détour a atteint son objectif. Mais conduire un élevage à 12 000 kilos, avec pour les meilleures du troupeau jusqu’à 60 litres de lait par jour, ne laisse aucun répit : « la moindre erreur ne pardonne pas, reconnaît-il. Ce sont des formules 1, or une formule 1 ne roule pas avec du gasoil ! Outre le confort indispensable, il faut mettre tous les ingrédients pour que cela marche, à commencer par du temps ! ».
Lire aussi : Quatre messages clés pour gérer les boiteries
Les « trucs d’éleveur » de Claude Détour
Un suivi vétérinaire avec une cotisation annuelle
Le Gaec André adhère à une association, la Copav, qui est en contrat avec la clinique vétérinaire.
La Copav compte 90 adhérents dont 70 % de laitiers pour au total 4 500 vaches en suivi. La cotisation est fixée à la vache, plus précisément à l’UIV (Unité d’intervention vétérinaire) : 38 euros par UIV. Un barème est défini pour chaque catégorie d’animaux (1 UIV pour une VL et son veau jusqu’au sevrage, 0,9 UIV pour une vache allaitante, 0,8 UIV pour une race rustique etc., 1UIV pour 5 génisses etc.). Les médicaments (sauf les antibiotiques (1)) et le matériel sont vendus au prix coûtant. « L’éleveur sait à l’avance combien lui coûte le vétérinaire à l’année, souligne Alexandre Fauriat, l’un des quatre vétérinaires de la clinique conventionnée. C’est un système où la vache saine rapporte à l’éleveur et au vétérinaire. Il instaure un autre relationnel axé sur la prévention. Nous formons les éleveurs, par exemple à la prise en charge de la fièvre de lait, ce qui leur permet d’intervenir plus vite. La transparence est totale : les comptes sont présentés tous les ans en AG. » Une dizaine de groupes fonctionne sur ce schéma.