« Avec des vaches à 10 000 kilos, il n’y a pas de lait sans fourrages de qualité »
Au Gaec Honoré de Villereau, dans le Nord, les 82 hectares de prairies permanentes sont valorisés sous forme de pâturage et d’ensilage précoce. Celui-ci représente plus du tiers de la ration hivernale des 110 hautes productrices. Des efforts payants même si l’autonomie protéique n’est pas atteinte.
Au Gaec Honoré de Villereau, dans le Nord, les 82 hectares de prairies permanentes sont valorisés sous forme de pâturage et d’ensilage précoce. Celui-ci représente plus du tiers de la ration hivernale des 110 hautes productrices. Des efforts payants même si l’autonomie protéique n’est pas atteinte.
L’une des spécificités du Gaec Honoré de Villereau, dans l’Avesnois, tient à une proportion importante de prairies permanentes. Elles ne constituent pas moins de la moitié des 165 hectares que compte la SAU de l’exploitation. Initialement située dans le cœur du village, la stabulation des laitières est désormais érigée au milieu des pâtures. « Ce choix nous a permis de lever les contraintes de construction, mais aussi de jouer la carte du pâturage et donc de gagner en autonomie », expose Maxime Honoré installé avec son frère Florent. « Nous avons toujours voulu valoriser du mieux possible nos surfaces », insiste l’éleveur en souriant. « Et notamment les surfaces fourragères. Sans fourrages de qualité, il n’y a pas de lait, martèle-t-il. C’est vraiment l’enseignement que je retire de nos douze années de travail au sein des groupes de progrès. »
D’avril à octobre, les 110 vaches à 10 100 kg de lait pâturent sur 20 hectares de prairies, et jusqu’à 44 hectares accessibles, subdivisés en paddocks de 2 hectares chacun. La part d’herbe représente jusqu’à 60 % de la ration en pleine saison, ce qui permet d’arrêter le correcteur pendant un mois et demi. Un échange parcellaire portant sur une quinzaine d’hectares a par ailleurs permis d’améliorer l’accessibilité des parcelles.
Les hauteurs d’herbe sont mesurées toutes les semaines pour la valoriser toujours au stade feuillu, de 9 à 12 cm. « Les laitières tournent sur les parcelles avec des cycles de 21 à 25 jours », poursuit l’éleveur. Elles restent deux à deux jours et demi par paddock. Dès que les conditions le permettent, elles pâturent nuit et jour. « Au-delà de 14 cm de hauteur, nous fauchons ou alors les génisses passent derrière. » En termes d’entretien, les refus sont fauchés deux fois par an en année poussante. Les prairies sont hersées et ébousées deux fois par an.
Nous misons sur des ensilages d’herbe de haute qualité
L’herbe récoltée compose désormais plus du tiers de la ration hivernale. Certes, l’arrêt de l’atelier vaches allaitantes (25 mères) a contribué à doubler la part d’ensilage d’herbe dans le régime des laitières, permettant ainsi l’économie de près d’un kilo de tourteau de soja par vache et par jour en hiver. Mais encore fallait-il obtenir un ensilage de bonne qualité. Un challenge qu’ont relevé les éleveurs avec succès, grâce à une organisation et des choix techniques adaptés, ainsi que du matériel « permettant de récolter vite beaucoup de surfaces ».
Quarante hectares sont récoltés en première coupe et autant en deuxième. En 2021, la première coupe fin avril a produit 1,8 tMS/ha à 41 % MS et 17 % de MAT. La deuxième, 2,2 tMS/ha à 52 % de MS et 14 % de MAT. Les teneurs énergétiques sont aussi très bonnes, respectivement 0,95 et 0,91 UFL/kg MS. « Nous privilégieons la qualité au rendement. Nous avons toujours l’impression qu’il n’y a pas assez de volume, mais finalement quand nous voyons les valeurs à l’analyse, nous nous disons que l’on ne s’est pas trompé. » Les prairies se composent essentiellement de graminées, favorisées par l’intensification et les pratiques de fertilisation.
À la récolte, les éleveurs visent trois jours de temps séchant, voire deux au minimum. L’herbe est fauchée l’après-midi pour favoriser la concentration en sucres, avec une faucheuse de 4,50 m sans conditionneur. La hauteur de coupe est de 7 cm. La faneuse intervient dans la foulée « à la fois pour accélérer la dessication dès les premières heures et enlever la terre ». « L’herbe sèche au soleil et la valeur PDIA du fourrage est optimisée, c’est important avec des vaches hautes productrices », précise Louis Painchart, conseiller à Avenir Conseil élevage.
