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L’irrigation des prairies assure le rendement et la qualité  au Gaec des Lilas, dans la Sarthe

L’irrigation de 80 hectares de prairies est un élément clé du nouveau système mis en place par Étienne et Mathieu Boudvin. Un système bio avec du foin séché en grange qui produit un million de litres de lait.

« Sans irrigation, c’est bien simple, avec nos terres assez sableuses, il n’y aurait plus de production laitière à Luché : tous les agriculteurs auraient arrêté leur activité », affirment Étienne et Mathieu Boudvin, installés depuis 2013 en Gaec avec leurs parents. L’exploitation est située dans le Sud de la Sarthe en bordure du Loir où trois barrages, aménagés autrefois pour des moulins à grains, assurent de belles retenues d’eau. « C’est notre grand-père qui a développé l’irrigation, en créant en 1969 avec deux autres agriculteurs la première ASA (1) du département », racontent-ils. Aujourd’hui, la station de pompage sur le Loir permet d’irriguer 240 hectares appartenant à trois fermes, via un réseau de canalisations enterrées à 80 cm. Elle alimente neuf enrouleurs, trois par exploitation.

Une station collective de pompage pour trois fermes

Le Gaec des Lilas irrigue les deux tiers de sa surface, soit 100 hectares qui sont situés autour de la ferme, à raison de quatre à six passages de 35 mm. Les 45 hectares non irrigués sont des prairies proches du Loir, plutôt destinés aux génisses. Le Gaec irrigue aujourd’hui principalement des prairies pâturées par les vaches ou destinées à la fauche (80 ha) et 20 hectares de maïs grains. Avant 2017, c’était l’inverse : il irriguait 80 hectares de maïs et seulement 20 hectares de prairies !

En l’espace de deux ans, Étienne et Mathieu Boudvin ont en effet complètement changé de système de production. Ils ont abandonné un système maïs en irrigué, classique dans la région, avec des vaches en bâtiment toute l’année (depuis leur installation). Et ils ont mis en place un projet de lait bio avec séchage en grange. Leur objectif ? Nourrir des vaches à l’herbe, garder un bon niveau de production et produire du lait de très bonne qualité. Plusieurs raisons ont motivé ce changement radical. « Au moment de notre installation, nous avons investi dans un bâtiment, une fosse, etc. pour produire 300 000 litres de plus et monter à 1 million de litres ; avec la chute du prix du lait après la fin des quotas, c’est devenu compliqué financièrement, explique Mathieu Boudevin. Les silos de maïs commençaient aussi à vieillir, il fallait se positionner sur le stockage. Et en parallèle, l’évolution de la réglementation environnementale devenait de plus en plus contraignante avec notre système maïs en irrigué : obligation de rotation avec trois cultures nous obligeant à introduire du blé (non rentable en irrigué), dates butoir aberrantes pour implanter les couverts avec le maïs… »

Une qualité de l’herbe nettement supérieure et constante

Une chose est sûre, « sans l’irrigation, la banque n’aurait pas suivi, affirme Étienne. Elle nous permet de produire 9 000 litres à l’hectare contre 4 000 litres en non-irrigué, ce qui est essentiel à notre équilibre économique ». Les choses n’ont pas traîné : 90 hectares de prairies ont été semés d’un coup mi-septembre 2017 avec des mélanges complexes, portant la surface en herbe à 125 hectares !

L’irrigation des prairies est un élément clé du nouveau système. « Elle permet d’éviter les creux d’été, voire de printemps comme cette année où le premier passage a été réalisé début avril. La qualité de l’herbe est nettement supérieure et constante sur l’année », argumente Étienne Boudvin. Jean-Luc Romejon, conseiller élevage chez Seenovia, estime à plus de 9 tonnes de matière sèche le rendement des prairies irriguées du Gaec des Lilas contre 3 à 4 tonnes en non-irrigué sur la zone de Luché. « Le rendement étant deux fois plus élevé, l’irrigation permet de stocker deux plus de CO2. Elle permet aussi de garder une biodiversité très riche en plein été dans les prairies, de booster la vie du sol et d’avoir une meilleure pérennité : notre ancienne prairie des vaches qui était irriguée est restée en place vingt-cinq ans ! », renchérit Étienne. Autre atout observé par les deux frères : « l’irrigation permet l’été de faire pousser les légumineuses car elles supportent mieux la chaleur que les graminées. Cela permet à l’herbe fauchée ou pâturée d’apporter suffisamment de protéines à nos vaches tout au long de l’année ».

Un casse-tête pour construire le parcellaire

Les 140 vaches pâturent de la mi-février à la mi-novembre, avec des vêlages étalés sur l’année. Elles sont en pâturage dynamique sur 33 hectares, à raison d’une parcelle de 1 hectare par jour pour 115 vaches traites. « La construction du parcellaire a été un véritable casse-tête, reconnaît Mathieu. Il a fallu trouver des solutions pour que les enrouleurs ne traversent pas les chemins et les clôtures. » 11 000 euros ont été investis dans les clôtures fixes, et 5 400 euros dans 18 abreuvoirs. Sans compter les 2,3 km de tuyaux enterrés pour assurer l’abreuvement. Au pâturage, les vaches continuent à avoir du foin et du maïs grain : « ils servent de tampon par rapport à la variation de qualité des parcelles ».