Le lendemain, l’andaineur double toupie (7 m) permet de rassembler 20 m de fourrages en andains larges de 1,50 m. « Auparavant, nous avions un andaineur simple toupie. Grâce au nouveau matériel, nous obtenons maintenant un débit de chantier d’ensilage de 40 ha/j (6 heures avec l’ensileuse à 250 €/h). » Le Gaec fait appel à une ETA de proximité réactive. « Nous voulons des brins courts de trois centimètres pour que le mélange dans la ration soit le plus homogène et ingestible possible. » Le tassage, externalisé à l’ETA qui dispose d’une grosse chargeuse de 15 tonnes, s’en voit aussi facilité. « Avec un bon tassage, ce n’est pas gênant pour la conservation d’atteindre 40 % de taux de matière sèche, voire 50 %, à la récolte. »
Les éleveurs jouent sur la complémentarité entre les deux coupes pour atteindre 22 % de cellulose brute en moyenne. La deuxième coupe vient contrebalancer la première qui n’affiche que 17-18 % de taux de cellulose. « C’est bien la somme des deux qui rend l’ensemble cohérent, précise Louis Painchart. C’est essentiel d’avoir suffisamment d’éléments de structure dans la ration pour sécuriser la digestion et obtenir un TB suffisant. »
Le maïs reste un pilier de la ration hivernale
Avec des rendements moyens de 16 -17 tMS/ha, le maïs ensilage reste un pilier de la ration. Il ressort régulièrement à plus de 0,95 UFL/kgMS. Au pâturage, les quantités distribuées ne descendent pas au-dessous de 6 kgMS/j. Cette année, la ration manque d’amidon. Pour atteindre 17 % sur la ration de base, le Gaec apporte 1,5 kg de maïs grain. « Nous aurions dû couper les ensilages plus haut, mais nous n’avons pas osé d’autant que certains étaient couchés. »
Autre source d’énergie, les racines d’endives intègrent la ration depuis deux hivers. « C’est une opportunité locale intéressante que nous partageons avec un voisin. » Appétentes, les racines d’endives amènent du frais dans la ration. Bon marché et riches en sucres, ce fourrage s’avère peu encombrant. « Elles se révèlent moins lactogènes que les pulpes mais apportent un petit plus pour le TB (41 g/l), estime le conseiller. Associées à l’ensilage d’herbe de qualité, elles favorisent un apport d’énergie rapidement fermentescible bénéfique au fonctionnement du rumen. »
Distribuée avec une mélangeuse à double vis verticale de 23 m3, la ration semi-complète est repoussée trois fois par jour. Les refus sont donnés aux génisses. En hiver, la quantité de correcteur atteint 3,8 kg d’équivalent tourteau de soja par vache et par jour. « Il reste difficile de descendre en dessous en raison de la part importante de maïs ensilage dans le régime, à moins de réduire le niveau de performance. » Depuis juillet, l’élevage a substitué le tourteau de soja à un autre correcteur sans soja importé pour répondre au nouveau cahier des charges du lait Bleu blanc cœur naturellement riche en oméga 3. « En ce moment, la marge sur coût alimentaire s’élève à 7,73 euros par vache et par jour et reflète une bonne efficacité économique », considère Louis Painchart. Et ce, malgré que le coût alimentaire ait subi une augmentation de 0,93 €/VL/j par rapport à l’année précédente.
Avis d’expert : Louis Painchart, d’Avenir Conseil élevage
« Le Gaec Honoré valorise très bien sa surface fourragère dans une région où les rendements blé et maïs sont très bons. La marge brute lait par hectare de SFP consommée se situe régulièrement dans le quart supérieur du groupe d’élevages comprenant entre 40 et 60 % de prairies dans leur SFP. En 2021, elle s’élevait à 2 588 euros contre 2 106 euros pour la moyenne du groupe. Un résultat lié à la combinaison de fourrages de qualité et de bons niveaux de rendement des prairies (11 tMS de pousse mesurés par hectare sur les 40 hectares entourant la stabulation), avec des performances animales élevées et une conduite attentive qui se traduit par des transitions maîtrisées, une bonne conservation des fourrages, un bon état des bêtes… Le coût alimentaire annuel des laitières s’élève à 97 €/1 000 l (avec un ensilage de maïs à 100 €/tMS, et 140 €/tMS pour l’ensilage d’herbe). En termes d’autonomie, malgré une très bonne maîtrise technique, le système reste néanmoins dépendant de l’achat de correcteur (120 g/l en moyenne en équivalent tourteau de soja). Les éleveurs envisagent de recourir à la féverole toastée autoproduite. D’autant qu’avec la nouvelle PAC, l’introduction de cette culture pourrait se révéler utile pour la diversité de l’assolement. Le blé et l’escourgeon ne comptant plus que pour une seule et même culture. »
Chiffres clés
Fertiliser pour assurer le rendement
Le Gaec ne lésine pas sur la fertilisation des prairies permanentes (100 à 130 UN/an sur les parcelles pâturées). Sur la partie pâturée, le premier apport de 60 unités d’ammonitrate est apporté dès que les 200 degrés jours sont atteints. Au printemps, les prairies reçoivent aussi le purin issu de l’égouttage des fumiers (40 m3/ha). Un deuxième apport de 40 UN intervient après un cycle de pâturage ou une fauche, voire un troisième si les conditions sont poussantes à l’automne. Les analyses foliaires réalisées en pleine pousse au printemps montrent que les besoins en PK sont largement couverts avec les restitutions. Sur les 38 hectares de prairies situés à 1,5 km, 15 tMS de fumier composté de 1 an sont épandus par hectare. « Nous gérons ensuite avec de l’azote ou de l’engrais complet : 60 UN sont apportés avant la première fauche et 40 UN pour la deuxième. »