700 tMS de foin sont récoltées chaque année sur les prairies de fauche (55 ha +15 ha chez un voisin). « Nous réalisons cinq à six coupes. » 560 000 euros ont été investis dans un séchoir avec déshumidificateur. « Il assèche et chauffe l’air avant de le souffler sous le fourrage, ce qui accélère le séchage. Le coût de fonctionnement est plus élevé mais il sécurise la qualité du foin. Si l’on veut éviter de la perte de valeur alimentaire, il ne faut pas plus de 160 heures entre la fauche et la stabilisation du foin. C’est facile à obtenir en juillet, mais compliqué en avril ou octobre », argumente Mathieu Boudvin.

Grâce à la richesse en protéines du foin, le Gaec des Lilas n’achète aucun correcteur azoté. « La ration couvre en moyenne sur l’année 26 à 27 litres uniquement avec du foin et 4 à 5 kilos de maïs grain, souligne Jean-Luc Romejon. Sur la période allant du 1er mai 2019 au 30 avril 2020, l’élevage atteint 91 % d’autonomie protéique ! » Il manque quelques hectares pour atteindre les 100 % d’autonomie ; ils sont compensés par l’achat d’herbe à un agriculteur bio de la commune, et de 60 tonnes de maïs grain pour un total de 230 tonnes consommées dans l’année.

Le Gaec des Lilas a eu une bonne surprise : le nouveau système a permis de produire plus de lait que prévu. « Nous pensions que la production allait diminuer : notre étude tablait sur une production de 850 000 litres avec 23 litres de lait par vache. » Or, sur la campagne 2019-2020, l’élevage a produit 1 024 000 litres, grâce aussi au très bon potentiel génétique du troupeau. La moyenne économique se situe à 7 400 litres, avec des vaches de réforme qui sont encore sur cette campagne finies pendant trois mois. Au final, les deux jeunes éleveurs se disent « plus sereins aujourd’hui vis-à-vis du prix du lait, de la réglementation environnementale et de la pression de la société : fini la peur de ne pas être dans les clous ! On est aussi très heureux de retravailler avec des méthodes traditionnelles et naturelles ».

(1) Associations syndicales autorisées intervenant pour l’irrigation collective.

Côté éco

Fonctionnement de l’irrigation :

°25 €/passage 35 mm facturé par l’ASA (arrivée d’eau à la bouche)
°40 €/passage 35 mm en  incluant le temps de travail et le matériel
°200 €/ha pour 5 passages de 35 mm
Prix d’un enrouleur : 25 000 à 30 000 € HT
Les 3 enrouleurs du Gaec ont 15 ans

Deux à trois heures de travail quotidien

Le Gaec des Lilas irrigue 9 à 10 hectares par jour, en général de mai à septembre. Cela représente deux à trois heures de travail quotidien, et mobilise une personne et un tracteur pour déplacer les trois enrouleurs sur environ 80 bouches d’irrigation. En 2019, cinq passages de 35 mm ont été réalisés sur les 100 hectares irrigables de l’exploitation. « En période de restriction comme l’an passé, nous sommes peu limités car le Loir a un très bon débit avec de très bonnes retenues, souligne Mathieu. En 2019, c’est exceptionnel, nous avons du réduire le volume d’eau pompé de 30 % mais c’est un pourcentage collectif au niveau de notre association d’irrigation. Comme l’une des exploitations n’avait pas besoin d’irriguer son tournesol à cette période, nous avons réussi à irriguer toute notre surface. » Le Gaec des Lilas n’est pas non plus, contrairement à d’autres exploitations, soumis à des contraintes d’horaires.

Au Gaec des Lilas : trois enrouleurs pour 100 hectares irrigués

 

 

 

La station collective de pompage sur le Loir amène l’eau via un réseau souterrain de canalisations jusqu’aux bouches d’irrigation. Elles sont réparties sur les 240 hectares de trois exploitations.

 

 
 © É. Boudvin

 

Les six pompes de la station (dont une pompe à débit variable) permettent d’alimenter neuf enrouleurs, trois pour chacune des exploitations. L’irrigation mobilise une personne et un tracteur pour déplacer les enrouleurs d’une bouche d’irrigation à l’autre, les brancher et les dérouler. L’appareil calcule la longueur du « déroulé » et la durée d’arrosage en fonction des paramètres programmés (pression d’entrée, largeur arrosée (90 m), millimètres, diamètre de la buse, débit horaire…)

 

 
 © É. Boudvin

 

Les appareils s’enroulent automatiquement avec la pression de l’eau et s’arrêtent automatiquement quand ils arrivent en bout de course.

 

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